Un parcours personnel, une bataille quotidienne
Nathalie Calonne est Maman d’une enfant adoptée au Viêt-Nam dont elle a découvert le handicap à l’âge de 18 mois et d’un enfant non handicapé, en classe de première.
Face aux difficultés qu’elle a rencontrées pour sa propre fille, elle a monté une association pour aider les parents dans le même cas.
Des structures existent, mais inadaptées et souvent non préparées à recevoir certains publics
Les structures d’accompagnement sont totalement inadaptées tant au point de vue de la réglementation que dans les faits : manque de formation, de personnel... En local, les Les Services d’Education et de Soins Spécialisés A Domicile (SESSAD) sont saturés en termes de prise en charge rééducative (kiné, orthophonie »¦) ce qui oblige les familles à se rendre dans d’autres lieux spécialisés, souvent loin du domicile.
Les SESSAD en Seine et Marne sont saturés et 17 ans en arrière les services n’étaient pas préparés à la prise en charge des enfants infirmes moteurs cérébraux ! Ce public pourrait bien venir à s’accroitre avec la médecine de récupération / de sauvetage (suite à un accident de voiture, par exemple).
Des constats consternants
Le problème de prise en charge est dû à un cruel manque de place dans les écoles "généralistes" alors même que les gouvernements affichent la volonté d’intégrer les handicapés dans uns scolarité classique. Pourtant le département seine-et-marnais est le parent pauvre du PRogramme Interdépartemental d’ACcompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC). Ce programme relève de la compétence de l’État, est financé par l’assurance maladie, et pour lequel la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) répartit les enveloppes budgétaires liées au fonctionnement des établissements spécialisés. La CNSA met en avant le fait qu’une attention toute particulière est portée à l’équité territoriale : force est de constater que de gros progrès restent à faire.
De plus il manque aussi des places en établissement médico-social pour enfants et adultes handicapés, car malgré la bonne volonté des enseignants, il arrive que des enfants handicapés ne peuvent absolument pas être à leur place à l’école tant leur handicap est lourd ou nécessite une pluralité d’intervenants.
Sur 2010-2016, aucune place n’est prévue en Seine-et-Marne : or a le territoire connait l’un des plus forts taux migratoires en Ile-de-France. Il est donc évident que des personnes handicapées, mineures ou adultes, vont venir y résider par la force des choses (naissance, déménagement, suite à une intervention de « médecine de récupération »).
La Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH77), ce guichet unique départemental accompagnant les personnes handicapées et leurs familles, manque malheureusement de personnel pour effectuer un travail de terrain, permettant d’améliorer la visibilité de certaines données statistiques fondamentales au bon fonctionnement et à une meilleure coordination des actions sur le territoire local et régional. Il est inadmissible qu’aujourd’hui, en Seine-et-Marne, il soit impossible de savoir précisément le nombre de personnes handicapées, enfants comme adultes, malgré les démarches du Conseil Général dans ses Actions pour le Handicap.
On ne sait pas non plus expliquer pourquoi il n’y a pas de création de places ni évaluer les handicaps, la CNSA n’expliquant pas le pourquoi de sa décision.
Une association pour sensibiliser, fédérer et sociabiliser
L’association seine-et-marnaise « Parents en colère 77 » a été créée par Mme Calonne le 26 octobre 2012 pour aider un ami de son fils et sa propre fille à surmonter le handicap grâce à la sociabilisation. Elle s’est naturellement rapprochée de « Parents en colère » dans la Manche. Les deux associations songent à se structurer en antennes régionales. Cela semblerait logique pour travailler avec les Agences Régionales de Santé (ARS), par exemple. 70 familles adhèrent déjà à l’association "Parents en colère 77". Certaines familles sont craintives tandis que d’autres veulent montrer leur détermination au sein de ce collectif.
L’association souhaite vivement se faire remarquer, notamment par voie de presse, en faisant des actions « coup de poing ». « Certains parents n’en peuvent plus. Ils se font promener de bureau en bureau et ne voient pas le bout du tunnel pour solutionner les problèmes liés au handicap de leur(s) enfant(s). On cherche à agir de façon pacifique mais très claire : on veut que ça bouge rapidement », affirmait Mme Calonne.
En dehors de la scolarité souvent difficile pour les enfants et adolescents handicapés, les parents rencontrent une difficulté supplémentaire, celle de trouver des professionnels : kinés et rééducateurs, notamment en nord 77. Cela nous renvoie vers l’enjeu de taille qu’est la désertification médicale de notre département. Le fait de monter une association permet de rassembler des forces vives et trouver des solutions collectivement.
Pour les parents demeure également la question cruciale : que devient mon enfant après ma mort ? « Au sein de l’association, cette question est une véritable inquiétude qui révèle un manque de contrôle de l’existant et un manque d’initiative politique pour réformer le secteur du handicap, pour penser collectif. On ne parle pas de prise en charge globale, c’est très dommageable ! », soulignait Mme Calonne qui me faisait remarquer à juste titre que les coûts du handicap mis bout à bout étaient difficilement supportables, tandis qu’avec une action de fond cette prise en charge globale serait facilitée et des allègements pourraient être trouvés.
Alors que l’on constate que la mise en place de programmes pour les personnes âgées (plan Alzheimer : 1,6 milliard d’euros sur 5 ans, etc.) sont coûteux, mais favorables à la préservation de l’autonomie et la sociabilisation de nos anciens. Pourquoi ne pas envisager le même programme à destination des publics handicapés cérébraux et physiques ?
Un parent qui a un enfant handicapé ne reçoit pas de formation !
« Quand on voit tous ces jeunes désœuvrés trainer dans la rue, on se dit qu’il devrait exister des structures qui permettrait un brassage social et seraient certainement salutaires aussi bien pour ces adolescents laissés pour compte que pour les enfants handicapés ayant besoin de tisser du lien. Sans forcément avoir de formation longue et très spécifique », expliquait Mme Calonne, en ajoutant avec justesse « Lorsqu’un parent accueille son enfant handicapé : il n’a pas de formation ! La vie lui fait connaître et lui apprend sur le tas comment se débrouiller ! »
Aujourd’hui, avec les progrès de la "médecine de sauvetage / de récupération", notre pays devrait prévoir et anticiper la gestion global du handicap. On peut naître handicapé-e, mais on peut aussi le devenir. On est dans une politique qui va à l’encontre du bon sens : on sauve des vies pour en sauver, mais derrière, rien n’est mis en place pour venir en aide aux individus touchés par divers handicaps.