Et puis aujourd’hui une réponse à mon article la jurisprudence LIPIETZ Horrible par la souffrance de cet homme, orphelin de père par la faute des nazis et la complicité de l’Etat français et de la SNCF... et je suis en pleurs depuis ce matin... Parce que ce n’est pas mon procès, mais celui de Papa, parce qu’on nous accuse d’être cupides... c’est dans le sang des Juifs ! Les 30 deniers de Judas !
et Alain en reçoit encore plus
Et pourtant j’étais tellement loin de tout cela Samedi 26 août, lors du mariage de ma fille aînée... parce que désolée, je ne suis pas de religion juive mais chrétienne, parce que Papa n’a été fait juif que par la connerie de Vichy, allié zélé d’Hitler... Papa a été baptisé par Amour de Maman... et sa petite fille, l’auteure du si beau texte sur son grand-père a toujours, comme mes frère et sœur et moi-même et mes enfants, été élevée dans la Foi chrétienne, même contre la bêtise de ceux qui parlaient d’un peuple déicide !
Ma fille aînée s’est mariée avec Emmanuel dans l’Eglise où nos ancêtres bourguignons se sont mariés ou ont été baptisés...
Alors je ne peux résister à mettre le magnifique témoignage, plein de trous, de contradictions, d’une petite fille de déportés juifs et résistants ... parce que c’est un exemple des dizaines d’appels et de courriels que nous recevons au bureau... parce qu’il illustre pourquoi le cabinet de Rémi Rouquette, mon cher et tendre, ne prend pas ces dossiers (au grand étonnement des journalistes) : ils sont l’écho de notre propre souffrance... j’admire les avocats courageux qui ont accepté ces dossiers... Rémi et moi ne pouvons le faire mais nous aurons à répondre au mémoire de la SNCF, l’Etat n’a pas fait appel... Bien sûr nous mettrons sur le site d’ACACCIA, notre cabinet d’avocats, la réponse.
Merci donc à Martha pour ce témoignage et son hommage à ses parents qui sont nos parents à nous tous, juifs ou chrétiens ou athées ou musulman..., turcs ou français ou rwandais ou Yougoslaves, vivants ou morts... qui sont les parents de tous ceux qui ont été pris dans une page d’histoire qui leur a été imposée hier, aujourd’hui et demain, dans toutes les folies génocidaires des hommes qu’ils soient d’Europe, d’Afrique ou d’ailleurs...
témoignage de Martha
Le procès que votre famille a intenté contre l’Etat français et la SNCF me renvoie à la propre histoire de ma famille par quelques similitudes.
Je m’appelle Marthe, née à Lille en 1949. Mes 2 frères ont respectivement 55 et 53 ans.
Mes parents : Maurice, né à Kielce en Pologne en 1926 (il nous a quitté voici quelques mois loin d’être délivré de ses angoisses...), Odette née le 24 Mars 1931 à Lille....(elle aime être appellée Ode, c’est plus doux).
La vie ne leur a pas fait de cadeau.... : Le père et le frère de Papa (24ans) ont été pris dans une rafle à Périgueux ...Papa ne s’en ai jamais remis. Il a eu toute sa vie des crises de panique et des angoisses dont mes frères et moi sommes imbibés... Nous ne parlions pas des morts, nous ne connaissions pas les cimetières...jusqu’à il y a quelques mois pour ...Papa.
Odette, orpheline de mère à 7ans. Son père Joseph, turc , apatride en France et mort pour la France car juif, résistant. Il avait fait maintes demandes pour être naturalisé français, cela ne lui a jamais été accordé, aucune reconnaissance, même à titre posthume, il était membre actif de la résistance. A leur retour de déportation ses 3 filles n’avaient rien pour vivre, on ne leur a pas accordé de pension pour la disparition de leur père et frère, elles n’ont-elles même eu que très tard une pension Elles faisaient les marchés par tous les temps dans le Nord de la France. Mon grand-père et son fils de 17 ans ont été dénoncés et torturés.nous n’avons jamais eu de nouvelles. Je viens de retrouver dans les papiers que Papa gardait précieusement une carte postale (dans un français parfait !) que mon grand-père Joseph adressait à un cousin (je cite) : « ...C’est terrible de quitter son foyer comme ça, que veux-tu à cause de mes enfants que Dieu aide la France et que ces bandits de nazis disparaissent à tout jamais et cela sera pour bientôt bon courage et Vive la France »
Maman alors âgée de 13 ans a assisté avec 2 de ses sœurs Esther et Violette (plus âgées) à l’exécution des maquisards cachés dans leur maison qui a été brûlée. Elles ont été arrêtées Le 27 juin 1944 dans le village d’Arcambal (à 7kms de Cahors) et enfermées dans des caves à Cahors.
