C’est un peu le cœur gros que j’ai repris le chemin du Sénat, 15 jours après l’avoir quitté... C’est surtout le mercredi, jour de la Commission des lois que je suis nostalgique, non pas de la gloire ou de l’argent comme je l’ai entendu tout au long de mon mandat et l’entend encore contre les politiques, mais la nostalgie tout simplement du plaisir de travailler avec des gens que j’appréciais même si je ne partageais pas leurs idées... sauf celle de faire le meilleur droit possible pour qu’il fasse bon vivre en France, ou du moins que notre vie soit toujours digne des idées que portent la France et notre Démocratie.
Mais bon la règle du jeu est celle là et je suis retrouvée simple « ancienne sénatrice » pour faire visiter le Sénat. Heureusement, je savais que ce groupe serait à mon écoute, sans critiquer mon engagement politique, même s’ils ne le partagent pas, mais simplement en l’acceptant comme une autre facette de moi-même, engagement pour servir et non pour être servie.
Je crois d’ailleurs que c’est ce qui m’a le plus chagrinée en devenant sénatrice, moi qui était si heureuse de cette reconnaissance de mon travail au service des autres à travers la politique ou l’avocature, que certains, y compris politiques, ne voient en moi qu’une apparatchik ou qu’une profiteuse des largesses de la République et donc des citoyens-nes.
Pour cette visite, étaient présents :
La paroisse catholique de Melun
avec son curé en tête...
Avec aussi les animatrices de KT et d’aumônerie de mes enfants. Elles les ont aidés à grandir et même si tous mes enfants n’ont pas gardé la foi de leur Communion, grâce à elles, ils ont tous à cœur la force de l’Amour des autres et le mettent en pratique dans leur travail, la politique ou leur implication associative.
Merci à vous de m’avoir aidée à réussir nos enfants et de ne pas m’avoir jugée même si mes positions politiques ne sont pas les vôtres.
le monde judiciaire
Il y avait aussi greffiers ou magistrats, étonnés de la complexité de l’élaboration d’un texte, alors même que le texte qui leur arrive est parfois si incompréhensible et avec tant de lacunes... mais serait-on juriste si les lois étaient parfaites, sans aucune discussion possible ?
Quelques étudiants croisés sur ma route
Régulièrement des étudiant-e-s voulaient m’interroger sur l’élaboration de la règle de droit, c’est toujours avec plaisir que je leur ai répondu. Sans leur dire trop de bêtises j’espère :-)
Dans le groupe, Romain, que je connais depuis l’âge de 7 ans, exemple type d’une éducation nationale qui ne sait pas répondre à chacun parce que gérée pour répondre à tous...
Des retrouvailles, 45 ans après
Si Romain n’a pas été scolarisé, j’ai eu, quant à moi, le plaisir de l’être avec des instits et des profs qui m’ont marquée et auxquels je repense toujours avec tendresse, même si leurs noms parfois m’échappent : j’ai toujours été nul en nom ! Ce qui pour une avocate ou une politique pose quelques problèmes [1].
Même si je ne connais plus leur nom, certaines de mes réflexions, de mes passions ou de mes prises de position leur doivent beaucoup et j’en suis consciente.
Pouvez-vous imaginer mon émotion, lorsqu’un soir, après avoir fait la bateleuse sur l’estrade d’un candidat centriste allié avec les écolos, pour persuader de voter cette liste lors les municipales, une dame s’approche de moi
« _ me reconnaissez-vous ?
euh pas plus de mémoire des visages que des noms...
– Je suis madame Carbonnel. »
Ma prof de Français de première, au lycée de Saint Cloud... Elle qui m’a fait aimer, décortiquer la langue française, mot par mot, pour en dévorer la substantifique moelle !
Je connais encore le programme de français :
- Malraux, quelle horreur ! que j’ai eu du mal à lire « la condition humaine » première fois de ma vie qu’un livre me déplaisait autant... et pourtant j’ai fait un exposé sur le traitre et ce fût, je pense, ma première plaidoirie pour un "salaud...
- Rousseau, les confessions d’un type que j’ai détesté de suite, viscéralement... après j’ai essayé de me raisonner, d’expliquer ce rejet... mais je ne comprends toujours pas mon antipathie sauf peut-être à cause de son prologue que je crois connaître encore par coeur, dans son esprit si ce n’est dans ses mots.
- « Huis clos » qui m’a valu 16 à l’oral... cet enfer que peut être chacun de nous pour les autres et la nécessité de ne jamais oublier que les autres ne sont pas nous. Et là aussi des salauds ou des pauvres spécimens humains de lâcheté et de veulerie que je vais retrouver au long de ma carrière d’avocat et de politique... Huis-clos m’a ouvert à Sartre et à Camus dont j’ai dévoré les livres durant cette année de première, il est vrai que je n’ai jamais autant lu qu’entre la seconde et la terminale, un livre par nuit !
- Musset, Lorenzaccio et cette erreur d’écrivain qui m’avait choquée « ils ne voyaient pas que leur chiens sentaient mauvais ».. En vieillissant je me demande si ce mélange des sens ne fait pas sens...
- Baudelaire dont la poésie m’a laissée de glace au grand regret de mon cher et tendre...
- mais surtout Guillaume Apollinaire que j’ai lu et relu, sur le pont Mirabeau, devant les sapins, de longues robes revêtus.. ; Ce sont des poèmes qui accompagnèrent aussi mes enfants, le temps des fumigations que leur écolo de mère leur infligeait. Vivement les rhumes de mes petits enfants !
Et madame CARBONNIER était toujours en contact avec madame MARIOTTI, ma prof de quatrième, première et terminale en sciences nats ! Que j’aurai aimé être travailleuse ou très bonne élève pour faire de la géologie, de mon temps enseignée en quatrième... la tectonique des plaques, le mystère des volcans, notre mère la terre nous donnant à lire son histoire par des petits cailloux... et l’écologie, l’équilibre du vivant !
Mais j’étais trop paresseuse et peut-être trop rêveuse pour faire des études scientifiques... et madame Mariotti m’en a gentiment dissuadée !
Pour mon plus grand bien d’ailleurs, puisque je suis tombée amoureuse du droit, de sa poésie rigoureuse et de son ouverture aux hommes, en allant m’inscrire à la fac...où j’ai rencontré l’homme de ma vie.
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