Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les biens sectionaux constituent une forme de limitation de la propriété publique afin de garantir un usage et un usufruit collectifs aux habitants du lieu. Plusieurs fois réformée au cours des trois dernières décennies, la gestion de ces biens présente toujours une complexité rarement observée, et Dieu sait pourtant si nos lois en recèlent !
Ce régime particulier, puisqu’il ne s’adresse qu’à une fraction de la population d’une commune, constitue une rupture d’égalité au sein d’une même collectivité. Ces biens produisent des richesses qui ne sont utilisées que dans l’intérêt du territoire de la section, alors même qu’ils appartiennent à la commune dans son entier.
Les anciens usagers de cette partie du territoire communal, mais non ceux qui y travaillent toujours, vont évidemment y perdre avec la communalisation d’un espace commun privatisé. Mais les habitants de la commune, eux, vont bénéficier de cette réappropriation.
Nous ne votons ici que la disparition des sections de commune qui sont des coquilles vides, car elles ne fonctionnent pas. Or c’est le cas de la plupart d’entre elles. Il semble que seules 200 sections environ fonctionnent effectivement et ont constitué un conseil syndical pour gérer la section et les rapports avec la commune. Cette proposition de loi ne les concerne donc pas.
Je me réjouis que la proposition de loi reconnaisse la nature publique de la section de commune et définisse clairement la qualité de membre de la section, qui était pour le moins floue jusqu’à présent.
Comme écologistes, l’une de nos craintes était de voir ce texte contribuer à la spéculation foncière sur les terres agricoles. L’article 4 decies, que nous proposons de renforcer, répond à cette inquiétude. Nous devrons cependant rester attentifs quant à l’application de ce texte sur plusieurs points. Il nous faudra par exemple vérifier que, lors du rattachement des biens de la section à la commune, l’information des habitants est effective et efficace. Nous devrons également vérifier que le droit à indemnisation des bénéficiaires est respecté et d’un niveau acceptable.
Au-delà de cette proposition de loi, qui n’est pas parfaite, notamment quant à la possibilité de « droit de retour » des terres à leurs anciens exploitants lorsque la commune n’entend pas les garder comme biens communaux »“ cela justifie que nous défendions ultérieurement quelques amendements »“, nous devrions nous intéresser à la notion de biens communs, notion chère aux écologistes, et nous interroger sur l’association des citoyens à leur gestion.
Aujourd’hui, il existe un besoin réel de retisser les liens qui devraient unir toutes les communautés humaines : la prise de décisions collectives, la connaissance de l’environnement proche, la protection du cadre de vie et la vision d’avenir de l’intérêt commun sont autant d’éléments de nature à souder une société humaine, quelle qu’en soit la taille, de la plus petite commune à l’État. L’individualisme et l’égoïsme ne sont pas des valeurs qui permettent au citoyen de relever la tête en temps de crise. En revanche, en ces temps difficiles, nous avons besoin d’entraide, de solidarité et de partage. Même dans nos grandes villes, il existe des déclinaisons de ces biens communs, tels les « jardins partagés », des jardins ouvriers mis au goût du jour, avec une notion collective plus marquée encore.
Il reste en France de nombreux bois communaux ; on pourrait aisément associer les citoyens à leur gestion et leur exploitation en réactivant l’affouage. De même, les canaux d’irrigation de proximité, comme ceux qui existent dans le Briançonnais, se comblent peu à peu, la commune n’ayant pas la volonté de leur redonner leur utilité, au profit de l’appropriation sauvage de sources par les captages privés.
Il conviendrait aussi d’associer les usagers à la gestion des biens collectifs que sont les aménagements urbains, les équipements sportifs, etc. II faut redonner du sens à la consultation des citoyens, en les rendant acteurs de la gestion des affaires de leur commune, au travers, par exemple, de la gestion d’un budget participatif. Nous renforcerions alors le sentiment de confiance dans la gestion des propriétés publiques et aussi dans le rôle de l’impôt. Nous donnerions aux citoyens la possibilité de comprendre le fonctionnement des espaces publics et de prendre leur part dans l’exercice de la gestion de ces biens communs. Ce serait un premier pas vers une meilleure compréhension de la politique, celle que nous aimons et que nous servons aujourd’hui, à savoir la gestion de la res publica. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste. »“ M. le rapporteur applaudit également.)