62 ans après, Guy témoigne

Ou le sens d’un procès

dimanche 18 mars 2007, par Hélène Lipietz

A deux jours de l’audience d’appel, ce que nous espérions depuis un an est enfin arrivé : notre oncle Guy accepte que son témoignage envoyé à la Cour d’appel soit rendu public.

Il se découpe en 3 parties :

 le refus de son père de mettre son entreprise au service de l’Occupant et le respect des ouvriers pour ce patron et leur outils de travail

 les conditions de transport (à partir de la moitié de l’enregistrement, dont j’ai retranscrit une partie ci-dessous)

 le sens du procès pour les victimes qui attendaient silencieusement depuis 60 ans qu’on leur rendre l’honneur pour l’humiliation que des décisions administratives (leur) ont fait subir.

Il complète ainsi ceux de Papa, sur le voyage et surtout sur les enfants

Merci Guy ! Papa doit être aussi fier de son frère qu’à sa naissance !

Sortie de maternité (1928)

L’interview de Guy

Retranscription

Plus de 2,5 personnes par mètre carré »¦impossible de se coucher ou de s’assoir

Petit à petit l’Humanité des gens disparaissait »¦ La chaleur, l’odeur, l’angoisse, c’était vraiment un transfert vers l’horreur. C’était comme un enfoncement dans un enfer auquel personne n’avait pu un jour imaginer être plongé.

On avait en plus un sentiment très nettement partagé par l’ensemble de ce wagon que la SNCF nous avait mis dans des conditions humiliantes, inhumaines de bestiaux qu’on transportait vers l’abattoir et que tous ces gens qui nous avaient transportés vers Drancy que c’était des Français qui faisaient ça à d’autres français et ça cela faisait très mal également à tous.

Au bout d’une heure ou deux d’enfermement dans ce wagon, l’atmosphère était devenue très lourde parce que cette tinette unique commençait à se remplir, se remplissait également par des déjections à côté, certaines personnes ne savaient pas se retenir ou ne pouvaient pas se retenir et faisaient un peu partout. C’était sale, c’était glissant, c’était des odeurs terribles, une odeur pestilentielle se dégageaient dans le wagon.

Une odeur d’excréments, de sueur, de peur avec, dans la journée du lendemain, une température qui était assez élevée et la chaleur ajoutée aux odeurs pestilentielles qui se développaient dans le wagon. L’odeur était celle que nous avions en souvenir des boucheries ou des abattoirs ou pour ceux qui avaient vécu ou vu des choses comme cela une odeur pestilentielle qu’on avait connue parfois au passage de wagons à bestiaux dans les gares »¦

La SNCF nous avait, semble-t-il, vraiment transformé en bestiaux qui rentraient bien dans les wagons destinés à l’origine un uniquement à cet usage.

..Ces personnes qui ont été humiliées, transformées en bestiaux dans des conditions de puanteur, de promiscuité, d’impossibilité de s’allonger quand on le voulait, de respirer et de subir ces conditions, il sera enfin reconnu que ce n’était pas des conditions de transport pour des êtres humains mais pour des bestiaux et qu’on nous rendra donc notre honneur pour l’humiliation que des décisions administratives nous ont fait subir.

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