C’est par la Foi que je suis venue à la politique, à travers mon engagement associatif. Parce que le Christ nous laisse libre de rendre à César ce qui est à César (Mt 22, 21)
La religion n’a pas à s’imposer à la société civile et inversement, ce qui à l’époque de Christ, en Judée, était révolutionnaire.
J’ai toujours essayé de faire le pont entre ma foi chrétienne et mon engagement écologique : Dieu nous a confié la terre, à charge pour nous de la restituer dans le même état, puisque la Création doit pouvoir croître et multiplier, donner des fruits selon son espèce (Gn 1)
En outre, l’écologie politique, en ce qu’elle cherche un équilibre entre l’homme et son emprise sur l’environnement, me paraît en accord avec l’Amour qui est le centre du message chrétien.
C’est pourquoi, c’est avec la plus grande joie que j’ai reçu l’invitation de l’archevêque de Paris à venir à la messe concélébrée par le nouvel aumônier des hommes et femmes politiques, à l’église Sainte Clotilde.
Cette messe s’adresse à l’ensemble des élus de la Nation, conseillers municipaux, départementaux, régionaux et pas simplement aux parlementaires.
Un départ peu chrétien
J’ai eu la surprise d’apprendre qu’un départ de taxis en co-voiturage était organisé depuis le Sénat. Il faut savoir que le Sénat nous ouvre une ligne budgétaire de taxis à hauteur de 3 900 € par an. Pour ma part j’essaye de minimiser l’utilisation du taxi et je prends les transports en commun...et en fin d’année, à partir de mon relevé de frais, je pourrai payer la compensation carbone
Lorsque je me suis présentée à l’accueil j’avais oublié ma veste, j’ai donc demandé à un taxi, où se trouvaient déjà quelques sénateur-trices, de m’attendre. Le temps de revenir, j’ai vu les taxis partir à moitié pleins, sans doute parce que leurs occupants voulaient être les premiers.
Je suis donc restée à attendre un nouveau taxi avec monsieur Retailleau, sénateur de Vendée, cumulant cette fonction avec celle de président du Conseil général.
Première discussion avec un homme charmant, étonné que je puisse être écologiste et chrétienne mais très ouvert à mon affirmation d’être pour le mariage universel.
Mais l’impatience de nos collègues sénateurs et l’impossibilité d’avoir des taxis à 19 heures dans Paris firent que nous arrivâmes avec retard à la messe, dans une église très pleine, juste au moment de la seconde lecture : la lettre de Saint Paul aux Ephésiens [1]...
5 21 Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ.
22 Que les femmes le soient à leurs maris comme au Seigneur :
23 en effet, le mari est chef de sa femme, comme le Christ est chef de l’Église, lui le sauveur du Corps ;
24 or l’Église se soumet au Christ ; les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leur maris.
25 Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église : il s’est livré pour elle,
26 afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ;
27 car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée.
28 De la même façon les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme c’est s’aimer soi-même.
29 Car nul n’a jamais haï sa propre chair ; on la nourrit au contraire et on en prend bien soin. C’est justement ce que le Christ fait pour l’Église :
30 ne sommes-nous pas les membres de son Corps ?
31 Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair :
32 ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église.
33 Bref, en ce qui vous concerne, que chacun aime sa femme comme soi-même, et que la femme révère son mari.Ep 5, 21-33 (Bible de Jérusalem (1973))
Saint Paul et la morale sexuelle
De deux choses l’une, soit l’archevêque a changé le texte, soit il avait choisi le jour de la messe pour que le texte puisse être porteur du message subliminal que porte l’église catholique : l’amour humain ne peut être qu’entre mari et femme, et le respect du corps de l’autre passe une sexualité hétérosexuelle .
Comme l’a dit dans son homélie André Vingt-Trois, à l’époque de Paul, demander aux maris de respecter leurs femmes, ne plus les considérer comme des reproductrices mais comme des compagnes, même si elles leur doivent le respect, était révolutionnaire.
Mais pourquoi le Christ, tel que raconté dans les Evangiles, n’a-t-il pas condamné les déviances sexuelles et au contraire les a-t-il pardonnées ? Il a chassé les marchands du temples (Jn 2, 13-22) mais il a eu une longue discussion avec la Samaritaine, la femme à plusieurs maris (Jn 4), il a laissé Marie-Madeleine [2] le masser avec les huiles les plus précieuses, caresser ses pieds avec ses longs cheveux, gestes ô combien érotiques de la part d’une prostituée (Lc 7, 36-50) et il n’a pas condamné la femme adultère (Jn 8, 1-10).
