« Les biens sectionaux » n’était pas un sujet qui déchaînait les passions au sein du groupe écologiste du Sénat, j’en ai donc hérité en ma qualité d’ex-avocate en droit public.
Je me suis donc attelée à cette tâche de simplification législative : Les biens sectionaux forment un système qui conjugue des droits anciens, remontant au moyen-âge, et des tentatives de simplification, récurrentes depuis les années 1980, qui ont malheureusement parfois compliqué le régime.
Les « sages » se prononçaient le 15 octobre dans l’hémicycle et, fait assez rare, pour être souligné, le sujet a été voté à l’unanimité après un travail intense en commission des lois.
Mes quatre amendements ont été adoptés sans aucune difficulté. Pour trois d’entre eux il s’agissait d’amendements d’harmonisation, c’est à dire qu’ils modifiaient ou rajoutaient un ou plusieurs mots afin de préserver la cohérence du texte.
Un des amendements portait sur la possibilité de modifier par décret le seuil financier minimal pour la création du conseil syndical de la section, afin d’éviter au législateur de devoir revenir sur ce point d’ici quelques années.
Je vous livre ici la vidéo de mon intervention, ainsi que le texte de mon intervention :
Madame la Ministre
Monsieur le président,
mes chers collègues,
Il y a quelque chose d’émouvant à toucher à une survivance des siècles passés et d’essayer de la préparer à affronter le XXIè siècle : sans doute survivance de modes de gestion moyenâgeux, banalités et autres alleux, les biens sectionnaux nous interrogent, nous législateurs, sur notre responsabilité face à l’avenir :
pendant des siècle la propriété seigneuriale était limitée afin de garantir un usage collectif, un usufruit collectif aux habitants du lieux, face aux riches, au monopole des puissants.
La révolution française, consciente de la nécessité de ces biens pour permettre aux plus pauvres de n’être plus des serfs mais des citoyens, avec un minimum vital à exploiter n’a pas mis fin à ces usages.
Sans doute parce que les autres modes de régulations sociales de la solidarité sont apparus, comme les allocations, ce mode de gestion s’est progressivement dévoyé, si bien que certain de ces biens sont utilisés comme des bien privatifs à l’usage exclusif de certains descendants des habitants originels, n’ayant plus de lien « viscéral, avec ces biens.
Plusieurs fois réformés au cours des trois dernières décennies, la gestion des biens sectionaux est un vrai sujet politique, d’organisation de la Cité, certains Maires subissent tellement de déboires avec ces territoires qu’ils finissent par rendre leur tablier.
Lorsque l’on connaît le sacerdoce des élus de ces petites communes, on ne peut qu’espérer une simplification du régime juridique de ces biens, ce qui permettrait peut-être d’aplanir les conflits.
Toutefois, ce régime particulier ne s’adressant qu’à une fraction de la population d’une commune, constitue une rupture d’égalité, ces biens produisant des richesses qui ne peuvent être utilisés que dans l’intérêt du territoire de la section, alors même qu’ils appartiennent à la commune dans son entier, ce qui a déjà été souligné.
Cette proposition de loi essaye de rendre plus simple et surtout plus « juridique », est-ce à dire plus judicieux, du moins je l’espère, le régime des biens sectionaux, mais on part de très loin...
Je me réjouis notamment que la proposition reconnaisse la nature publique de la section de commune et définisse clairement la qualité de membres de la section qui était pour le moins floue jusqu’à présent.
On en vient à se demander comment des régimes aussi archaïques et aussi mal définis ont pu perdurer aussi longtemps dans notre droit, alors que la proposition de notre éminent collègue était si simple.
Il semble aussi évident que par cette réforme, non seulement nous interdisons la création de nouvelles sections mais nous signons la disparition de l’écrasante majorité des sections de communes, celles qui ne sont plus qu’une coquille vide sans habitants et sans ayant droits, la plupart des 27000 sections ne fonctionnant pas ! Les seules qui fonctionnent réellement sont au nombre de 200 et ont constituée un conseil syndical pour gérer leur section et les rapports avec la commune.
Certes, les sections ne disparaîtront pas totalement, et nos successeurs auront certainement à revenir sur ce régime afin de le mettre à nouveau en cohérence avec les évolutions de notre population et des nouveaux modes d’habiter les villages !
Plus généralement, nous devrions nous intéresser à la notion de biens communs, notion chère aux écologistes, et à la manière d’associer les citoyens à cette gestion, à l’exploitation et à l’entretien des biens de la commune.
Il y a un besoin réel aujourd’hui de retisser les liens qui devraient unir toutes les communautés humaines.
L’individualisme et l’égoïsme ne sont pas des valeurs qui permettent au citoyen de relever la tête en temps de crise, en revanche l’entraide, la solidarité et le partage sont les axes de réflexions dont nous avons besoin en ces temps difficiles
Beaucoup d’initiatives illustrent mes propos : on voit émerger un peu partout en France les « jardins partagés » sorte de jardins ouvriers avec une notion collective plus marquée encore.
Si nous associons également les usagers à la gestion des biens collectifs que sont les aménagements urbains, les locaux collectifs des HLM ou les équipements sportifs nous renforcerions alors le sentiment de confiance dans la gestion des propriétés publiques, nous donnerions aux citoyens la possibilité de comprendre le fonctionnement des espaces publics et de prendre leur responsabilité dans l’exercice de cette propriété collective !
C’est d’ailleurs un axe de réflexion du centre d’analyse stratégique, reçu aujourd’hui.
Lors de la réforme de la démocratie territoriale, j’espère que nous aurons l’occasion d’aborder de nouvelles formes d’association et de responsabilisation des citoyens concernant la gestion des propriétés des communes, qui sont justement des propriétés communes !
Les sections de communes nous auront ainsi mis en appétit pour réinventer une des modalités du vivre ensemble : il faut des règles simples autour d’un projet commun sans que personne ne puisse en tirer plus de bénéfice que d’autres...
bref une belle utopie, un beau rêve pour cette heure tardive...
Pour comparaison, voici le compte-rendu analytique de la séance.
bénéfice que les autres : un beau rêve pour demain (Applaudissement sur les bancs écologistes)
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