Où l’on constate que les grains de sable juridiques peuvent s’exposer, se discuter et ne pas se résoudre en direct en séance

dimanche 26 janvier 2014, par 0.20 Perline Noisette, Hélène Lipietz, Aurélien Vernet

Le 16 juillet 2013, lors de la discussion sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, j’ai proposé un amendement sur l’open data. Cet amendement a eu un avis défavorable de la commission des Lois car il serait interdit d’ajouter un point dans une loi d’habilitation de l’article 38 de la Constitution.
J’ai donc reposé mon amendement en séance, en l’intégrant à un point existant.

Au moment de le poser, un dialogue surréaliste entre mon professeur de droit constitutionnel à Nanterre Hugues Portelli, aujourd’hui sénateur des Hauts de Seine et la ministre Marylise Lebranchu est apparu :

M Portelli soutenait l’inconstitutionnalité de ma démarche, en expliquant qu’un parlementaire ne pouvait intervenir en matière d’ordonnance,Mme Lebranchu soutenait qu’elle ne voyait aucune raison constitutionnelle d’empêcher le débat sur cet amendement.

J’ai donc précisé que même en cas d’inconstitutionnalité, la ministre pouvait reprendre mon amendement, ce qui avait pour effet de lever la prétendue interdiction.

Mme Lebranchu a finalement promis d’examiner la question d’ici le passage de la loi d’habilitation devant l’Assemblée Nationale.

Ci-dessous l’extrait de cet échange tel que retranscrit au compte-rendu intégral.

Mme Hélène Lipietz. Nous avons parlé des décisions communiquées par internet, ou des discussions que les administrations et les citoyens pourraient avoir par voie électronique.

Les écologistes sont évidemment favorables à ces évolutions, non seulement parce qu’elles permettront d’économiser du papier, mais aussi parce qu’elles sont globalement moins énergivores.

Le numérique ne se résume toutefois pas à internet ; il englobe aussi la toile, c’est-à -dire l’ensemble des éléments que l’on peut avoir à sa disposition et réutiliser le cas échéant. C’est pourquoi je propose cet amendement d’appel, même si je n’ai pas vraiment le droit de le déposer.

Je souhaiterais que les délibérations et les avis des administrations soient mis à la disposition de tous les citoyens en open data, afin que chacun puisse se les approprier et éventuellement les réutiliser dans des recherches. L’utilisation d’un site public d’ouverture des données est un gage de pérennité des décisions administratives.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli. La commission émet un avis défavorable. Comme Mme Lipietz vient de le dire, les parlementaires n’ont aucun droit d’initiative en matière d’ordonnance, celui-ci étant réservé au Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement. L’ouverture des données publiques de l’État et des opérateurs a fait l’objet de plusieurs décisions dans le cadre de la modernisation de l’action publique, la MAP. Des travaux sont en cours entre Etalab et des collectivités locales regroupées au sein d’Opendata France pour avancer dans une direction commune.

Le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, déposé sur le bureau du Sénat, prévoit des avancées supplémentaires.

Dans ce contexte, il me semble possible accepter l’amendement.

M. Hugues Portelli, rapporteur. Il est inconstitutionnel ! Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans ce cas, si cet amendement est inconstitutionnel, je demanderai à Mme Lipietz de bien vouloir le retirer.

M. le président. Madame Lipietz, l’amendement n ° 1 rectifié est-il maintenu ?

Mme Hélène Lipietz. Le Gouvernement pourrait reprendre cet amendement, ce qui aurait pour effet de lever son inconstitutionnalité.

M. Ladislas Poniatowski. Absurde ! C’est inconstitutionnel ! Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne peux pas ainsi reprendre cet amendement au pied levé, mais je m’engage à le faire devant les députés.

Mme Hélène Lipietz. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président.

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