Le moins qu’on puisse dire c’est que le Christ fut indulgent avec les dissidents sexuels, surtout les femmes, se contentant de leur demander de ne plus pécher (Jn 8, 1-10) alors même qu’il a condamné certains à la géhenne (Mt 23,15).
Que saint Paul ait essayé de faire comprendre aux maris leur responsabilité dans le couple est certes un immense progrès. Qu’il n’ait pas voulu remettre en cause le rapport hiérarchique homme-femme présent dans la société de l’époque est pour moi une trahison du message du Christ : je fais, en effet, partie de ces chrétiens qui pensent que la dernière volonté du Christ était que ce soit les femmes qui soient les annonciatrices de sa Résurrection : c’est à elles en premier qu’Il s’est révélé (Mc 16,1-8, Mt 28, 1-11, Mt 24,1-12).
Mais les hommes n’étaient pas encore prêts à accepter ce bouleversement et ils ne le sont toujours pas ; que ce soit les femmes qui aient eu l’honneur de connaître cette nouvelle incroyable : l’amour de Dieu pour les humains est si fort, si puissant, que la Mort n’est plus une fin mais un commencement.
Ainsi, lorsque les femmes, Marie, Madeleine et Jeanne (Luc 24,10) revinrent dire la Résurrection du Christ, Pierre ne les crut pas... et c’est pourquoi la prédiction de la Parole est resté un monopole des hommes...
Donc, je n’arrive pas à adhérer à l’interprétation hétéro centrée de l’Homélie. L’archevêque trouve dans Paul la justification du mariage hétérosexuel alors qu’il n’est qu’un message d’un homme de son temps essayant de convaincre des maris, soucieux uniquement de leur descendance, qu’ils devaient être attentifs à leur épouse...
Reste que c’est un message religieux que je peux entendre avec les réserves que je viens d’expliquer mais qui n’est pas au centre de ma Foi.
Une sortie mouvementée
Les chants étaient très beaux, certes certains en latin, mais sur le tempo très beau. Beaucoup de têtes rasées et de chrétiens agenouillés lors de l’élévation... mais aussi beaucoup de participants qui ne baissèrent pas la tête lorsque le Christ, représenté par l’hostie est élevé (je me demande toujours quand le Christ est réellement présent dans l’hostie ? Quand le prêtre dit les paroles sacramentelles ou lorsqu’il l’élève [3]).
Puis ce fut la sortie et j’entendis ce mot horrible « ce sont des gouines » et je vis deux jeunes femmes déguisées en mariées avec un faux maire les mariant et les déclarant « femme et femme »...
Quelle horreur ce mot « gouine »... Comment des chrétiens qui viennent de prier avec les magnifiques paroles du Christ, de dire le « notre Père » (Mt 6, 9-13) peuvent-ils traiter des femmes d’un tel nom ? Où est l’amour de l’autre même s’il est son ennemi car si l’on aime son ami, où est le Christ (Mt 5, 43-47) ?
Me détachant de ce troupeau, je suis allée me ranger auprès de ce petit groupe très jeune, garçons et filles mélangés, et ai noué le dialogue avec les passants, souvent des cathos venus spécialement pour cette messe des politiques.
Une discussion impossible
Quelle ignorance dans certains propos entendus ! Florilège :
- « Les chrétiens n’ont jamais été esclavagistes » (on était rue de Las Casas) oubliant que si l’église avait sacralisé le mariage, c’est aussi pour « améliorer » le sort des esclaves qui ne pouvaient plus ainsi être séparés une fois mariés...
- "Le législateur n’a pas à faire une loi pour une minorité" : après avoir reconnu que les enfants adultères étaient une minorité, on m’a dit que la loi sur l’égalité des enfants légitimes et adultérins n’avait gêné personne... étonnement quand j’ai fait remarquer que ce n’était pas l’avis des enfants qui avaient dû partager avec les enfants « illégitimes ».
- Et cette question, qui semble centrale dans l’angoisse des passants : "que dire aux enfants nés par insémination"... qu’ils ont été conçus dans une éprouvette et qu’on ne sait pas le nom du donneur de sperme ou d’ovules... oubliant que le problème se pose déjà pour les enfants d’hétéro.
- Ou encore "comment les enfants vont-ils nous appeler, nous les parents hétéros : parent 1 parent 2"... Je veux que la loi continue à m’appeler père ou mère.
