Le deputé et la région

fable à l’attention de M. Devedjian

mercredi 25 janvier 2006, par Hélène Lipietz

La loi portant décentralisation du STIF, l’organe de gestion des transports en commun franciliens, avait été votée en prévoyant que toutes les décisions de gestion prises par le Conseil d’administration le seraient à la majorité simple.

le Conseil régional et les conseils généraux de gauche étaient donc majoritaires et pouvaient faire passer des mesures emblématiques telles que le forfait social.

Monsieur DEVEDJIAN, député UMP haut de senois, une sombre nuit de décembre 2005, décida de modifier cette régle et d’instituer une majorité des deux tiers pour toutes les décisions financières...

Le moyen d’échapper à ce blocage de fait était donc d’avoir encore plus de représentants de gauche au STIF : seule possibilité : modifier le réglement intérieur du Conseil régional pour que le président décide que le scrutin désignant les représentants soit majoritaire et non plus proportionnel... Nous aurions ainsi 15 représentants et non dix...

L’UDF refusa de siéger à l’assemblée convoquée pour ce faire et l’UMP déposa 97 amendements tous plus loufoques les uns des autres, rendant d’ailleurs hommage à « l’imagination des VERTS... de ce fait, seuls aptes à désigner les membres du STIF » ( et oui !)

Les Verts sont proportionnalistes ... comment voter une telle modification qui revenait à nier notre culture ?

En écoutant France-musique et sa charmante émission pour enfants à 19h55, j’entendis la fable le renard et la cigogne... en 15 minutes le fond fût écrit et le lendemain, pendant que je lisais les amendements UMP, ma collègue Laurence Abeille s’usa les doigts à compter les pieds...et à trouver des formules choc (notamment le 4x4 )

Voici donc cette fable aux alexandrins boiteux mais qui fut applaudie même par l’UMP, permettant de mettre de la distance dans cette guerre des tranchées.

Faut-il enfin rappeler que la fable est une rhétorique peu à peu abandonnée qui servit pendant des lustres à faire au roi des remontrances ?

Compère député songea un soir au Stif...

Et déposa un amendement fort strict.

Le débat fut petit et de peu d’intérêt.

L’habile député, pour des raisons malignes

D’une force de blocage préparait les outils

Qui bafoueraient les règles auparavant données

Finaude, la région ne voulut point céder

Car le drôle eut ainsi permis de tout stopper.

Pour se venger de cette tromperie,

En peu de temps, le Huchon réagit :

« Un scrutin majoritaire donne le pouvoir

La Région peut bien y souscrire

De la proportionnelle, réservons la pratique,

Car notre politique est francilienne ou rien ! »

Dés janvier renaissant, modifiant le RI,

Elle boutait hors du Stif les amis du félon.

Politesse rendue, majorité retrouvée,

Libre d’améliorer le transport de chacun,

Un Stif de gauche et de progrès

Déplaîrait-il puissamment à certains ?

Une « mino » de blocage eut empêché tout ça...

Mais le désir du sire était d’autre mesure

Et c’est ainsi que sans cérémonie,

Tous ses amis retourneront au vote,

Honteux comme une droite que la gauche a surpris,

Ou comme un Vert au volant d’un 4x4 !

Mauvais joueurs, c’est pour vous que j’écris,

Attendez-vous à la pareille !

Cet hommage à La Fontaine, coécrit avec Laurence Abeille

Nous rappelle 3 siècles après

Qu’une ne loi ne saurait être une mesure de circonstance,

N’en déplaise à Monsieur Devedjian,

Modifier une règle, parce qu’on a perdu la main

Peut se retourner contre les mauvais perdants

Les modalités de décision au STIF

Furent écrites, ce me semble, pour une région de droite ou de gauche

Et ne saurait bouger au grés des élections

Car l’équilibre des lois est fragile comme un écosystème

P.-S.

Le Figaro, les dernières nouvelles d’Alsace ont repris une partie de ma fable, ainsi que l’AFP.

Le préfet, insensible, a déféré en urgence notre décision au Tribunal administratif. Mon avocat de mari n’est pas optimiste.

Forum