Rencontre avec le Syndicat Indépendant du Tourisme 77

lundi 26 août 2013, par Hélène Lipietz, Emmanuelle Orvain

Les loisirs sont un véritable enjeu pour la société d’aujourd’hui, en pleine mutation dans ses comportements de consommation et ses attentes. J’ai rencontré David Charpentier, Secrétaire Général du Syndicat Indépendant du Tourisme 77, accompagné de Bernadette Caudron, Trésorière du SIT77 et Déléguée du Personnel (Hôtellerie-Restauration) d’Eurodisney et de Marcel Rey, Membre du Bureau du SIT77 et ancien Délégué du Personnel d’Eurodisney Syndicat Indépendant du Tourisme 77

Voir en ligne : Apprenez-en plus sur l’action du SIT77

Le SIT77, syndicat indépendant, revendicatif et constructif

La création du SIT77 s’est fait en août 2012 après de longues années d’appartenance à divers syndicats comme FO, la CFDT, le CFTC.

Le constat, qui a signé la naissance du SIT77 est simple : le monde syndical ne proposerait plus d’offre démocratique. L’hôtellerie-restauration serait particulièrement touchée par le clientélisme pratiqué par les groupements syndicaux qui chercheraient à survivre suite à la loi sur la représentativité de 2008.

Le SIT77 a été créé afin de reconquérir l’autonomie syndicale et de protéger les intérêts des personnels travaillant dans les HCR (Hôtels, Cafés, Restaurants), les parcs de loisirs et bientôt villages nature que souhaite créer Disney.

Aujourd’hui, le SIT77 compte une quarantaine de personnes et souhaite atteindre les 100 adhérents pour son deuxième anniversaire. Le groupement est déjà constitué au sein de l’entreprise Euro Disney. Il faut noter qu’Eurodisney compte 10 000 salariés en Contrat à Durée Indéterminée (CDI) et près de 14 000 emplois (saisonniers, intérimaires, intermittents et sous-traitance inclus) ce qui en fait le premier employeur de Seine-et-Marne et le principal employeur de la branche des espaces de loisirs-culturels-attractions (qui en compte environ 24 000). Et villages nature à son ouverture 2016 en comptera environ 1 600. Il existe autrement de nombreuses entreprises de tourisme et hôtellerie-restauration en Seine-et-Marne, mais la plupart comptent moins de 50 salariés et n’ont ni Comité d’Entreprise (CE), ni véritable présence syndicale, et a fortiori très peu de dialogue social.

Le travail du dimanche fait partie des plus grosses préoccupations du SIT77 qui souhaiterait voir voter 25% de majoration du travail dominical, comme c’est le cas pour la sous-traitance »¦

 »¦ Mais ce n’est pas si simple !

La loi dite Mallié de 2009 fixe les obligations générales du repos dominical et fixe les exceptions et les dérogations ponctuelles et spécifiques. « Les parcs de loisirs et HCR font partie de l’exception au travail dominical » me dit mon interlocuteur : quel lapsus ! Reprenons : "Les parcs de loisirs et HCR font partie de l’exception au REPOS dominical", de même que dans le commerce, certains magasins peuvent ouvrir le dimanche matin (boulanger, grandes surfaces spécialisées »¦). Certaines de ces branches ont négocié des majorations pour le travail dominical, mais aucune obligation patronale générale n’est actuellement en place. Cette même proposition laisse une marge de manœuvre aux Périmètres d’Usages de Consommation Exceptionnels (PUCE), souvent critiqués par les commerçants et les consommateurs car délimités arbitrairement, au cas par cas.

Un manque de transparence sur les pratiques de l’ensemble des secteurs

Selon le représentant syndical, les employeurs n’accepteraient de verser aucun complément de salaire pour un travail dominical tant qu’aucune disposition législative n’est prise, ils refusent d’aborder le problème dans les négociations de branche.C’est pourquoi, il faudrait que la loi inclus dans les négociations par branche une obligation de majoration.

