Le concept initial visait à la création d’une « Haute-Autorité » chargée de l’évaluation des normes. La commission des lois s’est prononcé pour un changement de sémantique afin de souligner la continuité du processus mis en œuvre avec la création de la commission consultative d’évaluation des normes en 2007 (CCEN).
Ce texte a permis de souligner l’importance de la simplification des normes dans notre pays. D’autre part, il a été l’occasion incidemment de discuter de la féminisation des noms dans les textes législatifs et de reparler de parité.
Après bien des atermoiements et un fier attachement à ce que l’on m’appelle madame « la sénatrice » alors même que Marylise Lebranchu soulignait que l’on devait l’appeler madame « le ministre », la présidente de Séance, Bariza KHIARI a choisi son camp en soulignant que l’on devait l’appeler madame « la présidente ».
J’en profite pour vous signaler que le féminin de rapporteur est « rapporteuse » comme on le dit dans les cours d’école puisqu’il s’agit du féminin d’un nom qui dérive directement d’un verbe en « TER » et non le québécisme « rapporteure ».
Hormis un amendement de coordination visant à supprimer le féminin « présidente » d’un article du texte, vu que la féminisation de l’ensemble du texte avait échoué, un de mes amendements fit réfléchir Alain Richard(rapporteur de ce texte), de son propre aveux en séance, ce qui est déjà en soi une victoire lorsque l’on connaît sa rigueur juridique et intellectuelle. Cet amendement visait à ce que l’avis rendu par le conseil national d’évaluation des normes comporte des recommandations concernant les normes à abroger. Alain Richard fit une demande de modification afin d’exclure le champs législatif de ces recommandations. Et mon amendement fut finalement adopté !
Je vous livre ici le texte de mon intervention en discussion générale sur ce texte :
Monsieur le président, Mesdames les ministres, Monsieur le rapporteur, Mes chers collègues,
Encore un machin mais au moins celui-ci aura le mérite d’en supprimer un autre... enfin machin parce que je ne me souvenais plus, en commençant la rédaction de cette intervention, le nom que notre commission des Lois, dans sa grande sagesse avait retenu...
Ce Machin doit être une machine de guerre contre l’excès de normes...
Je ne peux donc que souhaiter longue vie au conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales puisque tel est son nom.
Quel va être le premier axe de travail de ce Conseil ? Si je peux émettre un avis de juriste en prenant mes exemples dans des lois générales qui elles aussi devraient avoir leur Conseil national, il devrait s’agir, plus que trouver les normes inutiles ou les normes inutilisées, de trouver les normes inutilisables parce que trop complexes, trop détaillées, le diable se cache dans les détails.
Bref, le droit qui nourrit la chicane depuis Les plaideurs ou Le mariage de Figaro (et l’épouserais, ou l’épouserais) devrait être refusé, certes en réclamant :
– une norme plus simple
– plus facile à comprendre,
– bien écrite,
– bien codifiéeet donc plus facile à appliquer
certes je plaide ici pour la ruine de mon métier d’origine .. mais qu’importe...
Par exemple est-il normal, c’est à dire dans la norme, que pour reconduire un étranger chez lui, il existe 8 modalités juridiques différentes, sans compter l’expulsion ?
Il faudrait ensuite s’attaquer au stock incroyable de normes que nous avons accumulées, toutes n’étaient pas codifiées telles :
– une partie de l’ordonnance de Villers Coteret (1536),
– une règle civiliste de Daguessau
– des règles du droit intermédiaire notamment la loi du 6 fructidor an II bien connue des femmes qui refusent de porter le nom de leur beau-père,Nous devrions aussi supprimer une bonne partie des 400 000 normes actuellement applicables, à tout le moins les refondre ou les recycler selon leur consistance.
Ce travail gargantuesque, cyclopéen, pharaonique est une nécessité si nous voulons permettre au plus grand nombre, qu’il soient citoyens, fonctionnaires, entreprises privées ou publiques, de comprendre, de respecter et de faire siens le droit que nous produisons.
Car aujourd’hui, il est de plus en plus complexe pour un acteur de la vie publique, économique, sociale, de savoir à quelles normes il est assujetti et quelle norme il doit appliquer !
Et surtout les bénévoles, non juristes que sont nos élus locaux puisque c’est en pensant à eux que cette proposition de lois a été rédigée
»œSans oublier que ces normes ont un coût pour les collectivités comme le rappel Jacques Pelissard, le président de l’AMF (association des maire de France) :
les surcoûts engendrés par les normes sur les collectivités locales représentent une enveloppe de 783 millions d’euros en 2011.
