Non à la guerre, non aux JO

inventons une arme d’obstruction massive !

dimanche 1er septembre 2013, par Hélène Lipietz

Il faut parfois sortir de sa douce torpeur d’un été finissant trop court pour se remettre de l’année qui vient de s’écouler mais l’actualité internationale ne semble pas connaître le reps estival qui règne habituellement en France en fin août.

Accepter ou non une nouvelle intervention militaire, où quelle soit, n’est pas un acte simple , surtout depuis Munich. Dire non à la guerre ou du moins espérer que la guerre vienne le plus tard possible et pas chez nous, en faisant le plus de compromis et le moins de vague possible est toujours considéré comme une preuve d’un pacifisme bêlant.

Accepter l’intervention française en Syrie, ce n’est pas accepter la guerre, car ce n’est pas chez nous, ni même chez notre voisin, donc pourquoi tant de problème à l’accepter ?

Et puis surtout le tyran de Syrie est un salaud, il a osé utiliser des armes chimiques, interdites par un traité international qu’il n’a pas signé...Est ce que tuer ses propres citoyens, ou les voisins, avec des armes chimiques est plus grave que les tuer dans des geôles infâmes et des tortures sans nom ou que de les tuer avec des armes traditionnelles comme des bombes à fragmentation ?

Cela fait plus de 18 mois que la Syrie est en guerre et c’est qu’aujourd’hui que l’on veut intervenir ? Est-ce la photo des enfants tués par les gaz, qui ont l’air endormis qui nous insupporte ? Ou la mauvaise conscience d’avoir été à la rescousse des libyens parce que Kadhafi nous avait ridiculisé sans venir en aide aux opposants syriens parce que la Russie (j’ai toujours envie de taper l’URSS...) ne le voulait pas ?

Je ne comprends pas en quoi les armes chimiques sont pires que les autres armes, en quoi mourir dans les convulsions des brulures au gaz sarin sont pires que celles d’un ventre ouvert sur des intestins qui palpitent encore du repas de la veille, l’éventration étant la mort la plus douloureuse paraît-il.

Depuis nos fauteuils nous regardons les pays se déchirer, les guerres civiles se multiplier, Yougoslavie, Rwanda, Libye, Syrie et autres. Parfois nous intervenons, parfois nous refusons alors même que nous sommes présents sur les lieux...bref, l’intervention des occidentaux ne semble répondre à aucune logique...

Sauf lorsqu’il s’agit de défendre son prestige (Afghanistan, Libye) ou son approvisionnement en pétrole, Irak, rien ne semble expliquer l’intervention dans tel pays plutôt qu’un autre (pourquoi pas le Rwanda jadis ou le nord Kiwu pour l’actualité présente).

Certes il y a le machin, comme disait l’autre, l’ONU... de temps à autre il y a un «  mandat  » international pour tuer, parfois pas... allez chercher là aussi une logique autre que les intérêts idéologico-économico-tragiques... et puis au fond, même le mandat ONU ne change pas grand chose à la donne : ce sont les grandes puissances issues de la «  dernière guerre mondiale  » qui donnent ou ne donnent pas le LA... mais j’y reviendrais.

Rien ne peut justifier de porter la mort lorsqu’on n’est pas en position de légitime défense, et même là encore... car toute intervention militaire est œuvre de mort... Certes les enfants syriens ne mourront pas, plus, par les gaz, mais par une opération militaire menée selon les règles de l’art, selon les conventions internationales.., par dommage collatéraux car il est évident que nous, nous savons ne tuer que les méchants, que les vilains... et que quand nous tuons des gentils c’est par erreur.. de même qu’il est évident qu’aucun de nos soldats ne sera tué, puisqu’on n’en parle ps...

De même qu’on ne parle pas du coût de la guerre et pas simplement là -bas mais ici... quel est le prix pour notre qualité de vie en occident que toutes ces opérations de maintien de l’ordre international ? J’aimerai un jour qu’on me dise le vrai prix de la guerre en Afghanistan rien que pour la France et pas simplement la ligne budgétaire votée... combien de CO2 dépensé pour acheminer le matériel et l’y laisser... parce que le ramener coûtera trop cher, et tant mieux pour les talibans qui seront bientôt toujours les maîtres de ce pays, combien de postes d’enseignants supprimés en France parce qu’on ne peut pas à la fois être là -bas et ci ? Et surtout combien d’argent mis pour tuer dans les pays en développement au lieu de mettre de l’argent dans une vraie politique de développement des pays les plus pauvres, les pays où souvent les femmes et les enfants ont le moins de droits ?