Les salariés de sous-traitants en nettoyage, par exemple, perçoivent une majoration des salaires lorsqu’ils travaillent le dimanche. Cela permet aux entreprises de loisirs d’écraser leurs frais de structure et de limiter les investissements en formations, etc. Cependant, cette majoration vient en compensation des très faibles avantages sociaux dont bénéficie le personnel de nettoyageet n’annihile pas les profits faits par les boites de sous traitance, même si toutes ne sont pas à mettre dans le même système esclavagiste : parfois l’employé doit nettoyer 5 chambres en 4 heures et qu’il n’a pas terminé dans le délai imparti, le reste du travail qu’il a à faire ne lui sera pas payé.

Pour le gardiennage et la sécurité, ce sont des secteurs assez atomisés et la visibilité reste faible sur les bonnes ou mauvaises pratiques sociales.

Les exigences des entreprises, mais aussi et surtout, les habitudes de consommation des loisirs ont pour conséquences que les plages horaires du travail dominical pour le personnel du tourisme sont de plus en plus étendues. On peut faire le même constat dans d’autres secteurs d’activités.

Les entreprises se dédouanent en expliquant au SIT77 et autres syndicats que leurs impôts vont tout droit dans les caisses de l’Etat et que c’est donc à l’Etat de mieux répartir sur les territoires l’argent taxé. Si on majore le travail du dimanche, on observera automatiquement une diminution de l’emploi au strict minimum pour limiter les coûts. Certaines entreprises proposent ces créneaux sur la base du volontariat (Ikéa, Castorama). Dans le cadre de la majoration, il y aurait de fait plus de volontaires mobilisés pour travailler que de besoins à couvrir.

Val d’Europe, villages nature d’Euro Disney et Pierre et Vacances

Le gros projet dans le nord du département pour les mois à venir est la création d’un village nature mis en place par Euro Disney SCA et le groupe Pierre et Vacances sur le secteur de Chessy/Serris. Malgré les valeurs durables indiquées sur le site, trois termes sont souvent repris à l’attention des salariés, issus de la philosophie d’Euro Disney : polyvalence, flexibilité, travail sept jours sur sept. On comprend donc les tensions que peut engendrer le travail dominical qui soulève d’autres points tels que le transport pendulaire domicile-travail, le logement à proximité du lieu de travail extrêmement onéreux, la garde d’enfants en bas âge sur des créneaux horaires « inhabituels ».

Je suggère de voir l’obligation pour l’employeur d’organiser les transports pour les salariés, car écologiquement, il n’est pas normal de devoir se déplacer en voiture. Qu’en est-il de la mutualisation des transports ? Encourager leco-voiturage ou la création de service de bus inter-entreprises est un passage à l’acte à encourager auprès des entreprises locales. Le transport en bus de nuit est assuré pour les saisonniers de Disney pendant l’été. Cette opération est facilitée, grâce aux emplacements géographiques du personnel hébergé en résidence étudiante ou en foyer jeunes travailleurs. Ce n’est pas le cas de l’ensemble des employés. En organisant ce modèle avec plusieurs entreprises locales (TPE, PME et grands groupes), il pourrait y avoir mutualisation des coûts et des moyens de transport. Les salariés d’Euro Disney par exemple habitent à Château-Thierry (65km) ou Meaux (15km). Mais ces communes, même si elles proposent des logements sociaux et des lignes de bus (de jour) n’ont pas l’argent à investir dans des infrastructures de garde d’enfants ou de transport en commun nocturnes : elles ne reçoivent aucun euro direct de l’activité touristique.

J’ai posé la question de l’existence d’une participation financière de la part des entreprises de tourisme aux logements sociaux dans le département dans lequel elles sont implantées. La question de la fiscalisation du logement était intéressante dans la logique du 1% logement qui voulait que l’employeur cotise pour loger les employés. Cette démarche, sous des airs de paternalisme d’arrière-garde, semblerait pourtant permettre un meilleur ancrage territorial du salariat sur le territoire, qui engendrerait une dynamisation de l’activité économique locale et limiterait les « villes dortoirs » excentrées par rapport aux lieux d’activité.

Bref, n’étant pas dans la commission des affaires sociales, je ne peux être qu’un relai auprès de mes collègues qui y siègent...

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