Présentation du Relais de Sénart
Le Relais de Sénart mène depuis plus de 25 ans un travail social d’accueil, d’écoute, mais aussi d’accompagnement et d’hébergement de femmes et de leurs enfants victimes de violences conjugales. Le Relais n’impose pas de limite dans le délai d’accompagnement : les femmes viennent aussi souvent qu’elles veulent. C’est une période dure à vivre, trouver du réconfort à ce moment-là est extrêmement important pour pouvoir se reconstruire.
Au-delà de ces actions au Relais de Sénart, à Vert-Saint-Denis, et à la Maison des Femmes »“ Le Relais à Montereau-Fault-Yonne, Le Relais de Sénart joue un rôle préventif, informatif et propose même des formations.
Le Relais travaille en réseau avec des avocates. Le problème principal reste l’avance des frais d’avocat qui peut mettre en difficultés financières les femmes déjà fragilisées psychologiquement, socialement et économiquement.
Un constat se fait clairement jour : il y a un réel défaut de formation des juristes, policiers et du personnel administratif en général vis-à -vis de la violence conjugale.
L’absence de connaissances du phénomène est un autre constat accablant.
De plus, il est réellement difficile de former et de sensibiliser. Par exemple, il existe deux référents violence conjugale dans les brigades : la formation est obligatoire pour eux. A ce manque de formation s’ajoute une mise en porte-à -faux du travailleur social vis-à -vis des personnes en difficultés.
Catherine Seurre, Déléguée Départementale aux Droits des Femmes de relever : « Cette violence étant basée sur une relation amoureuse, elle est de toute façon très compliquée et sans le tact nécessaire, il est difficile de faire avancer les choses ! »
Par curiosité, j’ai demandé si des hommes faisaient parfois appel au Relais de Sénart. Mme Siehen m’a rétorqué que non, à l’heure actuelle, c’est la culture de la « puissance masculine », le rapport de domination homme/femme qui prime et qui fait des dégâts. « Quand il y a violence conjugale femme/homme, ce ne sont pas les mêmes mécanismes de domination que l’on rencontre », m’assurait-elle.
La chose inquiétante selon l’équipe du Relais de Sénart est la banalisation de la domination des hommes sur les femmes. Des actions et des campagnes de sensibilisations vers les jeunes permettent d’ouvrir les esprits et de faire prendre conscience de cet enjeu de taille. Le Relais de Sénart organise également des actions collectives autour de la santé avec un planning familial, une diététicienne, une psychologue.
L’accueil de jour
Il s’agissait d’une demande existant de longue date, notamment de la part des femmes vivant à l’hôtel. Il manquait ce chaînon dans l’accompagnement que peut proposer le Relais de Sénart depuis sa création.
Le fonctionnement de l’accueil de jour est simple et offre la possibilité de venir partager des moments pour des femmes accueillies hors les murs (accueil / écoute / orientation) qui ont déjà un logement, un hébergement ou une chambre d’hôtel.
Il est nécessaire qu’elles puissent se reconstruire collectivement par des échanges avec celles qui ont la même galère qu’elles.
« Ici, c’est un lieu pensé pour se réapproprier le quotidien, comme un lieu de reconstruction et de conscientisation des violences », soulignait Mme Siehen.
L’accueil de jour, financé en partie par le biais de ma réserve parlementaire 45 557€ proviennent de la DRDFE (Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Égalité d’Ile-de-France) et 30 000€ de ma réserve parlementaire.
En voyant cet établissement et le nouveau pôle d’accueil qui a été créé, je demeure persuadée que la réserve parlementaire a des avantages évidents en termes de soutien de projets sociaux intelligents car ma petite part a permis de boucler un budget et un projet qui n’arrivait pas à émerger depuis plus de deux ans alors que son urgence était évidente : proche du terrain, n’ayant d’autre censeur que ma légitimité d’élue, je peux répondre présente pour un coup de pouce... si la structure est capable d’attendre 15 mois pour avoir l’argent :-(
Visite des divers espaces créés dans l’accueil de jour Dans la salle de jeux, on travaille avec les enfants sur les répercussions des violences parentales. L’utilisation d’émoticônes permet d’évoluer vers un mieux-être de l’enfant : on passe de la tristesse évidente à la colère salvatrice en passant par l’étonnement, puis la joie »¦
Les femmes accueillies ont la possibilité d’aller travailler avec l’association AIPI à Verneuil-l’Etang : 4 femmes pendant 4 semaines font un meuble ou fabriquent un objet en bois. Apprendre les rudiments de menuiserie leur permet de leur ouvrir les yeux sur les compétences, leurs capacités, leurs talents, et les aide à reprendre confiance en elles, elles qui étaient rabaissés par des hommes qui n’ont jamais été capables de fabriquer de tels meubles.
