Question écrite

Réhabilitation des soldats de la guerre de 1914-1918 fusillés pour l’exemple

jeudi 16 janvier 2014, par 0.20 Perline Noisette, Hélène Lipietz

Mme Hélène Lipietz interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, au sujet des »œsoldats fusillés pour l’exemple » .

Voir en ligne : Sur le site du Sénat

Durant la Première Guerre mondiale, des soldats, sous les ordres de chefs les envoyant à la boucherie, envoyés au front dans des attaques perdues d’avance, dans des conditions atroces et une discipline rigoriste, ont refusé d’être des sacrifiés.

Ils n’ont pas obéi aux ordres, ont déserté ou se sont mutilés, refusant d’être des pantins traités comme de la simple chair à canon par des généraux dans l’incompétence est depuis longtemps reconnue.

Jugés dans le cadre des décrets du 2 août et du 6 septembre 1914 instituant des Conseils de guerre spéciaux, par une parodie de justice, plus de 650 d’entre eux ont été »œfusillés pour l’exemple » .

On apprend maintenant à nos enfants qu’au chemin des Dames en 1917, plus de 200 000 soldats ont péri en quelques semaines.

Mais sait-on qu’à la suite de cette boucherie, 40 000 soldats ont refusé de monter au front et dénoncé des erreurs de commandement ?

A l’occasion du 80e anniversaire de l’armistice de 1918, le Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, avait souhaité que les soldats « fusillés pour l’exemple, réintègrent aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ».

A une époque où le résistant de la deuxième Guerre mondiale, Stéphane Hessel, a rallié tant de personnes différentes sous son livre »œIndignez-vous » , il est l’heure de reconnaître la saine indignation de ces soldats.

Elle lui demande s’il compte, à l’occasion du centenaire de la déclaration de guerre de 1914, réhabiliter tous ces hommes injustement condamnés et fusillés, afin qu’ils aient toute leur place dans la mémoire de la Nation.

Réponse du Secrétariat d’État, auprès du ministère de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire

publiée dans le JO Sénat du 08/05/2014 - page 1078

« Le 11 novembre 1998, soit 80 ans après la fin du premier conflit mondial, Lionel Jospin, alors Premier ministre, rendait un hommage aux mutins de Craonne sur le Chemin des Dames en 1917, à ceux qui, « épuisés par des attaques condamnées à l’avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d’être sacrifiés », et souhaitait « que ces soldats, "fusillés pour l’exemple" au nom d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ! ». Il a ainsi, pour la première fois, célébré la mémoire de ceux qui avaient refusé, après la tuerie de l’offensive Nivelle, en avril 1917, de marcher au combat pour de nouveaux assauts inutiles et meurtriers. Le Premier ministre avait, par ces paroles, souhaité que ces soldats soient réintégrés dans la mémoire collective nationale. Si ce dossier a fait, par la suite, de la part des différents gouvernements qui se sont succédé, l’objet de nombreuses prises de position en faveur de la réhabilitation des « fusillés pour l’exemple » de la Première Guerre mondiale, aucune décision n’avait été prise. C’est pourquoi le secrétaire d’État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire a décidé de faire un premier pas symbolique dans ce dossier en attribuant, à l’occasion de la commémoration du 11 novembre 2012, la mention « mort pour la France » au lieutenant Jean Chapelant, fusillé pour désertion le 11 octobre 1914 dans la Somme après avoir été adossé au poteau d’exécution sur un brancard improvisé, alors qu’il avait été blessé, fait prisonnier et s’était évadé. Le secrétaire d’État entend poursuivre ce travail de mémoire. à€ ce titre, il a confié à l’historien Antoine Prost l’élaboration d’un rapport sur ce sujet, qui lui a été remis le 1er octobre 2013. En effet, dans le cadre du cycle mémoriel, il est important de réintégrer les fusillés pour l’exemple dans la mémoire collective. Comme l’a annoncé le président de la République le 7 novembre dernier, une place sera accordée à l’histoire des fusillés au sein du Musée de l’armée, dans ce lieu prestigieux installé aux Invalides. De même, les dossiers des conseils de guerre seront numérisés et ainsi accessibles à la recherche et au public. En effet, il ne s’agit plus aujourd’hui de juger ou de rejuger, mais de se souvenir et de comprendre, ainsi que le préconise le rapport d’Antoine Prost, car il n’y a pas de reconnaissance plus forte que celle de la connaissance.Réponse parvenue au Sénat avant la fin du mandat de l’auteur de la question. »

P.-S.

Inspiré par la Libre pensée.

Une question de rappel a été posée le 17 mars 2014.

Forum

7 Messages

  • Oui bien sûr, mais n’est-ce pas en préparation, ou déjà prévu ? ou solennellement affirmé par Jospin ?

    Je suis l’auteur de Le Mythe national, l’histoire de France revisitée, éd. de l’Atelier, dernière édition 1908.

