Le contexte
Quelques dates importantes
La profession de masseur-kinésithérapeute est née des conséquences de la Grande Guerre pour rééduquer les 3 millions de blessés que comptait le pays. En 1946, après avoir un diplôme d’Etat commun, les métiers de kinésithérapeute et masseur (KM) fusionnent. Après la seconde guerre mondiale, en 1946, afin d’avoir un métier commun, les diplômes de masseur et de gymnaste médical fusionnent pour créer le diplôme de masseur-kinésithérapeute (MK DE). En 1969, le temps de formation passe de 2 à 3 ans d’études. A partir de 1996 un décret sur les actes de Kiné et l’exercice de la profession en général, laisse au professionnel le choix des actes et des technique. il participe ainsi aux soins du malade sans le contrôle du médecin qui, souvent, ne connait pas la spécificité de ceux-ci..
C’est pourquoi en 2000, les masseurs-kinésithérapeutes (MK) obtiennent la reconnaissance de la compétence à établir un « bilan diagnostic » du patient avec en corollaire la prescription médicale d’indication de masso-kinésithérapie. Ainsi, la prescription du médecin n’est plus obligatoirement qualitative ni quantitative. Le médecin prescrit donc les séances de kinésithérapie sans obligation d’en fixer un nombre précis : c’est le professionnalisme du MK qui l’emmene à fixer le nombre de séances.
Et en 2006, les masseurs-kinésithérapeutes sont autorisés à prescrire certains dispositifs médicaux dont la liste est fixée de façon limitative.
Si initialement, les MK sont des auxiliaires médicaux. Aujourd’hui, ils sont reconnus « profession prescriptrice de dispositifs médicaux » de même que les sages-femmes, les infirmiers, les pédicures-podologues qui sont autorisés à prescrire. Ils aspirent à devenir une « profession médicale à compétences définies ».
La profession en chiffres
La France compte environ 75 000 MK dont 13% sont salariés et 87% établis en libéral. Les MK se battent depuis plus de 30 ans pour gagner en autonomie, et cela fonctionne avec le choix des pratiques et techniques et le bilan-diagnostic qui sont des avancées concrètes pour la profession.
Devant la difficulté de recrutement de MK dans les établissements (nombre, salaires), les chefs d’établissements font de plus en plus appel à des non professionnels de santé (STAPS Activité Physique et Adaptée (APA)) pour accomplir les tâches normalement dévolues aux kinésithérapeutes.
Ce phénomène emprunt d’illégalité, sanctionné par les tribunaux administratifs, se banalise cependant.
Le peu d’attractivité du monde institutionnel pour les MK pose un réel problème en termes de sécurité des patients, de qualité des soins, de validité de la prescription médicale, de non contrôle des formations de ces nouveaux professionnels en recherche d’exercice, et tout simplement en tant qu’exercice illégal de la masso-kinésithérapie. De plus, le MK est soumis à un code de déontologie et peut être poursuivi en cas de manquement, ce qui n’est pas applicable aux STAPS APA.
Ainsi, des filières polonaise et espagnole se développent en nord Seine-et-Marne pour l’embauche de MK salariés étrangers dont certains ne seraient pas inscrits au conseil de l’ordre. Hormis l’aspect légal, il existe donc un risque réel de sécurité et d’assurance pour les patients. Un encadrement est mis en place par l’ordre professionnel pour limiter l’exercice illégal de la profession. La meilleure réponse se trouve dans le texte officiel déjà validé obligeant l’établissement à déclarer son salarié MK auprès de l’institution ordinale, mais celui-ci n’a toujours pas vu paraître son décret d’application malgré la jurisprudence en faveur des MK...
MK et ostéopathes
M. Guérinoni m’a également informée que la densité professionnelle est menacée et que le nombre de MK salariés diminue dangereusement, alors que le nombre d’ostéopathes ne cesse d’augmenter. Ceci est mécanique, puisque les MK sont soumis au numerus clausus sanitaire : le nombre de places pour entrer dans les écoles est rationalisé à travers les concours de Première Année Commune aux Etudes de Santé (PACES) ou ceux pour entrer directement dans les écoles.
Pour les ostéopathes, leur régulation s’est organisée sur un mode concurrentiel, car il ne s’agit pas d’une profession régulée, elle n’est pas répertoriée dans le code de la santé publique. L’ostéopathe peut recevoir les patients en accès direct, sans prescription médicale. Qu’il soit MK, médecin ou « ni-ni » (non médecin, non kiné), le praticien diplômé d’ostéopathie reçoit de l’Agence Régionale de Santé une autorisation d’usage de titre pour exercer. En devenant professionnel de santé, il y a une demande de reconnaissance sanitaire, mais pour cela, il est nécessaire d’avoir une culture partagée, des fondamentaux scientifiques réels ainsi que des obligations déontologiques, sanitaires et sociétales.