Le Relais de Sénart a également pour projet d’ouvrir un atelier jardinage, assurant également une évasion par le travail de la terre, et la récompense de savourer sa récolte, preuve indéniable de son utilité.
J’ai pensé à les mettre en relation avec l’association Alliance Terre Vie que nous avons rencontrée récemment (article à venir).
Les lieux ont donc été aménagés pour permettre un accueil de jour, ouvert du lundi au vendredi de 10h à 16h, et tournant autour d’un planning déjà très rempli :
– Ateliers collectifs d’insertion (aide administrative, de recherche de logement ou d’emploi »¦),
– Ateliers collectifs bien-être (chant, créations artistiques),
– Accès à l’espace cuisine, au lave-linge et sèche-linge,
– Groupe de parole tous les 15 jours,
Concernant le fonctionnement global, le Pôle d’hébergement et de réservation hôtelière (PHRH) gère les places hôtelières et le 115 assure l’écoute et la mise en sécurité. 17 femmes en moyenne sont à l’hôtel : 25 adultes et les enfants. Il est forcément plus apaisant d’être dans un appartement avec d’autres femmes.
Depuis peu, les équipes testent les « marches exploratoires ». Cette pratique québécoise aide à circuler à pied dans un quartier et apprend à trouver ce qui le rend d’apparence peu sécurisant. Les femmes proposent ensuite des idées pour améliorer la situation. Au passage, elles repèrent également les lieux où elles peuvent potentiellement se cacher en cas de réel souci.
L’équipe de l’accueil est constituée de professionnelles aux fonctions différentes
Fanny, la conseillère en économie sociale et familiale
Marie, l’assistante sociale en charge notamment du dispositif hivernal. Le Relais de Sénart a réussi à réserver quelques places d’urgence pour les cinq mois d’hiver : seront-elles pérennisées ?
La circulaire du 12/4/13, co-signée par Mme Vallaud-Belkacem et Mme Duflot prévoit qu’1/3 des places d’hébergement d’urgence soit réservé aux femmes victimes de violence conjugale. 101 places ont été crées en Seine et Marne l’hiver dernier, mais aucune place n’a été affectée aux femmes victimes de violence conjugale.
Karin, l’éducatrice spécialisée, animatrice des groupes de parole tous les 15 jours
Angélique, la technicienne d’intervention sociale et familiale pour la partie loisirs.
Témoignages de Sylvie, Claire, Célia : accueillies par le Relais de Sénart, et bénéficiant de l’accueil de jour
Sylvie ne sait pas où elle en serait aujourd’hui si elle n’avait pas appelé le Relais de Sénart grâce à une amie d’amie. Elle a été victime de violences psychologique, verbale et de menaces de mort après 23 ans de vie commune. « Les personnes qui connaissent mon ex-mari ne me croient pas forcément. Et en venant ici, j’ai reçu une véritable aide et on m’a prise en charge. » Sylvie tient à venir tous les 15 jours au groupe de parole et avec ses enfants les mercredis. En quelques mois, depuis fin avril, elle a pris beaucoup d’assurance et a rapidement été confortée dans son choix.
Son prochain objectif : retrouver un emploi. De longue date dans le secteur de la restauration, Sylvie aimerait trouver un poste en restauration collective afin de ne pas pâtir des horaires complexes de la restauration classique, pour prendre le temps de s’occuper de ses enfants, de parler avec eux de ce qui a été vécu, pour ancrer en eux des valeurs fondamentales de respect et de non-violence. Elle doit également effectuer bon nombre de démarches et est en instance de divorce. « Les équipes sont géniales. Et je ne dis pas ça parce que vous êtes là ! Je le pense sincèrement ! » s’exclamait Sylvie, pleine d’émotion.
