Témoignage d’un militant anti-éolien
M. Robert habite en pleine campagne, à Saâcy. Mis à part quelques avions dans le ciel en approche ou en décollage de l’aéroport de Roissy, à une quarantaine de kilomètres à vol d’oiseau, « le coin est tranquille », d’après cet ingénieur aéronautique à la retraite.
Puis, il a entendu parler d’un premier projet d’éoliennes à la frontière Seine-et-Marnaise à Nanteuil-sur-Marne. Cela l’a poussé à s’inscrire à l’association Vent de Force 77.
Et depuis 2 ans, à 500 mètres de chez lui, et entre 500 et 800 mètres des hameaux alentours, il y a un mât de mesure de vent pour installer une éolienne.
Le Maire de Saint-Cyr-sur-Morin a signé l’autorisation pour ce mât sans avertir personne ni dans sa commune, ni à Bussière ni à Saâcy.
« Il m’a été impossible de savoir le pourquoi du comment, aussi bien auprès de la mairie qu’auprès du promoteur. Je n’ai pas eu une seule information en tant que simple citoyen, résidant à proximité du lieu « à exploiter ». Je l’ai vécu comme une agression. Et j’ai compris que le plus tard on est averti, le moins on est apte à réagir. Alors, j’ai fini par lutter, me renseigner, comprendre comment cela fonctionnait : les grands groupes créent de petites structures par intérêt, afin d’imposer leur vision aux citoyens »
, m’a expliqué M. Robert.
« Le comportement des élus est choquant, car ils ne disent finalement rien à personne. Et l’attitude des propriétaires terriens est également déconcertante », : Aujourd’hui, un propriétaire de terres cultivables ne l’exploitera plus forcément pour nourrir les gens, mais pour vendre de l’énergie. Cela crée certes quelques emplois non délocalisables, mais pour certains projets (biomasse par exemple), il faut investir dans de nombreux outils (tracteurs, broyeurs »¦), parfois déforester, et les terres ne sont finalement plus utilisées pour la production agricole. Qu’allons-nous manger demain ?
Une association qui cherche des réponses à ses questions
Grâce à Vent de Force 77 dont il est devenu président, M.Robert parvient à faire bouger les lignes et convainc citoyens et élus du fait que cette énergie de substitution pollue visuellement, auditivement, tue quelques oiseaux et autres chauves-souris et que l’empreinte carbone de ces grandes structures de plus de 140 mètres de haut existe bel et bien. Il souligne que les champs d’éoliennes »“ au-delà de l’enlaidissement des paysages - sont également dangereux lorsqu’ils sont situés à proximité de grands axes routiers car le clignotement des mâts la nuit peut perturber le conducteur non averti en créant un effet stroboscopique. "Sans parler les nuisances du chantier »“ évalué à un an !" ajoutait M. Robert.
Nous n’avons pas pris le temps d’évoquer ensemble la maintenance de ces grandes tiges à hélices, mais quel en est le bilan carbone ?
« Les associations ne peuvent pas agir : il faut passer au stade politique et le grand problème est qu’il n’y a pas de volonté politique et que les lobbies sont puissants », soulignait M. Robert.
Suite à quoi, je lui ai confié mon idée d’intéresser les gens à la politique en proposant un accès à un poste politique une fois dans sa vie de citoyen, afin qu’une communication renaisse entre les sphères sociales qui composent notre pays.
Le nucléaire comme seule solution ?
M. Robert, en tant qu’ingénieur est plutôt favorable au nucléaire. Ses arguments sont notamment son faible coût pour le consommateur et la fiabilité du réseau. Le président de l’association pense aussi que la technologie et les connaissances évoluent grâce à la recherche, même si le risque zéro n’existe pas.
Comme je lui ai cependant exposé, malgré le désagrément causé par une installation gigantesque de 140 mètres ou que « l’éolien attirerait les requins » comme le veut la rumeur, le nucléaire n’est pas la solution. Nous avons simplement oublié d’être autonomes en énergie, et notamment en électricité !
En 1974/1976, on n’a plus eu de pétrole et on est passé au tout nucléaire. Par manque de volonté politique, on n’a pas opté pour une indépendance énergétique, en se sevrant d’une énergie non sécurisante comme le nucléaire.
