Une procédure insolite
Nous attendions à bien des choses, la défaite, la victoire, une demande d’avis au Conseil d’Etat mais pas à cela : une nouvelle audience, devant neuf juges, en formation plénière...
Il y a donc deux éléments nouveaux : une seconde audience et un autre formation plus solennelle.
Habituellement le renvoi à une audience ultérieure est faite à la demande du Commissaire du Gouvernement qui le formule explicitement dans ses conclusions pour un complément d’information, pour répondre à un moyen d’ordre public ou encore pour attendre une expertise supplémentaire. Mais nous n’avons rien entendu de tel dans les conclusions du Commissaire du gouvernement. Et, en général, c’est un report d’audience devant la même formation de jugement.
Or non seulement il y a audience ultérieure, mais en plus cette audience sera devant une autre formation, la plus solennelle des formations : le Président de la Cour, les Présidents de chaque chambre (six à Bordeaux), le rapporteur et le magistrat le plus ancien dans le grade le plus élevé.
Le choix de la formation est en générale déterminé avant l’envoi des convocations à l’audience, pas après une première audience.
Bref, une combinaison rarissime pour un procès hors norme.
Mes premières impressions
(pour celles de mon frère voir ici)
Je ne sais encore ce que cela présage, je vais y réfléchir mais, zut, encore 2 mois sans sommeil ou à rêver des mémoires... et je vais surtout me plonger dans des livres de sociologie des juridictions administratives, enfin, je n’en connais qu’un :« la fabrique du droit, une ethnographie du Conseil d’Etat »...pour essayer de deviner ce que cela veut dire.
Rémi va lui se plonger dans les traités de droit car il n’avait évoqué ce cas de figure dans son petit traité... Vraiment nul :-))
Etonnant quand même : un jugement d’une formation de droit commun vient en appel devant un formation plénière, après être passé une première fois en appel devant une formation ordinaire.
Mais il y en a une qui peut être contente : c’est notre amie Annette W.! Dans le numéro de l’Histoire [1] où sont parus des extraits du droit de réponse de notre cher avocat a répondu que si
« les conclusions du commissaires de la République (sic) sont les plus longues présentées devant un tribunal administratif, pourtant, au regard de l’enjeu pour l’histoire- le génocide des Juifs- elles sont incroyablement sommaires »,
reprenant l’argumentaire qu’elle a tenu dans divers journaux sur l’absence d’une vraie instruction et de vraies plaidoiries... Ce procès administratifs aura eu, pour l’instant, 200 pages de mémoire, un jugement de 20 pages, 5 plaidoiries, 3 conclusions du Commissaire du Gouvernement et un arrêt d’une Cour administrative d’appel en formation plénière...
Les victimes, qui, contrairement à ce qu’affirme Annette, ne sont pas que juives, auront eu un procès administratif digne de l’enjeu du débat : les administrations, les personnes morales peuvent-elles être complices de Crime contre l’Humanité, à travers l’addition de fautes de service et des ordres de leurs lâches dirigeants ?
Et INTERNET là dedans ?
Enfin à cette nouvelle péripétie vient se greffer Internet... et oui
On peut faire des notes en délibéré après les conclusions du commissaire du Gouvernement, mais le Commissaire n’y répond pas.
Or, grâce à Internet, et contrairement à un article de presse, des commentaires sur les conclusions du Commissaire du Gouvernement sont accessibles facilement et perpétuellement.
Mes 2 billets « a-t-on perdu ? » [2] et « lorsque le bourreau a plus de droit(s) que la victime » [3] exposent des contre arguments juridiques aux conclusions du Commissaire du Gouvernement, un troisième devait paraître cette nuit « a-t-on gagné ? qu’a-t-on gagné ? » [4]... Et contrairement à un article de presse, ils sont toujours accessibles, même si on les a manqué lors de leur parution.
Si le Commissaire du Gouvernement les lisait, il pourrait y répondre dans ses nouvelles conclusions, ce qui n’est pas illégal mais pervertit le système processuel administratif... et en bonne administrativiste, cela me choque.
Il est évident que si j’avais su qu’une nouvelle audience avait lieu, j’aurai attendu pour commenter les conclusions, et j’aurai fait un commentaire global.
Bref, j’ai l’impression qu’Internet change la donne, non pas juridiquement mais dans la sincérité des débats... C’est difficile à exprimer, puisque cela ne relève pas de la loi mais d’une impression de vielle juriste : INTERNET peut permettre un dialogue public sur les conclusions du Commissaire du Gouvernement et ce n’est pas forcément dans la logique du procès administratif.
C’est pourquoi, pour ma part, et parce que je suis une ancienne avocate spécialiste en droit administratif, je prends une décision qui ce fait rarement sur Internet : je retire mes deux articles particulièrement virulents et critiques sur les conclusions du Commissaire du Gouvernement.
Mais promis, je les remets en ligne dés le jour de l’audience, avec celui que je devais mettre cette nuit...
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