Technique parlementaire

De la typologie des amendements

d’appel, d’obstruction, redactionnel, de fond, technique, de commission, de séance...

vendredi 17 janvier 2014, par 0.20 Perline Noisette, Hélène Lipietz, Aurélien Vernet

Peu de citoyennes/citoyens le savent, faute d’une véritable instruction civique lors des études, mais le travail législatif est avant tout un travail technique.

Les élus de la République doivent trouver les voies parfois tortueuses qui permettent à la pensée politique d’intégrer notre ordre juridique. C’est loin d’être chose facile.

Un peu de pédagogie aujourd’hui, afin de mieux comprendre comment fonctionnent les amendements, modifications portées par les parlementaires à un texte proposé par le gouvernement - projet de loi- ou par un autre parlementaire - proposition de loi.

Voir en ligne : Les amendements

Amendements de commission et de séance

Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, les débats en séance portent non sur le texte du gouvernement ou le texte transmis par l’autre chambre mais sur le texte établi par la commission compétente saisie. Ainsi je fais partie de la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d’Administration générale, en général appelée commission des Lois qui traite les textes ne relevant pas d’une autre commission, soit environ 60% d’entre eux... pas étonnant que mon équipe soit aussi productive.

Cela a pour effet d’accroître les pouvoirs du rapporteur, qui influence énormément le texte de la commission, mais aussi de la commission dans son ensemble, puisque chaque sénateur peut proposer des amendements en commission.

Le texte du gouvernement, ou celui arrivant de l’autre assemblée, la « petite loi » en navette, arrive en commission pour être amendé. Il est présenté par ledit « rapporteur » qui a étudié le texte à fond, avec l’aide des administrateurs (recrutés sur un concours plus technique et sans doute plus difficile que celui de l’ENA).

Ensuite, le texte de la commission arrive en séance publique, et les sénateurs peuvent à nouveau déposer des amendements qui concernent cette fois-ci le texte établi par la commission. Ce sont alors des amendements de séance.

Amendements de fond

Les amendements dit « de fond » sont les plus politiques, ils sont rédigés dans le but de décliner juridiquement une vision politique dans un texte donné. Exemple : Suppression du chef de filât aménagement numérique des départements.

Amendements d’appel

Il s’agit d’amendements de fond, dont on sait qu’ils n’ont aucune chance d’être adoptés, ils servent à porter une vision politique et à questionner les parlementaires et le gouvernement sur un sujet.
Comme mon amendement permettant enfin aux SDF européens de voter aux municipales, comme c’est leur droit.

Ce sont eux que l’on retire quand on sait qu’ils sont irrecevables.. mettre ici semences végétales

Amendements d’obstruction

Il s’agit d’amendements très similaires les uns aux autres, déposés en masse sur l’ensemble d’une proposition ou d’un projet de loi, afin de retarder son adoption en prolongeant inutilement le débat parlementaire. Les exemples les plus récents concernent le "mariage entre personnes du même sexe" où les 600 amendements déposés sur le texte visaient essentiellement à prolonger les débats.

L’exemple le plus marquant est celui de la loi sur l’énergie de 2005-2006 dite « de privatisation d’EDF » où plus de 100 000 amendements avaient été déposés, on soupçonne alors l’utilisation de logiciels automatisés pour déposer les amendements.

Amendements de cohérence ou rédactionnels

Il s’agit avec ce type d’amendement de corriger une erreur ou une imprécision technique, un problème de référence dans un code ou de rajouter une exception nécessaire pour éviter une situation gênante ou d’ajouter une précision pour éviter un vide juridique. Ces amendements ne posent généralement aucun problème politique et sont adoptés par tous les bancs.

Les amendements identitaires (écolos) :

Il s’agit là d’amendements pouvant être identifiés facilement comme « écologistes », c’est à dire faisant parti des fondamentaux de l’écologie politique. Ils ont souvent pour thème l’environnement, les questions sociétales, la démocratie, ...

Pour vous donner un exemple, nous avons posés deux amendements inspirés par Semences Paysannes et la Confédération Paysanne concernant la non-privatisation du vivant et la liberté de production et de reproduction des agriculteurs.

On peut également faire entrer dans cette catégorie les amendements en loi de finance, concernant les étrangers, et plus précisément les taxes sur les titres de séjours, reversées à l’office français de l’immigration (OFFI).

Reste à savoir s’il faut limiter le droit d’amendement...

Il l’est déjà constitutionnellement par l’interdiction d’amender en créant une charge pour l’état ou les collectivités locales.

Il l’est en cours de navette par la règle dite de l’entonnoir qui interdit d’amender un article qui a déjà fait un aller-retour sans modification ou dont les modifications ont été validées par l’autre assemblée.

Plus généralement les amendements doivent répondre à l’objet de la loi, sauf s’ils sont d’appel... mais dans ce cas, la tradition veut qu’une fois présenté il soit retiré.

Certes il y a les amendements d’obstruction, mais la technique n’est utilisée que pour les lois les plus emblématiques : loi sur l’avortement, loi sur le mariage entre personnes du même sexe... il est vrai que l’informatique permet de multiplier de tels amendements...

Mais c’est le prix à payer pour que les parlementaires restent libres d’amender... limiter le nombre d’amendements déposables c’est prendre le risque de laisser passer des lois mal écrites...

Je sais qu’il y a des pays qui le pratiquent mais je ne suis pas persuadée de l’utilité d’une telle restriction...

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