Déclaration d’intérêts

mardi 23 avril 2013, par Hélène Lipietz

La déclaration d’intérêt est obligatoire (au Sénat) alors que le gouvernement et l’Assemblée nationale s’interrogent sur l’obligation de déclarer les intérêt des parlementaires ou des membres du gouvernement dans des activités autres que politiques.

Le Sénat a mis en place la déclaration d’intérêt que l’on doit remettre à celui-ci dans le mois qui suit son installation. C’est ainsi que j’ai dû, en juillet 2012, déclarer les sociétés dans lesquelles j’avais des intérêts et surtout les professions qui pouvaient m’influencer dans ma libre opinion de sénatrice.

Je vous rappelle que j’étais, avant ma nomination au Sénat, avocate en droit public. C’est-à -dire que la majorité de mes dossiers étaient des dossiers que je plaidais, soit pour l’État ou des collectivités territoriales, soit contre l’État ou des collectivités territoriales.

De plus, étant spécialiste dans les droits des étrangers, j’acceptais tous les dossiers de refus de titre de séjour à l’aide juridictionnelle, ce qui me permettait de ne pas me prendre la tête dans le paiement des dossiers, et avec la possibilité dont j’usais, de renoncer à cette aide juridictionnelle si je gagnais et à demander à ce que ce soit l’État qui me paye mes honoraires.

Ainsi, alors qu’un dossier à l’aide juridictionnelle est payé aux alentours de 560 € j’obtenais entre 1 000 et 1 200 € en première instance et 1 500 € en appel si je gagnais... C’est extrêmement motivant et m’a permis de bien gagner ma vie comme avocate des étrangers, ce qui est un véritable scandale car cela prouve que les préfectures violaient et violent régulièrement le droit des étrangers, ce qui était sanctionné par les tribunaux administratifs.

Ainsi, donc, devenant sénatrice, j’allais avoir à décider, non seulement, du montant de l’’unité de valeur d’aide juridictionnelle accordée, mais aussi à décider de la réforme de la justice administrative.

Après en avoir discuté avec les fonctionnaires du Sénat nous sommes tombés d’accord sur le fait que je ne pouvais pas être avocate en droit public et sénatrice. C’est pourquoi j’ai demandé à être omise du barreau au 16 juillet 2013. Depuis cette date je ne suis donc plus avocate et ne plaide donc plus contre l’État.

On remarquera toutefois les limites de l’exercice. En effet, mon associé est avocat en droit public, célèbre par ses manuels de droit du procès public ou de marchés publics. Il est évident donc que mon ex-associé va continuer à plaider ce genre de dossier contre l’État. Mais, il se trouve que mon associé est - toujours et j’espère pour longtemps - mon digne époux :).

Donc, si mon ex-associé plaide toujours contre l’État, mon mari aussi, et l’argent qu’il gagne contre l’État, ou pour l’État - car il est aussi avocat parfois de l’État - est donc de l’argent public. Puisque nous sommes mariés sous le régime de la communauté légale, cet argent me revient à 50 %.

Et c’est là toute la limite de cette opération mains blanches : comment pouvons nous faire pour qu’il n’y ait pas de conflits d’intérêts à partir du moment où les parlementaires sont, avant tout, des citoyens avec une vie privée, et que cette vie privée peut indirectement les mettre en contradiction avec leur intérêts parlementaires, sauf à me faire divorcer de Rémi !

Ainsi, vous remarquerez que dans ma déclaration de patrimoine (je l’ai rendue publique bien avant l’opération «  Plus blanc que moi tu meurs  » ) aucun chiffre n’est cité. En effet, ce patrimoine, comme je l’explique en long en large et j’espère pas en travers, a été gagné par le travail de Rémi et de moi durant les 30 ans où je n’ai pas été sous les feux de la rampe politique, nous nous souvenons toujours avec émotion de la première fois où nous avons payé nos impôts c’est à dire plus de 10 ans après nous être mis en couple.

Faut-il que son patrimoine (qui est la moitié du mien) soit ainsi étalé au risque que ses clients au cabinet trouvent qu’il a trop bien gagné sa vie ou que, sachant que nous avons un tel patrimoine, des personnes mal intentionnées enlèvent nos petits-enfants pour nous réclamer une rançon ! Perline, qui connaît bien le Brésil, m’a d’ailleurs fait remarquer que ce serait de la folie de faire au Brésil ou dans d’autres pays d’Amérique du Sud par exemple, une telle déclaration avec l’indication des montants, notamment lorsqu’il y a des assurances vie, de l’argent frais immédiatement disponible, contrairement au patrimoine immobilier.

C’est pourquoi Rémi, refusant que son patrimoine soit révélé au public, ce qui est son droit totalement absolu, je me battrai jusqu’au bout pour que ma déclaration « littéraire » soit retenue c’est-à -dire une énumération de tous mes biens avec la date d’achat ou d’acquisition et le moyen de financement de ceux-ci, ainsi qu’une évaluation en dessus ou en dessous de l’ISF.

Je pense d’ailleurs que Rémi, selon sa bonne habitude d’avocat en droit public, fera certainement un recours si on m’oblige à révéler son patrimoine :).

Quant à l’opération mains propres, elle m’a permis de constater, en allant sur les différents sites où les patrimoines sont publiés, tel que le site EELV ou le site du journal les échos, de constater que ceux qui n’ont fait durant leur vie d’adulte que de la politique ont un patrimoine bien inférieur à ceux qui, comme moi, ont fait des allers-retours entre la politique et le monde du travail. Cela confirme, mais personne ne l’a encore fait remarquer, que la politique n’enrichit pas son homme, contrairement à ce que les démagos et les fachos de tout bord veulent faire croire. Ce qui enrichit financièrement l’homme, c’est le travail, ce qui enrichit intellectuellement, c’est aussi la politique.

Forum