Apprendre à lire aux femmes, vacciner les enfants, coûte moins cher que de faire la guerre, permet certainement d’éviter nombres de conflits internes.. mais c’est moins intéressant, moins bon pour la testostérone de nos gouvernants (qu’ils soient d’ailleurs hommes ou femmes...) Bref à quand un grand débat sur l’arme de destruction massive de la guerre qu’est le développement économique, sociale et écologique ?

Mais il est vrai aussi qu’on ne parle pas de guerre mais d’opérations de maintien de l’ordre, de destructions des stocks d’armes chimiques, de rétablissement de la légalité internationale, de préservation des droits des femmes... bref, quand nous tuons c’est toujours pour la bonne causse »¦

Mais surtout qu’est que deux, trois décennies d’interventions loin de chez nous, loin de notre occident déclinant économiquement mais toujours fier de SES valeurs nous ont appris ?

Que toutes nos interventions ont été un fiasco... qu’elles n’ont servi qu’à déplacer les problèmes : la Yougoslavie n’a pas eu besoin de nous pour éclater et faire son épuration ethnique, l’Afghanistan attend que les talibans reviennent, l’Irak se balkanise, la Libye a été le réservoir d’armes pour l’islamisme radical du Mali et ailleurs... bref, nos interventions n’ont pas été à la gloire des anciennes grandes puissances

Et pendant ce temps la Chine s’empare des terres africaines, la Russie continue à faire la pluie et le beau temps à l’ONU...

Bref tout ça pour ça...

Et surtout, ne voyons nous pas que nous sommes en train de vivre un changement de civilisation... Je ne suis pas une grande intellectuelle, toute sénatrice que je suis mais je ne comprends pas pourquoi aucune voix ne le dit : à intervenir ainsi, partout, au nom de valeurs qui ne sont pas partagées, la guerre change de sens, la civilisation aussi... je ne sais comment l’expliquer mais il est évident qu’aujourd’hui la guerre d’intervention, ce devoir d’ingérence armée, n’a plus rien à voir avec la guerre telle que l’ont vécue nos ancêtres...

La nouvelle guerre occidentale est une guerre désincarnée parce que lointaine, jusqu’au jour où une bombinette éclate dans un quartier d’une capital occidentale parce qu’aujourd’hui le guerre chez nous c’est ce qu’on appelle le terrorisme... C’est donc une guerre quasiment neutre pour nous puisque nous ne savons le coût réel de l’intervention militaire sur notre PIB et encore moins sur notre BIB (bonheur intérieur brute)... et nous ne pleurons plus, nos quelques militaires qui meurent pour un pays qui ne leur est rien et pour des idéaux qui ne font plus la Patrie...même pas une minute de silence pour eux dans nos écoles...

Et puis ne nous trompons nous pas de cible ? Qui faut-il punir (et non renverser comme nous le dit notre cher président) ? Le dictateur syrien ou ceux qui l’appuient, lui permettant de se croire invisible : la Russie et l’Iran ?

Je ne sais pas ce qu’on peut faire contre l’Iran, je sais ce qu’on peut faire contre la Russie : BOYCOTTER les JO de Sotchi...

ah belle idée que voilà  : répondre à des massacres aux armes chimiques par la dictature de Damas par une absence internationale à Sotchi au lieu de sortir nos canons et nos beaux avions ... C’est ridicule, c’est du pacifisme bêlant, c’est de la nullité la plus absolue des écologistes qui feraient mieux de rester à défendre les petits oiseaux...

Et bien c’est bête mais j’y crois comme j’ai cru au boycott des produits sud africains, comme je crois que le message de Gandhi est efficace...

Parce que la non-violence pose le problème du temps, parce qu’une civilisation, qu’un équilibre des forces, qu’un pouvoir s’établissent dans le temps, dans la durée et non dans la précipitation d’une guerre.

Je suis contre toute intervention militaire en Syrie et pour le boycott des jeux olympiques à Sotchi au nom même de l’Olympisme : les jeux sont le symbole d’équilibre, de respect de soi-même et des autres. La Russie en apportant son appui à la dictature Syrienne viole ces valeurs... Elle n’est pas digne d’accueillir les jeux.

Et si je devais voter, je voterais contre, l’abstention étant le maximum que je puisse faire pour ne pas sortir du gouvernement et sans doute de mon parti... mais quand on veut partir en guerre, dans un autre pays, au nom de la Démocratie, on ne demande surtout pas aux représentants de la nation, démocratiquement élus, de voter !

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