J’ai aussi fait remarquer à M. Robert que malgré son pari sur l’intelligence humaine, on allait vers un monde de plus en plus polluant, avec des déchets de plus en plus encombrants, aussi bien en volume qu’en dangerosité, dans l’espace planétaire comme dans le temps !
La grande problématique soulevée lors de mon entrevue avec M. Robert est qu’on agit en terme d’éolien comme on a agi avec le nucléaire »¦on impose sans aucune concertation avec les citoyens-citoyennes pourtant concernés au premier chef dans leur environnement. L’Etat ne sait-il donc pas tirer de leçon de ses erreurs ?
Je lui ai rappelé le référendum de Champeaux, modèle exemplaire de consultation citoyenne.
Quelques constats
M. Robert constate que :
– l’Etat a préféré investir dans la recherche nucléaire sans réfléchir à la dépendance électrique que cela induirait. Ainsi, l’électricité peu coûteuse en France amène le développement d’usines à big data qui mobilisent les terres,
– l’Etat devrait rénover l’ensemble de ses bâtiments publics construits avant les années 2000 afin de limiter ses propres dépenses énergétiques,
– quand on vend son électricité à EDF, on achète plus cher que ce qu’EDF revend : il y a un problème conjoncturel. Il existe une différence entre ce qui est acheté et ce que le client produit. EDF achète plus cher au client, mais nettement moins cher que ce que lui a coûté et lui coûtera le KWh nucléaire,
– les lois évoluent vite par rapport aux nouvelles sources d’énergie, notamment l’éolien et les politiques font passer des choses en force, sans concertation aucune. Alors même qu’après les essais d’implantation de centrales nucléaires, on pouvait espérer que les énergies douces mèneraient à des rapports adoucis entre citoyens et décideurs politiques.
Pour ma part, j’ai envie de faire passer le message suivant : arrêtons tout et réfléchissons, posons les choses pour mieux comprendre ! Mais c’est complexe en politique, d’autant plus dans un pays où l’on produit le plus de lois.
De plus, depuis Pasteur, tout ce qui est scientifique est raisonnable et guidera vers la solution aux problèmes du futur. Nous ne savons plus penser à l’échelle « micro ». Or, l’avenir se trouve dans les actions à portée locale, de proximité !
Pour prendre l’exemple de notre voisin allemand, la puissance potentiellement produite par le duo éolien et photovoltaïque en Allemagne constituerait environ 50% des besoins énergétiques, en fonction des conditions météo et de la présence de vent ou de lumière »¦ Et une autre partie son énergie est fournie par le nucléaire français. Les interconnexions de réseaux nationaux ou européens coûtent cher : il s’agit de réseaux à très haute tension.
Dernière mise au point
Sur la procédure de choix de grands travaux publics, je suis tout à fait d’accord avec M. Robert pour dire qu’il manque une vraie réflexion sur le bouquet énergétique en amont et en aval de la consommation et sur son impact sur le cadre de vie, nous sommes en train de refaire la même bêtise politique qu’avec le nucléaire, heureusement sans les conséquences environnementales et surtout sécuritaires.
L’idéal serait une production en auto-suffisance avec la combinaison de biomasse, de micro-éolien et solaire par exemple. Aujourd’hui, surtout dans de petites communes, dans un esprit volontariste, on devrait pouvoir être en équilibre énergétique. Les petites éoliennes améliorent l’autonomie. Dans le passé, il y avait des moulins à vent et à eau : ce sont des sources d’énergie intéressantes et que l’on a négligées sous prétexte de progrès technologiques !
A l’heure qu’il est, il faut faire le pari des régies locales tout en conservant le confort des interconnexions.
Reste maintenant quelques questions essentielles à se poser en tant que citoyen et militant :
- Comment ne consomme-t-on pas ?
- Le reste à consommer : comment le produit-on ? Comment sommes-nous acteurs de notre production ?
- Qu’est-ce qu’on fait des déchets ? Le nucléaire : on n’a toujours pas la réponse.
Mais rien ne remplacerait les énergies renouvelables : il est quand même plus facile de démanteler les éoliennes et le béton qui tient les éoliennes que le béton qui enserre les centrales nucléaires dont on ne sait toujours que faire !
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