Marie a connu le Relais de Sénart par le service de police. Elle a un vécu similaire à celui de Sylvie : après 18 ans de vie commune et trois enfants, elle est partie en vacances l’été dernier et son ex-mari en a profité pour changer les verrous et vider la maison de tous les meubles. Aujourd’hui, Marie vit avec ses trois filles chez ses parents, dans le sud de la Seine-et-Marne. Ces derniers aimeraient rapidement retrouver leur vie tranquille de retraités.
Marie vient au Relais de Sénart depuis juillet : « Ce sont les seules personnes qui ont compris. Ma famille ne me soutient que matériellement et a hâte que je m’en aille avec mes trois filles. Ici, j’ai compris que je n’étais pas coupable, le soutien psychologique est très appréciable. »
Célia est prise en charge par l’équipe depuis un mois et demi. Elle a quitté le domicile conjugal après 10 ans de vie commune et vit à l’hôtel. « Heureusement qu’il y a l’accueil de jour avec des machines à laver. A l’hôtel, ce n’est pas évident avec mes trois filles. Quand on vient ici, les journées passent plus vite et sont plus agréables. » Elle a souvent téléphoné au 3919 qui l’a renvoyée vers le Relais de Sénart.
Célia a une famille et des amis qui la soutiennent, qui attendaient même qu’elle quitte son compagnon ! Elle nous expliquait que les réactions de ses trois filles sont différentes : l’aînée accueille cette séparation plutôt bien. La deuxième a encore besoin d’entendre que c’est la fin d’une histoire entre son père et sa mère, mais que son père restera son père quoi qu’il advienne. La troisième était un bébé très calme et est devenue une véritable « pile électrique » depuis cette nouvelle situation. Célia a bon espoir que son comportement s’apaise.
Pour l’instant, il est difficile pour cette jeune mère de se projeter dans le futur. Elle vit au jour le jour et est à la recherche un emploi dans une maison de retraite. « J’ai pu entamer toutes les démarches administratives et judiciaires grâce au Relais de Sénart. »
Focus sur le groupe de parole, moment privilégié, conçu pour et par les femmes
Tous les 15 jours, le mardi matin a lieu le groupe de parole. « On parle d’elles, on prépare l’avenir, on échange, on calme les angoisses, on explique, on partage autour de la mort, des enfants »¦ Une nouvelle thématique est systématiquement proposée pour la séance suivante », expliquait Karin.
En discutant, les femmes se rendent compte qu’elles ne sont pas seules, qu’elles ont subi les mêmes affronts, les mêmes stratagèmes de la part de mecs qui se ressemblent tous. Depuis ses débuts, cet instant de partage rencontre un véritable succès et l’animatrice observe une réelle assiduité dans la participation des femmes, ce qui encourage à maintenir cette activité.
En interne, pas de tabou
J’ai demandé aux animatrices et à l’équipe directrice s’il n’était pas complexe de ramener ce « lourd bagage » rempli de pleurs, de violence et de sentiments de fatalité à la maison. Unanimement, les professionnelles m’ont répondu qu’elles parlaient souvent entre elles, qu’une supervision par un membre tiers existait et que ces expériences recueillies auprès des victimes de violences (femmes et enfants) renforçaient le travail en commun et la solidarité du groupe, notamment au sein des binômes d’accompagnement des femmes. Cette organisation permet de bien développer le modèle de référent médiateur tout en prenant le recul nécessaire, en se soutenant mutuellement entre professionnelles.
Une nouvelle disparité territoriale
Il n’y a pas d’appel à projet pour créer un accueil maternel. Le Relais de Sénart souligne qu’il manque des places en sud Seine-et-Marne, tandis qu’au nord on trouve trois lieux de ce type. Les femmes sont en danger, ainsi que leurs enfants. Souvent, ils sont placés par l’assistance sociale et la femme est prise en charge par le 115 qui « ferme sa porte » à partir du moment où elle quitte le domicile familial.
Un département limitrophe en manque de structures ?
Les femmes et enfants victimes de violences conjugales dans l’Yonne n’ont pas de structure d’accueil. L’association du Relais de Montereau-Fault-Yonne est souvent interpelé par des femmes en difficultés et prêtes à se déplacer jusque là pour être aidées. Quid de toutes celles qui sont en souffrance et qui ne connaissent pas le Relais de Montereau, ou qui n’ont pas de moyen de transport jusqu’en Seine-et-Marne ?
Je suis partie, convaincue que toutes ces femmes, accompagnantes et accompagnées avaient raison de se battre et je suis fière d’avoir pu participer, modestement, à ce projet social de première importance.