Amendements
J’ai déposé des amendements, en particulier destinés à faire reconnaître le vote blanc comme suffrage exprimé.
Mon intervention
Monsieur le Président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collèguesOn peut se demander si nous, sénateurs et sénatrices, n’aimons pas travailler pour peu de chose, surtout soucieux de la gloire de laisser notre nom dans les annales législatives. Ainsi, après avoir voté une loi sur l’impossible référendum d’initiative partagée, nous nous interrogeons sur le vote blanc, non pas pour le décompter du résultat, mais simplement pour le compter à part : le vote blanc serait donc, dans une démocratie, une lèpre presque aussi indigne que le vote nul ou l’abstention »¦
Or, pour certains électeurs et électrices, voter blanc, c’est bien adhérer à notre système électoral et sacrifier la pêche ou le bridge pour se rendre aux urnes, mais sans être satisfaits par aucun des choix politiques proposés. Ces électeurs et électrices ne sont pas opposés à tout : ils sont simplement insatisfaits de ce qu’on leur propose.
Si voter, c’est prendre une décision, encore faut-il que ce qui est proposé soit à la hauteur de l’enjeu. Et si tel n’est pas le cas, qui est en tort ? Les politiques, au sens de partis ou d’individus s’intéressant à la politique, ou bien les citoyens et citoyennes qui nous délèguent l’organisation de la cité, sous la condition, peut-être même sous l’unique condition que cette délégation soit en accord avec leurs attentes ?
En votant blanc, les citoyens et citoyennes nous mettent face à nos responsabilités : nous n’avons à leur proposer rien ni personne dans quoi ou dans qui ils se reconnaissent et retrouvent leurs idées. Ce n’est pas qu’ils votent contre tous les candidats, comme dans certains pays communistes, c’est qu’ils ne votent pour personne. Intellectuellement, c’est très différent !
Or nous ne savons pas prendre en compte cette différence. Nous sommes persuadés que, dans notre démocratie, nous offrons la palette de choix qui devrait satisfaire « tous les publics ». Mais dans le pays aux trois cent soixante-cinq fromages, il y a toujours des insatisfaits ; il faut le reconnaître, et surtout en tirer les conséquences.
Le texte que nous nous apprêtons à voter reste au milieu du gué, comme l’a dit si justement le doyen Gélard en commission. En effet, si nous voulons bien distinguer les votes blancs des votes nuls, si nous voulons bien les compter à part, nous n’admettons toujours pas qu’ils puissent prendre part à l’expression démocratique puisque nous ne les décomptons toujours pas du résultat final : on les compte, mais sans les décompter. Quel paradoxe !
Pourtant, le décompte réel des votes blancs ferait apparaître la modestie de certains résultats. Quand il n’y a qu’une liste, celle-ci obtient un score « à la cubaine » : 100 % des électeurs ont voté pour la liste ! Et de mettre dans la même « urne » les abstentions, les votes nuls et les votes blancs »¦ Avec cette loi, le résultat ne changera pas, alors même qu’il ne reflète pas la popularité de la liste ainsi élue.
Par ailleurs, pourquoi craindre que la mise à disposition de bulletins blancs ne favorise cette expression ? C’est prendre ceux qui votent vert, bleu, rouge ou rose et ceux qui votent blanc pour des lunatiques qui se déterminent au dernier moment ! C’est, encore une fois, ne pas avoir confiance dans les électeurs et électrices, alors que nous leur demandons de nous faire confiance.
Au Sénat, des bulletins blancs »“ de couleur rouge »“ sont à notre disposition. Je ne pense pas que nous en abusions ! Les écologistes vont ainsi voter pour ce texte »“ en utilisant un bulletin sénatorial de couleur blanche »“, même si la proposition de ne les satisfait pas dans la mesure où elle ne constitue à leurs yeux qu’un timide premier pas. En outre, nous craignons qu’il ne soit désormais impossible de revenir sur le sujet avant un certain temps, voire un temps certain. Alors que le Gouvernement baisse les bras face à des rassemblements non élus, ce qui revient à laisser en plan des milliers de familles recomposées confrontées à des problèmes quotidiens, il y a fort à parier que les « votants blancs » verront leur nombre augmenter silencieusement, en quête de la reconnaissance que nous avons eu peur de leur donner. Et pourtant,
Mieux vaut voter blanc que bleu marine [1].
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