Colloque Transparency International

Colloque à l’Assemblée nationale 25 octobre 2012

jeudi 25 octobre 2012, par Aurélien Vernet

Le 25 octobre se tenait à l’Assemblée nationale un colloque sur la moralisation de la vie publique intitulé : « quelle contribution peut apporter le Parlement ? »

Ayant peur des difficultés de transports en commun liées à la grève de ce matin là , j’ai envoyé Aurélien, le spécialiste des groupes de pression au Sénat... mais j’en reparlerai, pour me représenter, écouter et tirer l’essentiel de ce colloque. Voici son résumé qui doit me permettre de tout savoir, comme si j’y avais assisté :))

Voir en ligne : Transparency international France

Le colloque s’est ouvert sous la présidence de Denis lebègue président de Transparency international France et d’Elisabeth Guigou ancienne ministre de la Justice et actuellement députée de Seine-Saint-Denis.

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Mme Guigou a rappelé les enjeux actuels, notamment l’attente des Français d’une république irréprochable à travers l’encadrement du Lobbying, la transparence concernant les élus, les assemblées et les données publiques.

Je vous livre ici les grandes lignes de son discours introductif :

Voter des lois est un rôle noble, encore faut-il se donner les moyens de les faire appliquer. Il faut garantir l’égalité devant la loi et l’indépendance de la justice. Les moyens du pôle financier ont été réduits ces dernières années. Nous devons garantir l’indépendance du parquet et réformer le conseil supérieur de la magistrature. Il faut réfléchir également à la réforme du statut pénal du chef de l’Etat, il est évidemment nécessaire de filtrer les recours, mais nous ne devons pas garantir une immunité absolue du chef de l’Etat concernant les actes qui ne relèvent pas de son mandat. Cela passera par une réforme ou une suppression de la Cour de justice de la république. Nous attendons prochainement le rapport de la commission Jospin. Nous pourrons reprendre les propositions de la commission Sauvé.

Il nous faut contrôler le patrimoine des hommes et des femmes politiques afin de vérifier qu’ils ne s’enrichissent pas indûment pendant leur mandat. Il nous faudra mettre fin au cumul des mandats exécutifs et surtout au cumul des rémunérations, on pourrait ménager une exception pour les maires présidents d’intercommunalités. Il nous faudra également réformer le mille-feuilles des EPCI, en réunissant les divers syndicats de gestion sous la compétence des intercommunalités. Il faudra également être attentif au cumul des mandats parlementaires avec certaines fonctions privées.

C’est au tour de François Cassegrain de s’exprimer, il est commissaire au lobbyisme du Québec et membre du barreau du Québec depuis 1979. Le Québec s’est doté d’un système d’encadrement du lobbyisme assez large, notamment à travers une définition légale très étendue : « l’activité de lobbyisme s’entend comme toutes communications, orales ou écrites, qui visent à orienter les décisions, qu’il s’agisse de la loi, des nominations, des décisions, de l’attribution de subventions, d’autorisations, etc. Cette définition s’applique à l’ensemble des personnels publiques travaillant sur les dossiers en question. »

Il ressort de cette définition une classification légale des lobbyistes : conseils, entreprises, ONG. Les lobbyistes ont obligation de déclarer leur activité dans un registre public, ils doivent respecter un code de déontologie et font l’objet de quelques interdictions inhérentes à leur activité. Ils ont également le devoir de collaborer avec le commissaire au lobbyisme. Le registre donne l’objet réél de l’activité du lobbyiste ainsi que les objectifs poursuivis. Le code de déontologie donne les valeurs et les obligations inhérentes à l’activité : respect des institutions, professionnalisme, informations exactes et actualisées... Le lobbyiste ne peut être payé au résultat, ce qui évite l’exercice de pressions indues sur les détenteurs de charges publiques. Dès lors, le lobbying est légitime, mais il se doit d’être transparent. Il existe également des restrictions à l’exercice de l’activité de lobbyiste pour les titulaires de charges publiques, ils ne doivent pas tirer avantage de leurs anciennes fonctions.