Certes, le montant a baissé de 50 millions d’euros par rapport à l’exercice précédent, mais il reste important. Et c’est un doux euphémisme. »œ
Le dernier problème que nous aurons à affronter, c’est celui de la stabilité de notre ordonnancement juridique.
Nous ne pouvons mettre les citoyens citoyens dans une incertitude permanente concernant l’application des normes dans le temps et leur évolution.
Il ne s’agit pas de figer le droit, le droit doit évoluer pour suivre l’évolution de la société, c’est un cheminement normal.
Mais lorsque le CGCT est renouvelée à 80% tous les 10 ans, nous tombons dans l’excès de réforme et nous mettons les acteurs dans une situation très inconfortable.
Ou lorsque chaque fait divers conduit à un durcissement du droit, enfin un prétendu durcissement, sans que la précédente réforme ait été évaluée, est-ce de la bonne politique, la bonne organisation de la cité ?
Il faut des lois relativement stables dans le temps, qui puissent s’appliquer pendant de nombreuses années sans devenir obsolètes.
Faut-il rappeler que l’article 1384 du code civil, voulu par Portalis, ANGELY ET AUTRES, longtemps en sommeil, a été réveillé par l’arrivée des accidents de voitures, plus d’un siècle après ? http://jurisfac.chez.com/prive/civil/c18civil2.htm
– La méthode, pour parvenir à une réflexion sur le sujet, choisie dans cette proposition de loi, est évidente : c’est la Concertation dont est issue cette Proposition de lois puisqu’elle est le résultat , le premier résultat des états généraux de la démocratie territoriale.C’est le même type de démarche qui préside à la réforme des collectivités territoriales, et qui guide l’acte III de la décentralisation.
Les instances de concertation qui existent formellement, et celles qui se développent en dehors du formalisme légal, sont en passe de trouver une forme de consécration grâce à votre réforme, Mme la ministre, à travers le concept de conférence territoriale.
Pour la proposition qui nous occupe aujourd’hui, il s’agit de monter un conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales, il aurait compétence pour évaluer les normes nouvelles et leur pertinence, ses avis seront publiés au journal officiel, sa composition permettrait de respecter les différents échelons de nos territoires et de tenir compte des visions différenciées que peuvent développer les services de l’État, les parlementaires, les collectivités territoriales...
Ce mécanisme est complémentaire de celui que vous venez de mettre en place mesdames les ministres, à travers la mission de lutte contre l’inflation normative et son site internet :
mission normes . fr
Espérons que certaines normes disparaîtront bientôt, tel ce décret du 30 septembre 2011 sur lequel seraient intervenus »œ15 ministres de la République » , qui régit minutieusement la place respective »œdes merguez, des chipolatas, des saucisses de Francfort, de Strasbourg, de Toulouse » dans les cantines scolaires. Une disposition, parmi beaucoup d’autres, qui complique l’action des mairies et des collectivités. (sauf si les saucisses sont bio bien sur...)
D’autant plus que »œcertaines normes s’élèvent parfois au dessus de leur condition » , pointe Alain Lambert le président de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN).
Des circulaires se transforment en arrêtés, des arrêtés en décrets et des décrets en lois. Il est urgent de déclasser certains textes. Jean-Claude Boulard et Alain Lambert publieront leur »œtableau de chasse » des normes absurdes le 15 mars. »œCette mission ne sera pas un rapport de plus » , avez-vous promis Madame Lebranchu. Et je l’espère vivement.
Comme à l’habitude de mon groupe, vous constaterez que nous avons déposé une série d’amendements afin de viser à la parité et d’introduire une plus grande diversité des sensibilités politiques.
– De plus, afin de rappeler que les écologistes sont les premiers soutiens du président de la République, nous proposons de traduire la promesse qu’il a formulée lors des EGDT :Supprimer une norme ancienne et obsolète pour chaque nouvelle norme que nous votons ou que produit une administration.
Si vous suivez le Président de la République dans son voeu et donc dans notre amendement, le conseil national aurait pour rôle de proposer des normes à abroger chaque fois qu’il émet une recommandation concernant une nouvelle norme.
SACHANT QUE son acte de naissance sonnerait le glas de la Commission consultative d’évaluation des normes...ce qui est une première application de cet amendement
je vous remercie.
En plus de la vidéo de mon discours en discussion générale, je vous offre ici l’intégralité de la discussion des amendements. Quelques échanges mémorables autour de la parité notamment en fin de discussion avec le sénateur Éric Doligé :