Il existe en fait des inquiétudes chez certains élus nationaux quant à d’éventuelles dérives sectaires. Selon le collectif, « ce sont ces dérives qui sont souvent pointées du doigt et qui, pour nous, servent finalement de prétexte à la parution d’une loi allant dans le sens contraire de l’instruction à domicile » me confiait Mme Messant.
Une PPL qui dérange
La proposition de loi déposée par M. Portelli, sénateur UMP et qui fut mon professeur de droit constitutionnel à Nanterre ne laissait plus le choix de l’éducation à domicile. L’association Les Enfants d’Abord cherche à sensibiliser les élus (M. Portelli, Mme Mellot) pour lutter contre la méconnaissance de cette pratique. M. Pinton (Sénateur de l’Indre) répond que l’école doit être obligatoire pour tous.
Selon moi, qui fus une des premières avocates à défendre des parents de l’association Les Enfants d’Abord, l’instruction à domicile peut avoir des répercussions sur la socialisation de l’enfant. Il y a dans le contact avec d’autres enfants du même âge un travail social intéressant qui se fait dès la plus tendre enfance et qui permet à chacun de nous de développer une personnalité, des souvenirs, de se frotter à la vie, aussi cruelle soit-elle »¦ « Les parents qui s’engagent dans cette démarche hors normes cherchent à faire vivre à leurs enfants une autre socialisation que celle vécue dans l’enceinte de l’école, qui cloisonne les enfants et les oppose. Un enfant bien dans sa tête et qui part sur de bonnes bases va faire son chemin, sans forcément user de la violence », m’expliquait Mme Luzy. Je lui ai rétorqué que nous vivons dans une société et qu’il me semble difficile d’y (sur)vivre quand on n’y a pas été confronté au quotidien. A ce titre, je me suis permis de reprendre l’exemple du cumul des mandats dans le temps : les politiques sont ensuite coupés du monde, de la réalité.
Forcément, des préjugés existent dans la société qui explqiue les projets de lois contre l’instruction à domicile : depuis une éternité les enfants étaient un apport de travail pour la famille. Qu’est ce qui garantit que que les parents qui prétendent instruire leurs enfants à domicile ne vont pas en profiter pour les faire travailler, situation courante dans certains pays encore aujourd’hui. Et rappelons-nous que si l’école est devenue obligatoire, c’était justement pour sortir les enfants du travail ! Cela semble désuet aujourd’hui, mais pourtant il existe des dérives aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.
Personnellement, je trouve que laisser ce choix aux parents est important, même si j’y vois une vraie folie. En même temps, il faut également laisser le choix aux enfants : ont-ils la possibilité d’aller à l’école ou est-ce que l’instruction à domicile leur est imposée ? Est-ce qu’il arrive qu’ils fassent eux-mêmes la demande d’une re-scolarisation ? Cette demande existe visiblement, notamment à l’entrée au collège.
Je comprends également un message fort de ces parents : il faut que l’Ecole, en tant qu’institution, change, car elle ne reflète plus la société dans laquelle nous évoluons. Les connaissances sont trop « décontextualisées » et théoriques, d’autant plus que les élèves ont aujourd’hui accès à la culture en un clic. La mission de l’école est d’enseigner le socle commun. L’école « échoue » dans cette mission selon Mme Messant.
Au cours de nos échanges, j’ai tout de même posé la question des enfants dont les parents n’ont pas les capacités intellectuelles de leur fournir les connaissances de base. Qu’en fait-on ? L’école publique serait-elle faite pour eux exclusivement ?
Pour cette raison notamment, il reste, à mes yeux, plus important de défendre l’Ecole publique plutôt que l’instruction à domicile.
J’ai également demandé si ces mères voyaient dans les écoles alternatives une solution à leur problème. Il s’avère que le budget entre ensuite en ligne de compte. Alors quid du jour où la France n’aura plus d’Ecole publique et républicaine, mais uniquement des écoles privées, comme c’est le cas aux Etats-Unis par exemple ?
L’obligation de résultat dans l’instruction à domicile
Les trois femmes que j’ai rencontrées ont mis en avant le fait que l’Ecole n’a pas l’obligation de résultats qui leur est demandée en tant que parents pratiquant l’instruction à domicile.
Il n’y a pas d’aide particulière pour que les parents réussissent à évaluer les résultats.
Certes, mais si on ne donne pas un socle commun à tous les enfants qu’ils soient à l’école ou à domicile, comment fait-on pour vérifier s’ils ont eu accès à ces connaissances basiques ? Il faut bien contrôler ce point essentiel !
Donc si cette évaluation n’existe pas, qu’est-ce qui prouve que l’enfant scolarisé à domicile reçoit bien ce minimum de notions de base pour s’en sortir dans la société ?
Une législation qui doit évoluer
Même si je ne suis pas pour une telle instruction, elle doit subsister, mais je pense qu’il faut revoir le système car les défauts sont patents, comme me l’ont rappelé mes interlocutrices :
- La difficulté de se rencontrer pour s’entraider à deux familles (au-delà , les parents doivent fonder une école).
- Le manque de concertation entre les acteurs (rectorat, parents, Education Nationale)
- Les inspecteurs en charge du contrôle de l’instruction en famille (IEF) ne connaitraient pas la loi, seraient partiaux, traiteraient les familles inégalement, imposeraient des tests basés sur le fonctionnement de l’Education Nationale alors que l’un des buts de l’instruction à domicile est que cela fonctionne différemment. c’est la progression de leur enfant qui devrait être contrôlée plus qu’autre chose.
Bref, l’instruction à domicile existe, elle doit être contrôlée mais ne doit pas être comprise, par la société, le rectorat ou par les parents qui la pratiquent, comme une instruction autre mais comme une autre instruction sur un rythme différent, avec le même but : faire des enfants des adultes capables de trouver leur place dans la société et dans le monde du travail...
Vaste programme pour toutes les parties
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