Ainsi, un ancien ministre ne peut exercer l’activité de lobbyiste conseil pendant les 2 années qui suivent la fin de son mandat, s’il exerce l’activité de lobbyiste d’entreprise, il ne peut exercer auprès des institutions publiques. Les titulaires de charges publiques se trouvent concernés par les activités des lobbyistes, ils doivent donc développer des modes d’action et de réponse. La loi consacre le droit d’information des citoyens, cela implique de pouvoir vérifier la transparence des interlocuteurs, de briser la culture du secret. La loi instaure un organe de surveillance et de contrôle à travers la nomination du commissaire au lobbyisme par l’assemblée. Ce dernier bénéficie de pouvoirs d’enquête et d’inspection.

Son rôle principal à l’heure actuelle est de promouvoir et d’informer les acteurs du système existant. Concernant les points d’amélioration du système existant, on pourrait approfondir la responsabilisation des titulaires de charge publique. Le commissaire peut proposer des solutions, l’assemblée est libre de les accepter ou de les refuser.

C’est ensuite au tour de Martin Hirsh de s’exprimer, conseiller d’Etat, il est l’ancien « haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté » du précédent gouvernement, ancien président d’Emmaüs France.

Il existe un certain nombre d’incompatibilités entre l’exercice de mandats électifs et certaines fonctions privées [1] dans le code électoral, mais elles ont besoin d’être dépoussiérées. A titre d’exemple, le code électoral interdit l’exercice d’un mandat parlementaire et celui de président d’une entreprise bénéficiant de la commande publique. Malheureusement, ce régime ne prend pas en compte les « Holding », ce qui permet à quelques parlementaires d’échapper à ces interdictions. Il est également interdit de donner des cours en faculté [2], mais bizarrement il n’est pas interdit de donner des conseils juridiques. Quelques évolutions positives ont eu lieu, la déclaration d’intérêts permet aux parlementaires de prendre conscience de leurs conflits d’intérêts.

Cela permet de retrouver une certaine traçabilité de la décision. Il est nécessaire d’avoir une transparence des rémunérations des charges publiques, au sens large, et de circonscrire et prévenir les conflits d’intérêt.

C’est ensuite au tour de Dominic Robinson, chargé de plaidoyer (lobbying) chez Transparency International et responsable du dossier « Intégrité dans les institutions européennes », de s’exprimer.

Les scandales de ces dernières années ont poussé la commission et le parlement européen à plus de transparence. Comme en France, les bases de données des lobbyistes sont sur la base du volontariat. Elles comprennent :
 Les objectifs.
 Le nombre de collaborateurs.
 Les principes de proposition législative.
 Les membres de fédérations ou d’associations.
 Les données financières : chiffre d’affaire notamment.
 Noms et revenus des clients.

Ce système devrait être obligatoire et non simplement volontaire, il faut également des moyens de contrôle de l’exactitude des données. On explore actuellement la notion d’empreinte législative, à savoir, établir la liste des lobbyistes consultés pour l’élaboration d’une réglementation ou d’une loi.

C’est ensuite au tour de Barbara Romagnan de s’exprimer, députée PS du Doubs, pour l’exercice de son mandat de députée, elle a abandonné son mandat de conseillère générale.

Il est important de pousser plus loin la réflexion sur le non-cumul des mandats, le non cumul des mandats exécutifs et parlementaire est un premier pas, mais il faut envisager également le non-cumul dans le temps [3] Je suis partisane d’un mandat parlementaire exclusif de tout autre mandat. Il y a un décalage évident entre la société civile et la représentativité nationale. L’ancrage local ne nécessite pas l’exercice d’un mandat local, il y a d’autres implications locales, associatives, syndicales, professionnelles, etc. De plus, le mandat de parlementaire implique que l’on représente l’ensemble de la Nation et non seulement le territoire où l’on est élu. La réforme du statut d’élu est un chantier important à mener, l’objectif n’étant pas de lutter contre le cumul, mais de permettre une ouverture plus importante à la société civile des fonctions d’élus. Il faut renouer la confiance entre les élus et les citoyens.

Alain Anziani prend ensuite la parole, sénateur de Gironde et questeur du Sénat. En Allemagne l’interprétation d’une rémunération extérieure au mandat électif est positive, gage d’indépendance. Cette interprétation est corollaire d’une exigence de transparence très poussée, et s’accompagne de peu de sanctions vis-a-vis des élus.