  • Pour faire connaître le sort des fusillés pour l’exemple, la chanson « 1916 » dont le clip est en ligne à cette adresse : http://youtu.be/67z_3jylgSU

  • Le 24 février 2014 la famille de Julien Lançon sera pour la 1re fois au cimetière de Sarcus (Oise) devant la tombe de Julien Lançon, fusillé pour l’exemple en 1916. Ce « gamin », de La-Bastide-des-Jourdans (Vaucluse), de 24 ans a commis une erreur grave : avec 200 autres poilus il a demandé du repos, au cœur de la bataille de la Somme. L’aumônier de la 2e DIC dira « des enfantillages ». Venez tous à Sarcus à 10h30 rendre hommage à Julien et à Sylvestre Marchetti, son compagnon d’infortune. C’est un devoir de mémoire et c’est dire NON à la commission Prost qui tourne le dos à la réhabilitation.

    • Je ne pourrais être avec vous, mais j’y serai par la pensée.

      Si vous avez la photo de Julien Lançon, je la mettrais volontiers sur mon site.

      Mon Grand-père, président des anciens combattants jusqu’à sa mort, trois fois blessé, croix de guerre, médaille militaire avec deux citations et plein d’autres médailles... colifichets qui ne lui ont pas rendu son œil perdu ni le vol des instants qu’il aurait pu passer auprès de sa petite fille nouvelle-née, a toujours été un pacifique convaincu, nous a transmis sa détestation de tout commandement.

      Il a refusé toutes les promotions, préférant rester seconde classe... Il a, à sa façon, refuser cette boucherie organisée par des incompétents, chacun essayant dans la guerre de rester fidèle à ce qu’il est, ce qu’il croit, par le refus de porter les armes ou par le témoignage de la « connerie » des puissants.

      Lorsque j’ai l’honneur de déposer une gerbe aux monuments aux morts, je n’oublie jamais dans mes pensées « les fusillés pour rien ».

      Se souvenir que certains ont refusé cette tuerie quand d’autres l’ont subie et d’autres l’ont voulue, c’est faire œuvre de mémoire, d’histoire et de pédagogie : la guerre n’est pas toujours inéluctable et la Paix seule permet à l’Etre humain de se réaliser.

      Et oui, je suis une pacifiste bêlante ! Peut-être à cause de notre historie familiale :

       Grand-père qui fut, aussi un grand résistant !
       Il semblerait que son propre grand-père fût un des défenseurs d’Auxerre en 1870, il faut que je poursuive mes recherches généalogiques.
       Son arrière-arrière grand-père fut un corsaire de la ville de Bayonne, sous Napoléon, maître-voilier, fait prisonnier deux fois par les Anglais, la dernière fois il restât avec ses compagnons d’infortune pendant 10 ans à PLEMOUTH, sur des bateaux transformés en prison car la ville de Bayonne n’avait plus d’argent pour les racheter. Le premier bébé conçu à son retour s’appelât Désirée et c’est notre ancêtre !

      • Le passionné de généalogie que je suis lit l’histoire de votre famille avec intérêt. Il y a une photo présumée de Julien Lançon. J’attends l’autorisation de la famille pour la publier. Je ne manquerai pas de vous l’envoyer. Il faut savoir (j’ai envie de dire fait exceptionnel) qu’il y aura entre 15 et 20 porte-drapeaux d’associations d’Anciens Combattants et (c’est là la rareté) 6 à 8 associations différentes. C’est dire qu’il y a un consensus, que malgré des positions différentes des instances nationales sur la réhabilitation, les sections se mobilisent au-delà des directives. Là encore je vous signalerai ces associations le moment venu. Je ne cherche pas de pub, mais sachez que j’ai un livre qui sera publié je pense d’ici 3 semaines « 14-18 Etions-nous bien défendus ». préfacé par Gilles Manceron, historien et vice-président de la LDH..

        • Environ 100 personnes étaient présentes lundi 24 février dans le petit cimetière de Sarcus (Oise) pour rendre un hommage à Julien Lançon, fusillé pour l’exemple en 1916. Pour la première fois la famille, venue de Provence, s’est recueillie devant la sépulture du soldat. Le petit-neveu du fusillé, très ému, a fait cette confidence « Je suis historien amateur, j’écris de petits textes sur l’Histoire de mon village, et je me sens frustré. Je connais beaucoup de choses sur ma région mais je ne savais pas que mon grand-oncle avait été fusillé ». Autres points importants, une vingtaine de drapeaux d’associations d’anciens combattants étaient également sur les lieux, et un trompette a joué les sonneries, et la Marseillaise. Cet honneur rendu à Julien Lançon ne fait que précéder une autre cérémonie, celle de son exhumation. Le soldat devrait, au cours de 2014, retrouver sa terre natale.