Le comité de défense de l’hôpital de Melun

pour un hôpital de plein exercice entièrement public

vendredi 10 janvier 2014, par Hélène Lipietz, Emmanuelle Orvain

Le comité de défense de l’hôpital de Melun contre la privatisation et la complémentarité a été constitué le 11 février 2013 à l’appel de 60 militants de toutes tendances : PCF, POI, PG, PS, EELV, M’PEP, CGT, de la CGT-FO, de la FSU, conseillers régionaux, maires, conseillers municipaux, militants laïques, militants associatifs, médecins »¦ En effet, un projet bien avancé de transfert de l’hôpital actuel de Melun, éclaté en sept ou huit bâtiments en plein centre de Melun, vers l’entrée nord de Melun, n’est pas sans poser de nombreux problèmes.

L’enjeu de la santé en Seine-et-Marne, des citoyens mobilisés

J’ai rencontré M. Patrick Delvert, membre du Parti ouvrier indépendant (POI), et M. Gérard Docquin, membre de la fédération des libres penseurs [1]

Si le projet date de plus de vingt ans, la concrétisation commence à se faire jour : un partenariat entre l’hôpital public de Melun et les cliniques privées aux alentours est en voie de réalisation. Les travaux de défrichement de la Plaine de Beauregard (entrée nord de Melun) ont commencé.

Voici l'ancien bois où sera implanté le futur « PPP »

Fin 2012, un tract est émis par les syndicats de l’hôpital : si la CGT et le PS ont accepté le projet, d’autres ont désavoué cet accord. Le comité de défense est contre la réalisation d’un hôpital placé sous ce partenariat public-privé regroupant les hôpitaux Marc Jacquet et les cliniques Saint-Jean et l’Ermitage.

Un partenariat public-privé pas comme les autres

Il faut savoir que 75% du financement de ce nouvel établissement sera pris en charge par le public et 25% par le privé. Dans un Partenariat public privé (PPP) classique, le privé bâtit généralement, loue à la personne publique, et fournit également le fonctionnement à la personne publique. Le coût de construction est donc majoritairement pris en charge par la puissance publique, par les impôts. Et si les plateaux techniques ont un coût conséquent, il n’est pas logique qu’ils aient ensuite vocation à être loués par la personne privée au secteur public qui l’utilisera.

Or pour Melun, si l’investissement s’élève à 256 millions d’euros dont 178 millions pris en charge par le public, il semblerait que 564 lits reviendront au secteur public et 250 au privé. Mais 30 lits seront alloués à la chirurgie publique, tandis que 240 seront entre les mains de la chirurgie privée. Cet hôpital sera donc d’abord un hôpital chirurgical, mais les 12 blocs chirurgicaux appartiendront à la clinique. L’hôpital public devra louer les services chirurgicaux.

Ce déséquilibre entre la part des lits chirurgicaux alloués au privé (un rapport de 240 sur 30) est totalement en contradiction avec le financement réel de l’investissement (178 sur 256 millions d’euros). Clairement, le privé récupère le secteur le plus « juteux » : la chirurgie, sans investir à la hauteur des bénéfices.

Une profonde mutation du monde médical en Seine-et-Marne

Au-delà du cas de l’hôpital de Melun, reste à s’interroger sur la mutation des professionnels et structures de santé en Seine-et-Marne, qui est un véritable défi pour un département à la population aussi jeune que la Seine-et-Marne, comme je l’ai déjà expliqué ici [2].

La vision actuelle pour résoudre les problèmes de santé est un maillage territorial de grands groupements hospitaliers. Ainsi, une complémentarité, nommée par l’Agence Régional de Santé (ARS) « communauté hospitalière de territoire » est donc en train de naître à Melun, à Fontainebleau avec le Centre hospitalier en cours de rénovation suite à un projet de PPP heureusement abandonné, Montereau et Nemours plus au sud. L’hôpital sud francilien de Corbeil-Essonnes, devient l’ « hôpital de référence » au niveau régional.

L’hôpital public est nécessaire pour l’accueil de tous et pour la formation des médecins. En ce sens, il est très étonnant que Melun n’ait pas son propre Centre universitaire rattaché à l’hôpital (CHU), car on sait que les jeunes médecins s’installent souvent là où ils ont été formés pendant plus de sept ans. Cela attirerait forcément de nouvelles recrues sur un territoire qui commence à manquer de profils médicaux spécialisés.

A l’heure actuelle, on constate que personnel médical est géré par objectif technique et non plus par territoire, formant des équipes médicales spécialisées, amenées à se déplacer d’établissement en établissement. En ce sens, on peut comprendre que tout semble avoir été prévu pour éviter le désert médical dans le projet Melunais. Mais dans quelles conditions exercera le praticien, qui fera des kilomètres pour se rendre sur des sites différents ? Et quelles conséquences pour le patient, lui aussi, obligé de se déplacer, comment fera-t-il l’âge venu ? Devant subir une médecine à deux vitesses : l’une dédiée aux riches et l’autre, disposant de moins de moyens, dédiée à la majorité de la population ?

Je faisais part à mes interlocuteurs que l’anesthésiste le plus jeune Seine-et-Marne est installé à la Clinique de l’Ermitage depuis 2 ans et a 31 ans. Le plus jeune après lui a 48 ans. Les raisons sont simples :
  la formation du personnel médical est assurée par l’AP-HP (Assistance Publique Hôpitaux de Paris) qui ne lâche pas ses médecins lors des stages et ne joue pas le jeu de la répartition territoriale. Je me demandais quelle sera la politique de Martin Hirsch à ce sujet ? Les étudiants ignorent donc la situation et les potentiels en Seine-et-Marne, sans parler de la province.
  Le numerus clausus pose problème. Le fait de ne pas autoriser la formation de plus de jeunes spécialistes ferme automatiquement des portes au développement de postes médicaux sur le terrain.
  De plus, les médecins travaillent moins qu’avant suite aux changements législatifs et à l’évolution des mentalités propres à la sociologie médicale.

La plaine déboisée...

Ces trois facteurs font que le département n’est plus assez attractif et les médecins »“ toutes spécialités confondues (dermatologie, ophtalmologie, »¦) - partent en retraite sans trouver de remplaçants. A Paris, ce problème n’existe pas.

Je n’ai pas eu le temps d’aborder la question de la requalification de l’espace libéré dans Melun après le départ des cliniques et hôpitaux, point que soulève très justement le groupe local EELV.

Pour manifester votre mécontentement, la pétition est disponible à la permanence, sous forme papier. Je me ferai un plaisir de vous l’envoyer.

Notes

[1qui mène aussi un procès contre la Mairie de Melun qui s’entête à installer chaque année pour Noël une crèche dans la cour de la Mairie, lieu laïc s’il en est.

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