On retrouve le même système de pensée aux USA. Aux États-Unis, la principale source de conflits d’intérêts réside dans le financement des campagnes électorales. Les censeurs en Allemagne et aux USA sont les associations et l’opinion publique. En France, de manière symétrique nous avons moins de transparence et plus de sanctions. Nous devons revenir à la prévention des conflits d’intérêt, le pouvoir ne doit pas être centralisé à l’excès.

Lionel Tardy, ancien président de la CGPME de Haute-Savoie et députée UMP de Haute-Savoie.

La transparence n’est pas un objectif en soi, mais un outil, l’objectif c’est le contrôle de la dépense, ce contrôle doit être indépendant. Je gère mes enveloppes parlementaires directement, car je sais le faire en tant que chef d’entreprise et que je ne souhaite pas alourdir la dépense de l’Etat en lui déléguant cette gestion. Nous ne sommes qu’une dizaine de parlementaires à procéder ainsi. Le déontologue de l’assemblée vient d’être nommé, nous verrons quelles seront ses actions.

René Dosière, député, membre de la commission des lois.

L’autonomie financière des assemblées est la garantie de leur indépendance, les budgets sont évaluatifs et non limitatifs comme pour les autres pouvoirs publics. L’autonomie des Assemblées conduit au refus de tout contrôle extérieur. La commission de contrôle et d’apurement des comptes de l’assemblée connait depuis longtemps une activité réduite. Nous devrions pourtant assurer la même transparence de nos comptes que les collectivités territoriales.

Association regards citoyens :

Le savoir permet le contrôle, nous nous efforçons de créer du lien entre les citoyens et la sphère politique. A l’assemblée nationale, ne s’exerce que le contrôle du déontologue et celui des déclarations d’intérêts. Nous devons mener une réflexion globale sur les parlements : qu’il s’agisse du registre des lobbies, du trombinoscope des collaborateurs, et bien entendu de la transparence des votes, qui, pour 90%, ont lieu à main levée, les 10% restants étant les scrutins publics et les scrutins solennels. D’ailleurs, l’article 27 de la constitution pourrait rendre anti-constitutionnelle la méthodologie de vote au Sénat. Il est crucial de réfléchir à l’ouverture des données publiques afin de permettre leur mise en forme et leur intelligibilité, de manière indépendante, pour tous les citoyens.

Je vous donne brièvement mes impressions suite à ce colloque :

Comme on l’a constaté à la lecture de ce bref compte-rendu, les volontés ne manquent pas au sein même des Assemblées pour faire évoluer la situation de manière positive vers plus de transparence. Il convient maintenant de passer de la parole aux actes. Nous suivrons l’évolution de ces sujets et nous continuerons de vous tenir informés de l’évolution des pratiques au sein des assemblées parlementaires.

Notes

[1J’ai ainsi été amenée à demander d’être omise du Barreau car mes activités d’avocate plaidant majoritairement contre l’Etat ou les collectivités locales étaient incompatibles avec le Code électoral. Je me demande d’ailleurs comment on peut être à la fois avocate, courant d’un tribunal à l’autre, recevant des clients, rédigeant des mémoires, et sénatrice, allant au Sénat, rédigeant des amendements, enfin relisant les amendements et visitant son département, tout en restant une amante, une mère et une grand-mère (note de la sénatrice).

[2Est-ce si sûr ? Je connais plusieurs professeurs d’université qui cumulent allègrement et ce dans tous les groupes (note de la sénatrice). L’extrait exact : a/ Le mandat de sénateur est incompatible avec l’exercice des fonctions publiques non électives (à l’exception de celles de ministres des cultes d’Alsace-Moselle et de professeur de l’enseignement supérieur titulaire de chaire ou chargé de direction de recherches : dans une décision du 14 février 2008, le Conseil constitutionnel a écarté du champ de cette exception les fonctions de professeur associé, qui sont donc incompatibles avec le mandat parlementaire), ainsi qu’avec toute fonction publique étrangère ou internationale rémunérée. (note du collaborateur ;)

[3Et oui, c’est pour cela que j’ai fait un seul mandat de conseillère régionale puis que j’ai repris ma robe d’avocate avant d’espérer devenir sénatrice (note de la sénatrice).

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