Mme Aline Archimbaud.
Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.
à€ quelques kilomètres de Paris, à cheval sur les départements de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne, le Fort de Vaujours est une ancienne fortification militaire qui a été utilisée de 1951 à 1997 par le Commissariat à l’énergie atomique pour y développer les détonateurs des bombes atomiques de l’armée française. Pendant des années, le CEA y a pratiqué plusieurs fois par jour, à l’air libre, puis en salle, des essais nucléaires dits « sous-critiques », ou tirs « froids », qui consistaient en l’explosion de bombes atomiques factices construites autour de sphères d’uranium 238.
De 2000 à 2002, à la suite d’une longue mobilisation associative et politique, le CEA a accepté que la CRIIRAD, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité, mène une étude sur le site, qui en a démontré l’importante pollution.
Aujourd’hui, des médecins et des malades nous interpellent, ainsi que des associations locales. En effet, les statistiques récentes de l’Agence régionale de santé démontrent des taux de cancer préoccupants, à la fois bien au-dessus de la moyenne nationale et départementale et sans commune mesure avec les taux enregistrés dans les communes avoisinantes.
Parlementaires écologistes, nous sommes très inquiets des risques sanitaires encourus par la population environnante. Nous ne sommes pas les seuls, y compris dans cet hémicycle, et ce d’autant plus que la majeure partie du site a été rachetée en 2010 au CEA par la société BPB Placo, filiale du groupe Saint-Gobain, qui a pour projet imminent d’y réaliser une carrière de gypse à ciel ouvert. Ce projet impliquerait de déplacer, dans un avenir très proche, des millions de mètres cubes de terre polluée cumulant de nombreux risques liés aux contaminations radiologiques, chimiques, à la présence de métaux lourds et, éventuellement, de munitions non explosées. Il nous semblerait inconcevable que de tels travaux puissent commencer avant que leur innocuité ne soit prouvée par une étude réalisée par un organisme indépendant, ce qui exige la levée au moins partielle du secret-défense pesant sur le site, qui empêche tout diagnostic sérieux.
Le Gouvernement est-il prêt à demander la mise en place d’un moratoire immédiat afin que ces travaux ne soient pas engagés avant la conclusion d’une telle étude ?
M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Madame Archimbaud, je sais que vous suivez ce dossier avec attention, comme vos collègues Gilbert Roger, Claude Dilain et Vincent Eblé.
Le site du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives de Vaujours a fait l’objet, en 1997, d’un processus de cessation d’activité à la fois transparent et conforme à la réglementation. C’est ainsi qu’une commission de suivi rassemblant les parties prenantes et des associations indépendantes a été mise en place pour donner des informations sur la pollution du site. Cette commission a conclu que l’assainissement du site avait été réalisé de manière satisfaisante.
Ce processus s’est également conclu par la publication, en 2005, d’un arrêté de servitudes encadrant les changements d’usages du site. Tous les travaux de terrassement, d’excavation ou d’intervention sur la surface du sol devront faire l’objet d’une expertise préalable de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN. Cette servitude n’est à ce jour possible que sur les sites classés pour la protection de l’environnement. Je proposerai donc dans le projet de loi sur la transition énergétique que l’on généralise ce type d’outil lorsque cela est nécessaire.
En application de l’arrêté de 2005, la société Placoplatre a mandaté l’IRSN pour réaliser des analyses radiologiques sur le site ; ce dernier a conclu à l’absence de risque d’exposition pour les personnels manipulant les carottes de forage. Une note d’information détaillée très récente, puisqu’elle date du 24 janvier 2014, est disponible sur le site internet de l’IRSN, dans laquelle cet institut mentionne également que l’uranium n’a pas d’effet connu sur la thyroïde.
Madame la sénatrice, au vu de ces éléments, il n’est pas apparu nécessaire d’interrompre l’instruction du projet de la société Placoplatre, qui doit néanmoins continuer d’appeler la plus grande vigilance à chaque étape, au regard de l’utilisation historique du site. C’est pourquoi MM. les préfets de Seine-Saint-Denis et de Seine-et-Marne ont décidé de réactiver la commission locale de suivi, qui se réunira au lendemain des élections municipales. Bien évidemment, le Gouvernement suivra attentivement cette réunion.