Seine-et-Marne, terre de betteraves...

mardi 30 octobre 2012, par Céline Romain

Comme chacun le sait, la Seine-et-Marne est une terre betteravière. En ce moment la période est à l’arrachage, la période de l’année la plus intense pour les producteurs.

Alors qu’Hélène et Aurélien souhaitent faire entrer les associations et fédérations écologistes dans la liste des lobbyistes autorisés à fouler les moquettes rouges du Sénat, je suis allée représenter la sénatrice au déjeuner parlementaire de la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves, un puissant lobby agricole.

Ressenti, constat, et preuve que l’écologie ce n’est pas si simple que ça...

Replantons (c’est le cas de le dire) le décor.

C’est la première fois que j’assistais à un déjeuner parlementaire organisé par un lobby. Je ne m’attendais pas à ça, à vrai dire. J’imaginais que nous serions plus nombreux, en mode conférence.

Or c’était un déjeuner intimiste, une douzaine de personnes, autour d’une table, dans les locaux de la Confédération.

Ma première impression fut « Mais pourquoi j’ai accepté ? ». J’étais la seule femme, en dehors d’une assistante de la Confédération, certainement la plus jeune et, excusez moi messieurs, d’assez loin...

Je ne suis pas pour les agro-carburants. Gabegie écologique, poussant à utiliser les terres agricoles pour nourrir les voitures et non les hommes, il n’y a plus besoin de démontrer aujourd’hui que ce n’est pas la solution à l’après-pétrole.

Oui mais... Mais cela n’a pas été le discours des pouvoirs publics pendant 10 ans.

La filière de la betterave sucrière en France a connu de grosses difficultés dues à l’évolution du marché, à l’arrivée en force des édulcorants dans l’alimentation et les boissons, et a dû se reconvertir en partie pour sauver, certes ses richesses, mais aussi ses emplois et ses usines.

La filière s’est donc reconvertie en partie vers les agro-carburants.

Aujourd’hui l’Europe souhaite faire évoluer les règles d’utilisation de terres agricoles pour les agro-carburants (je ne rentrerais pas dans les détails techniques trop longs) et ce pour limiter leurs proliférations, et la France monte la fiscalité inhérente aux agro-carburants. Si les betteraviers se préparaient au changement de fiscalité, la limitation des terres agricoles est un coup dur pour la filière, même si la limitation peut paraître d’un point de vue écologique et de préservation de la diversité agricole tout à fait nécessaire.

Mais dans le même temps, pour satisfaire à la limitation de rejet de CO2, on importe des agro-carburants du Pakistan (agro-carburant de mélasse) et d’Amérique du Sud, sans droit de douane pour leur assurer un tarif intéressant.

Pour moi il y a donc deux aberrations :

1- On ne peut pas être contre les agro-carburants produits en Europe et pour l’importation d’agro-carburants produit ailleurs dans le monde, là ou l’accès à la terre agricole est beaucoup plus difficile qu’en Europe, ce qui conduit à la déforestation notamment.

2- La filière de la betterave sucrière représente 10 000 emplois en France. A l’heure de la crise économique que traverse L’Europe et la France, on ne peut prendre le risque de voir cette filière en partie détruite et des milliers de personnes au chômage. Entendons-nous bien, je ne m’inquiète pas pour les personnes que j’ai rencontrées lors de ce déjeuner, eux ont surement de quoi vivre décemment.

Sans compter que les terres libérées par la culture de betteraves, si aucune mesure de transition ne sont prises, ne seront pas forcément conservées en terre agricole, la pression financière du foncier bâti étant bien présente.

Je répète donc, si cela peut ne pas paraître clair, je suis contre les agro-carburants, mais il faut aller plus loin que le simple constat de la terre agricole pour nourrir les humains (d’ailleurs on pourrait également se poser la question de l’utilisation des terres agricoles servant à nourrir les bêtes qui nourrissent les hommes...).

Penser filière, reconversion, chaine de production, économie autant qu’écologie pour agir sur la préservation des terres agricoles, des emplois, d’une filière historique de la Seine-et-Marne.

En résumé, penser global pour agir local, même quand on parle de betteraves.

P.-S.

Et en parlant de betteraves, n’hésitez pas à faire un tour à Tousson, au café La Tête des Trains pour le festival de la betterave musclée !

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