Débat sans vote

Politique d’aménagement du territoire

lundi 18 novembre 2013, par Hélène Lipietz

Débat sur la politique d’aménagement du territoire.

Voir en ligne : Sur le site du Sénat

Encore un débat sans vote à la demande du groupe UDI-UC dans le cadre de la semaine de contrôle, devant notre ministre Cécile Duflot...

J’avoue que j’ai du mal à comprendre l’utilité d’une telle procédure... sauf pour occuper à deux temps pleins temps nos collaborateurs et en l’occurrence celle des autres,Bérangère BATIOT, assistante de Ronan DANTEC, absent aujourd’hui.

Perline en relecture et moi-même avons ainsi eu la surprise de découvrir que j’employais rarement le « je » dans mes discours, sauf quand je parle de ma jupe-culotte !

j’ai donc dû réfléchir, ce qui ne m’est pas habituel, sur la question et j’avoue que j’ai du mal à croire qu’aujourd’hui encore l’Etat par une politique nationale puisse avoir une quelconque influence.

Mon discours est le reflet de mon doute.

En outre, le débat fut plus sur le numérique que organisation spatiale du territoire ...

Mon intervention

Madame la présidente,
madame la ministre,
mes chers collègues,

Peut-on encore parler d’aménagement du territoire à l’heure de la mondialisation ou, à tout le moins, de l’Union européenne ? Peut-on encore appliquer des méthodes centralisées, qu’elles soient colbertistes, napoléoniennes ou républicaines, pour organiser le territoire ? D’ailleurs, l’organisation du territoire, est-ce régalien, comme l’a dit l’intervenant tout à l’heure ? N’est-ce pas « ringard » ?

Surtout, les objets de l’aménagement sont-ils ceux dont s’occupaient le baron Haussman, les plans quinquennaux ou le préfet Delouvrier, à l’heure où nous venons de recréer de véritables potentats métropolitains ?

Évidemment non, comme le prouvent la fusion et le changement de dénomination de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale »“ la DATAR »“, du Secrétariat général du comité interministériel des villes et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances en un Commissariat général à l’égalité des territoires, sous votre tutelle, madame la ministre. Voilà un thème passionnant dont les quelque treize sénateurs et sénatrices présents pourraient débattre pendant des heures, le sujet ne semblant pas susciter la présence de nos autres collègues en séance.

En effet, l’aménagement du territoire est forcément une politique complexe, puisqu’il s’agit en réalité de la conjonction de plusieurs politiques »“ services publics, mobilité, développement économique »“ qui doivent être menées à tous les échelons territoriaux.

Beaucoup d’efforts ont été menés pour organiser le développement des territoires, entre rural et urbain »“ peut-être insuffisamment pour le rural »“ et également au sein même des territoires ruraux et au sein des territoires urbains.

Malgré tout, on constate des échecs, probablement dus, dans certains cas, à une vision à trop court terme. Je ne citerai qu’un exemple : le déséquilibre entre l’est et l’ouest de la région parisienne.

Ainsi, nos collègues Fichet et Mazars ont publié en février 2013 un rapport qui souligne l’influence des politiques d’aménagement du territoire sur le développement économique : « sans infrastructures de transports et de communication adéquates, il est difficile, voire impossible d’attirer nombre d’activités économiques sur le territoire. » Jusqu’à une période récente, l’aménagement spatial s’est borné au développement des autoroutes ou des lignes à grande vitesse.

Cette conception est révolue, et le Grenelle de l’environnement a souligné la nécessité de mettre un coup d’arrêt au développement routier.

Le transport ferroviaire de proximité est à la peine, face aux lourds investissements de modernisation nécessaires actuellement.

Pourtant, les dessertes ferroviaires locales sont pour les territoires non centraux une nécessité alors que, si l’on observe les choix budgétaires actuels, la priorité est donnée aux lignes à grande vitesse.

L’aménagement du territoire implique un réseau ferroviaire en toile d’araignée, et non ces trains à grande vitesse et grande distance qui visent à relier la France et le reste du monde à Paris.

Il faut aussi penser à reconstruire le fret, disparu depuis une vingtaine d’années : mettre un camion sur un train sera toujours moins polluant et plus sûr pour les usagers de la route qu’un camion.

Il faut donc retrouver des marges de manœuvre budgétaires grâce à la taxe poids lourds dite « écotaxe », mais qui devrait s’appeler « pollutaxe ». Cette redevance est au service de l’activité locale des territoires, parce qu’elle incite les transporteurs et leurs clients à optimiser leurs transports, autrement dit à ne plus faire circuler de poids lourds à vide. La crise de l’écotaxe nous oblige d’ailleurs à raisonner à l’échelle européenne en prenant en compte les territoires frontaliers. L’Alsace, à l’inverse de la Bretagne, demande sa mise en œuvre car, sans même tenir compte de la proximité de la Suisse, les camions ont envahi ses routes quand l’Allemagne a mis en place la taxe poids lourds, il y a déjà presque dix ans.

Un autre enjeu réside dans l’aménagement numérique des territoires, qui est une façon de se déplacer virtuellement ! Le numérique permet de surmonter les problèmes de mobilité, d’isolement, ou encore de handicap grâce aux services en ligne et de gérer au plus près les besoins des citoyens.

C’est pourquoi je salue les départements pionniers, notamment les départements ruraux, ceux qui se sentent tellement abandonnés par le centralisme parisien, et le volontarisme du Gouvernement qui s’est fixé pour objectif que l’ensemble du territoire ait accès au très haut débit sous dix ans. Il s’agit d’un objectif décisif pour nos territoires comme pour la France dans ses rapports avec le monde.

De plus, le maillage numérique permet la délocalisation de nos institutions, par exemple l’École nationale d’administration, l’ENA, à Strasbourg, mais aussi l’INSEE. Toutes ces institutions n’ont finalement pas besoin d’être à Paris.

Il permet également de désengorger Paris et de donner du travail aux jeunes, là où ils ont étudié.

Si le territoire est fixe, tel n’est pas le cas des individus et des familles. Comme le souligne la mission commune d’information concernant l’avenir de l’organisation décentralisée de la République dans le rapport qu’elle a publié récemment, on ne vit plus toujours sa retraite à l’endroit où l’on a travaillé. Ce phénomène ira en s’accélérant avec le vieillissement croissant de la population. De même, hélas ! on ne travaille plus là où on a étudié.

Comment nous, politiques, pouvons-nous avoir une quelconque action sur cette mobilité individuelle ? Devons-nous avoir une action ?

Est-ce le rôle de l’État, des régions, des entreprises ou des individus de penser l’aménagement du territoire ?

L’aménagement du territoire est-il une nécessité ou l’intelligence des territoires ne saura-t-elle pas faire face aux problèmes rencontrés avec un minimum d’intervention ?

Tel est l’enjeu de notre débat.

Je vous remercie

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