Cela fait maintenant 1 an que je sais que....

jeudi 27 juin 2013, par Hélène Lipietz

Cela fait maintenant 1 an que je suis sénatrice.

Mais je sais, autant qu’il y a un an, que je suis sur un siège éjectable, Nicole Bricq ayant déjà une première fois été rétrogradée, au yeux des écologistes surtout, en passant du ministère de l’Ecologie au ministère du Commerce extérieur.

Depuis un an, j’ai vécu une expérience extraordinaire, d’une richesse intellectuelle et humaine rare, et pourtant je pensais avoir, au point de vue humain, connu des moments forts à travers les expériences d’assistance aux victimes, voire aux criminels, que j’ai défendus en Cour d’assise.

Le Sénat est un petit monde totalement en dehors du temps alors même qu’il est dans le temps. Il est en dehors du temps par les principes qui régissent l’organisation de cette institution, dans un lieu historique : vêtements, rapports entre les parlementaires : chaleur des commissions mais virulence en séance, ou encore rapports avec les collaborateurs.

Tous ces éléments étaient totalement inconnus pour moi au sein des mairies, voire des conseils régionaux où j’ai pourtant déjà été élue.

Le plus étonnant est l’urbanité, la serviabilité non servile du personnel sénatorial.

J’ai déjà parlé de nos huissiers, il n’en est pas moins vrai que l’ensemble du personnel [1] possède une gentillesse, une amabilité, qui nous mettent dans un petit cocon.

Hélène Lipietz et les huissiers du Sénat

Sortir d’une semaine de travail au Sénat et retrouver «  la vrai vie  » est parfois extrêmement déstabilisant parce qu’il est difficile de se rappeler que tout le monde n’est pas aimable, que tout le monde ne sait pas utiliser les petits mots magiques qui rendent la vie plus facile ; et ce n’est pas simplement parce que je suis sénatrice, mes collaborateurs aussi ont la même impression.

Enfin, le lieu dans lequel je travaille est vraiment extraordinaire, je ne parle pas de mon bureau, tout petit, où nous arrivons quand même à nous trouver à 4, parfois, pour travailler, enfin, souvent 3 qui travaillent et la quatrième, devinez laquelle, étendue sur le canapé, qui sommeille ; mais du lieu prestigieux où se déroulent nos séances, tant en commission qu’en hémicycle.

L’autre nuit, lors de la discussion en commission de la loi sur la métropolisation, nous avons fini à 3 heures du matin ! J’ai ainsi traversé ce que l’on appelle la Salle des Conférences, que je préfère appeler la salle des pas perdus, dans la pénombre, juste éclairée par la salle des bustes où une lampe sur deux était allumée. Cette pénombre était sans doute celle dans laquelle vivait Marie de Médicis. Pour ceux qui ont visité des châteaux aux chandelles, comme par exemple Vaux-le-vicomte, ils savent que nos rois, tout illustres soient-ils, ne vivaient pas en pleine lumière, la nuit, comme nous.

Que c'est beau le Sénat, la nuit !

Cette traversée de cette immense salle était particulièrement bouleversante. Aurélien, qui avait pu m’accompagner en commission, et moi même nous attendions à retrouver le fantôme de Marie de Médicis ou de quelques-uns de mes illustres prédécesseurs, tels que Clemenceau, Victor Hugo, ou autres.

Une petite anecdote : j’avais fait visiter le sénat à mes petits enfants au mois d’août dernier. Ils avaient monté, en courant, l’escalier d’honneur, chahutant comme on peut le faire lorsqu’on a 5 ans et 2 ans et, lorsqu’ils sont arrivés dans la Salle des Conférences, ils se sont arrêtés émerveillés. Les ors de la République sont vraiment là pour impressionner et rappeler la grandeur de la France lorsque celle-ci sait être à la hauteur de sa devise : liberté, égalité et fraternité.

En revanche le poste de sénatrice l’est moins : alors que ma petite fille Clémence expliquait à son petit frère que Mali faisait la loi. Xavier lui a répondu : «  Non, ce n’est pas Mali qui fait la loi c’est Tata  », c’est à dire sa nourrice...

Chacun voit la puissance de la loi à hauteur de son nez.

Notes

[12000 personnes travaillant au Sénat.

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