Le 30 juillet 1944dernier train de français vers les camps,départ de TOULOUSE) elles partaient pour un long voyage...nuit et brouillard. Le débarquement en Normandie avait déjà eu lieu, les signes de la victoire proche étaient nombreux, les allemands commençaient leur repli. Quelques jours plus tard Paris était libérée, la France se réjouissait... alors qu’elles, elles partaient pour les camps de concentration ... pour revenir un an plus tard... et dans quel état Leur voyage a duré 10 jours dans des wagons plombés de la SNCF avec pour seule lumière et aération des petites lucarnes. Le train ne s’arrêtait qu’une fois par 24heures pour qu’elles puissent faire leurs besoins sous la menace des fusils et sous les coups de bâtons... (je viens d’apprendre tout cela par la sœur aînée de maman ces jours ci, Ma tante vient de me révéler que maman était considérée comme morte, qu’elle gisait sur un tas de cadavres, que quelqu’un la voyant remuer l’a sauvée, c’est un miracle !!! Je n’arrête pas d’y penser depuis. Maman ne se doute pas que je sais tout cela. Les enfants étaient inutiles...on les gazait rapidement. Maman a été l’objet d’expériences « médicales »...
Maman, qui était une enfant, était séparée de ses sœurs, et a été internée à Ravensbruck puis Bergen Belsen (dernier camp à être libéré à cause du typhus et de la vermine). Après avoir été en quarantaine, elle est rentrée toute seule à Lille, pesait 21kgs, avec la tuberculose pour trouver une soeur (Violette)-la seule non déportée de la famille - qui venait d’être trépanée et qui est décédée après le retour de ses 2 sœurs : elle avait vu leur maison brûler et toute sa famille disparaître.Maman,la plus jeune de la famille était à son chevet.
Maman avait 18 1/2 ans quand je suis née (4 1/2 ans après son retour de l’enfer !!), elle faisait les marchés avec Papa. Il avait 23ans. Ils n’avaient rien de rien Elle conduisait le camion alors qu’elle était enceinte de son troisième enfant, pendant que mon père (nouvellement naturalisé français) n’échappait pas au service militaire bien qu’il fût soutien de famille avec 3 enfants. Quelle rage de vivre ! Quel instinct de survie pour tous les 2 (le père de Papa a aussi été déporté -convoi n °50 du 4 mars 1943 [1]- son frère de 24ans -convoi n °51 du 6 mars 1943) [2]. Quel passé pour un si jeune couple qui démarrait dans la vie !!
Elle est très belle, ne paraît pas son âge, je ne connais que ses beaux yeux tristes. Elle est emmurée dans sa souffrance, parle peu, est très pudique et réservée, endurcie par la vie mais en même temps si fragile
Ses 2 sœurs Esther et Judith sont également vivantes et toutes 3 malgré tout sont de vrais "tempéraments, elles ont beaucoup d’esprit.
Mes frères et moi nous avons toujours su...sans rien savoir : « les enfants de déportés restent marqués à vie : ils héritent d’une sorte de brouillard au fond des yeux et des bleus à l’âme à jamais indélébiles ».
C’est pourquoi votre histoire nous a touchés tout particulièrement. Se lancer dans une telle aventure risque de faire resurgir les démons, je n’ose pas trop en parler à Maman...elle est comme une petite fille. Esther, elle, est pour.
Nos familles ne guériront jamais Nos parents sont des Héros, Maman une héroïne, mais elle n’en a pas conscience !!)Je ne savais que fort peu de choses, Papa verouillait tout, la découverte de documents à sa disparition, votre procès m’a permis d’en savoir davantage et de faire pour la 1re fois de ma vie un travail de mémoire (puisque mes parents ne l’ont pas fait) leur rendre hommage, leur dire discrètement que je les aimais et que je les admire, mais même cela on n’arrive pas à se le dire. Il y a une grande pudeur chez nous, même cela est difficile à dire...Ils nous ont transmis la dignité, la tolérance, la discrétion.
Merci, Hélène, malgré vos grandes occupations d’avoir bien vouloir répondre avec tant de gentillesse à mon appel et d’avoir été émue par l’histoire de mes parents qui est exemplaire. Eux n’ont jamais pu, ni voulu le faire.
Pourquoi les hommes sont-ils si barbares ?
Bien Cordialement, CARPE DIEM
Marthe
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