L’intégration du processus de « Bologne »
L’intégration des études dans le système Licence Master Doctorat (LMD) dit de « Bologne » correspond au niveau licence + 1 année d’études préparatoire, soit 4 ans d’études minimum. La première année préparatoire actuelle de masso-kinésithérapie ou PACES se fait donc avec les médecins, les dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens. De plus, tous les futurs étudiants de santé passent ensemble bien souvent une année en plus d’études préparatoires aux concours dans des écoles privées type Prépa Kiné ou Sup Santé. Ce tronc commun de connaissances est donc favorable à une bonne collaboration entre les MK et les autres professionnels de santé une fois établis, ainsi qu’à un partage des aspirations et des connaissances.
J’ai également appris que les sportifs de haut niveau sont susceptibles d’intégrer directement la 1re année d’Instituts de Formation en Masso-Kinésithérapie (IFMK) sans passer par la PACES ou par un concours d’entrée.
Un projet de loi qui ne fait pas sens pour l’ensemble de la profession
Depuis 25 ans, une expérimentation est menée. Elle consiste pour les étudiants en masso-kinésithérapie à partager la première année d’étude de santé avec les médecins, les pharmaciens, les sages-femmes et les dentistes, c’est la PACES. Cela porte ses fruits et est validé par l’ensemble de la profession, et par l’ordre. Actuellement, les trois quarts des instituts de formation en masso-kinésithérapie (IFMK) fonctionnent avec une année initiale sélective en PACES au travers de conventions entre les écoles et les facultés de médecine.
Ainsi, la réingénierie des études à laquelle procède le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé consistait logiquement à légaliser et étendre l’expérimentation de 25 ans qui a fait ses preuves et est encouragée par l’ordre.
Or, maintenant, les MK se voient proposés une nouvelle expérimentation de première année en commun avec des professions paramédicales, mais plus avec les professions médicales. Cette loi institue sans concertation le retour des kinés dans des voies générales du monde paramédical. En intégrant les MK dans cette catégorie-ci, on évince complètement le pré-requis médical fondamental à connaître pour évoluer. Non seulement le projet de loi irait à l’encontre de la profession en limitant son indépendance, mais aussi et surtout à l’encontre des intérêts du patient en évinçant les habituelles collaborations pour son bien-être.
Ceci est considéré comme une véritable régression et laisse la définition de « profession paramédicale » d’autant plus floue que tous les exercices gravitant autour du médical, professionnels de santé ou non, peuvent y être intégrés « pêle-mêle ». Expérimenter des premières années communes aux formations paramédicales correspond à une porte de sortie face au refus de mutualiser l’ensemble des formations de santé.
A l’heure actuelle, il y a une réelle recherche d’autonomie, ainsi qu’un positionnement fort en faveur d’une formation à la recherche pour faire un master II et intégrer pleinement le processus Licence Master Doctorat.
Cela permettrait d’améliorer la formation sur la méthodologie de recherche et d’évaluation. L’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes souhaite qu’il existe plus de scientifiques pour démontrer et faire progresser la profession dans la pratique. Pour lui, une culture commune via le PACES permet de se distinguer, alors même que les MK sont les praticiens qui suivent le plus de formation au cours de leur carrière.
Pour toutes ces raisons, les masseurs-kinésithérapeutes souhaitent obtenir la possibilité d’accéder au niveau Master 2 en intégrant la filière universitaire de kinésithérapie ou physiothérapie comme le Portugal, la Finlande, la Suisse, la Roumanie, la Belgique, le Royaume-Uni, le Québec, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Difficulté de faire naître un projet commun
Un retour d’expérience de terrain qui fait lien avec notre article sur la santé en Seine-et-Marne
A Lieusaint, en plein centre-ville, M. Guerinoni, avec la mairie et d’autres professionnels, tente de monter une maison de santé sur deux étages avec 2 médecins (idéalement 5), 2 dentistes, 1 gynécologue, 1 pédicure-podologue, 1 psychologue, 4 infirmières, et 3 4 MK afin d’attirer de nouveaux praticiens et d’améliorer l’offre de soins. Le projet est péniblement en montage depuis 3 ans.
Après avoir résolu de nombreuses questions concernant un bail locatif privé non adapté proposé par la Mairie et un promoteur, il reste la mutualisation des moyens qui ne se fait pas si simplement que cela entre professionnels de santé. D’autant que pour ce projet de regroupement, aucune subvention n’est à l’heure prévue pour exercer dans l’ancienne perception publique qui sera complètement réhabilitée pour l’occasion (1,8 M d’€ TTC). Le coût sera donc supporté au travers du bail privé et des loyers réglés sur la durée par des professionnels exerçant déjà tous sur la commune, la plupart depuis plus de 25 ans, et qui passeront en plus d’un statut de propriétaires à celui de locataires tout en apportant leurs clientèles.
Ainsi, le montant global mensuel à régler (loyers et charges) ne facilite ni la mise en place sereine ni la répartition équitable des moyens communs indispensables à une maison de santé (accueil, secrétariat, entretien, ménage, etc.).
Un autre gros souci est l’absence de parking à proximité du lieu de soins, la mairie étant en plein agenda 21. Or, il s’agit de mener à bien l’accessibilité d’un local de santé publique à des personnes en potentielle situation de handicap.
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