même pas le temps d’écrire

ou quand la chasse aux émigrés m’oblige à travailler plus !

dimanche 25 novembre 2007, par Hélène Lipietz

Depuis 4 mois mon site est bien vide, mais j’ai tellement de dossiers avec mes étrangers que je n’ai plus le temsp d’écrire !

oui, il y a aujourd’hui des rafles

Ouille, je vais me faire tirer les oreilles avec ce titre »¦

Pourtant si les conséquences à long terme des lois sur l’immigration n’ont pas les conséquences mortelles des lois de Vichy, elles ont des conséquences humaines immédiates de même nature.

Depuis le mois de mai, je rédige (et Rémi signe) 2 à 3 recours contre des obligations de quitter le territoire (OQTF) par semaine et je les ai tous gagnés (sauf deux en procédures d’urgence).

Il ne faut pas croire que je suis la meilleure juriste de France parce qu’actuellement tous les vrais spécialistes de la question font la même constatation : les OQTF sont souvent prises contre des familles qui ne le méritent pas, qui sont de ces immigrés qui font honneur à la France, par leur travail, leur volonté de s’insérer et par la scolarisation de leurs enfants, sans compter les très jeunes majeurs à qui les préfectures refusent un titre de séjour sont formés en France pour des métiers où l’on manque de mains d’œuvre.

Bien sûr, si le retour au pays est effectif, ces familles ne finiront pas en nuits et brouillard, mais certains mourront parce qu’ils n’ont plus rien au pays, parce qu’ils ne seront plus soignés, parce qu’ils auront échoué dans leur mission de faire vivre les leurs et qu’ils seront ostracisés.

Ceux qui resteront en France vivront dans des conditions inhumaines, exploités par des marchands de sommeil ou des donneurs de travail au noir qui se frottent les mains de cette main d’œuvre corvéable à merci.

Enfin faut-il rappeler que tous les juifs français n’ont pas été déportés, mais tous ont vécu la même exclusion sociale pour eux même et pour leur enfants que vivent les étrangers en situation illégale à la suite d’une OQTF ?

Oui les rafles à la sortie des bus scolaires, des écoles ou sur les marchés exotiques font vivre aux immigrés d’aujourd’hui et à leurs enfants les mêmes souffrances, la même déstabilisation que ceux qu’ont pu vivre les juifs, les réfugiés politiques espagnols, les tsiganes en 1940-1944. Et tant pis pour ceux qui pensent que ce n’est pas comparable, essayant ainsi de nier leur propre égoïsme de nantis.

Mais il existe une différence de taille : aujourd’hui le Conseil d’Etat n’oserait plus statuer en légitimant un internement sur la simple « présomption de judaïcité ». Aujourd’hui, le droit des étrangers n’est plus français, il est conventionnel [1] et le juge administratif, c’est à son honneur, est devenu le protecteur de la vie privée et familiale de l’étranger et de l’intérêt supérieur de l’Enfant.

quelques nouvelles du front

Avec tout ce travail de « mémoires » devant les tribunaux administratifs et le marathon budgétaire qui se prépare au Conseil régional, je n’ai même pas eu le temps de vous informer de l’avancée du pourvoi devant le Conseil d’Etat.

Voici donc le mémoire en réplique de notre avocat au Conseil d’Etat. C’est dommage que je ne puisse pas mettre le mémoire en défense de la SNCF, droit d’auteur oblige. Mais en lisant le mémoire de maître Monod, vous y découvrirez que « la SNCF reconnaît donc elle-même implicitement qu’elle plaide contre des évidences lorsqu’elle allègue qu’elle serait intervenue exclusivement sur réquisitions des autorités allemandes » !

Il semblerait que la procédure s’accélère puisqu’un rapporteur a été nommé. Nous aurions ainsi une première audience avant la fin de l’année pour statuer sur la nécessité de renvoyer devant l’assemblée plénière du Conseil d’Etat ou, peut-être, sur la nécessité de renvoyer devant le Tribunal des Conflits, juridiction mixte qui règle les litiges de compétence entre le juge judiciaire et le juge administratif. Si cette possibilité était retenue, le Tribunal serait présidé par la Garde des Sceaux, chouchoute d’un Président de la République qui a pour chargé de mission un des pires opposants au procès LIPIETZ.

Encore un mémoire

AU fait savez vous que ce cher Président qui se prétend toujours au côté des victimes, refuse de recevoir une victime directe de la politique de Vichy et des gouvernements qui ont suivi. Wladimir, orphelin juif, volé à ses ancêtres pour être confié à de « bons citoyens bien de chez nous » et qui vient enfin seulement d’être reconnu, à 60 ans, « interné politique ». Bref, ce n’est pas encore demain que les survivants de l’indicible racisme institutionnel français pourront s’endormir dans la tranquillité de la Justice enfin dite.

Lettre de Nicolas Sarkoy

Notes

[1relatif aux Conventions internationales signées par la France, telles la Convention européennes des droits de l’Homme ou la Convention Internationale des droits de l’Enfant. Le Conseil Constitutionnel n’a pas à vérifier la conventionalité des lois, le juge administratif doit vérifier la conventionalité des décisions préfectorales (C.E. Ass. 20 octobre 1989, NICOLO Grands arrêts de la Jurisprudence administrative n °117)

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