- Et quand je faisais remarquer que les enfants existaient, nés de mère porteuse ou élevés par deux parents dont un n’avait aucun droit, ni aucun statut, une femme m’a dit que c’était le problème des parents et qu’ils auraient dû y penser avant. J’insistais pour savoir ce qu’allaient devenir ces enfants, elle m’a répondu que c’était leur problème... aux enfants..., non aux parents. Mais, concrètement, pour les enfants... silence catholique, pardon cathodique.
Abandonnant les passants, assez ouverts à la discussion malgré leur opposition au mariage pour tous, je suis allée au pot de présentation du nouvel aumônier du monde politique, le père Laurent Stalla-Bourdillon.
Jeune, séduisant (encore un homme qui n’est pas pour nous les femmes hétéros :-)), il a accueilli avec le sourire et même, oserai-je le dire, enthousiasme, ma présentation : une écolo, catho et pro-mariage pour tous. Je lui ai promis d’aller aux réunions qu’il organise deux fois par an.
Après un tel accueil, je suis allée me présenter à l’archevêque André Vingt-Trois...en discussion avec des sénateurs de droite... plus que froid.
Une femme m’ayant entendue me présenter et vers laquelle je me tournais m’a tourné le dos en disant qu’elle ne pouvait pas me parler compte tenu de mes positions...
Je suis donc retournée dans la rue où la discussion continuait plus de deux heures après la sortie de la messe.
En conclusion (provisoire)
Voilà , j’ai passé une heure à prier pour que Dieu m’aide à affirmer ce que je pense juste, avec conscience, pour une société qui n’est plus aujourd’hui celle où Il s’est incarné.
J’ai passé deux heures à discuter avec des gens au départ souvent choqués mais parfois ouverts, sauf peut-être les plus catholiques.
J’ai surtout encore une fois touché la détresse de ces jeunes croyants rejetés par l’Eglise, par l’Eglise du Dieu d’Amour. Ils n’ont pas choisi leur orientation sexuelle, ils l’ont reçue comme une part indémélable de leur personnalité, tout comme ils ont reçu le talent de parler en public ou d’être doué en dessin, et l’Eglise rejette leur demande de vivre leur Amour non dans la honte ou dans la chasteté, prêtres involontaires d’une homophobie latente, mais en pleine lumière, témoins qu’il y a plusieurs chemins dans la route vers Dieu.
Enfin, et surtout, j’ai compris que pour moi, le « mariage pour tous » était réellement une volonté politique. Ce n’est pas parce que je suis Verte et qu’il fait partie du programme de EELV que j’y suis favorable.
Je suis pour le mariage pour tous et la régularisation des enfants nés de la folie de leurs parents parce que le législateur ne peut, en conscience, laisser hors d’une règle de droit des citoyens citoyennes qui vivent la volonté de fonder une famille c’est à dire deux parents qui souhaitent dans la durée vivre leur Amour au grand jour et rendre possible un projet de famille que la science et la société leur permettent d’espérer.
De plus, les Parlementaires ne peuvent se défausser sur les juges du soin de régler le sort des enfants qui n’ont pas d’existence légale en France.
Bref, je rends à Dieu la puissance de l’Amour, et à la Loi la puissance de prendre acte de l’évolution de la société (Mt 22,14-25).
Et quant à ma Foi, elle n’est pas remise en question car elle est laïque : au nom de quoi imposerais-je aux autres une vision qui est aujourd’hui minoritaire ? Je crois que Dieu est Amour et qu’il nous laisse libre, de cette liberté de l’Amour de Dieu.
Le Christ, Dieu incarné, n’a pas condamné l’homosexualité, pas plus qu’il n’a condamné la femme adultère, il a pardonné, c’est à dire qu’il a réintroduit dans la communauté les « fautifs » et c’est pourquoi je n’ai aucun problème de conscience à appeler à voter pour le mariage universel avec toutes les conséquences légales : adoption, fivette et à la reconnaissance des enfants nés hors des cadres légaux et à celles des parents tiers des enfants.
Mais si Maïeul s’interroge sur une prochaine Communion, c’est à dire la réception du témoignage de l’Incarnation, je m’interroge sur la possibilité pour moi de continuer à dire le Notre Père : puis-je affirmer que je suis enfant de Dieu au même titre que les autres humains alors que certains de mes frères et sœurs en Christ tournent le dos à ceux qui ne veulent pas mettre leur amour sous le boisseau mais qu’il soit là pour, lui aussi, éclairer le monde (Mt 5, 14-16).
Il n’y a, il n’y aura jamais trop d’amour dans le Monde.
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