Lobby pétrolier

pollueur seine et marnais au restaurant ...

vendredi 5 juillet 2013, par Hélène Lipietz

Je suis allée manger au restaurant Tante Marguerite avec la société pétrolière Vermillon, installée en Seine-et-Marne. Il s’agissait, pour eux, de leur première opération de lobbying auprès de parlementaires français.

La société Vermillon exploite plusieurs puits en Seine-et-Marne, notamment le puits n ° 2 qui a causé, pour la première fois depuis 1956, date des premières installations pétrolières en Seine-et-Marne, une pollution du ru d’Ancoeur, autrement appelé l’Almont, en arrivant sur Melun.

Je ne pouvais, bien entendu, pas manquer cette occasion pour rencontrer ces potentiels pollueurs au grand pied.

J’ai été accueillie, avec 6 ou 7 parlementaires des deux assemblées, par un géant canadien au charmant accent, devenu français depuis peu et y travaillant depuis plus de 15 ans.

Étaient présents avec lui un membre du Conseil d’administration de Vermillon, ingénieur CNAM et une ingénieure en environnement, ainsi que leur avocat.

Le repas fut quelconque, extrêmement déçue que ce repas, préparé par l’équipe d’un grand nom de la cuisine bourguignonne de Saulieu était aussi peu réussi, nettement inférieur à la «  cantine  » du Sénat.

Prétendant faire une opération de transparence, le franco-canadien nous a expliqué que l’origine de la fuite n’était pas encore connue et que c’était la première fois que cela arrivait.

Pollution aux hydrocarburesdu samedi 15 juin 2013 à 7h00 après une fuite d'une tête de puits à Champeaux en Seine-et-Marne

Mais ce qu’il n’a pas dit et ce qui, à mes yeux, était le plus important, c’est pourquoi cette fuite n’avait pas été repérée par leurs services, il a fallu que ce soit une joggeuse qui se rende compte de l’irisation sur le ru d’Ancoeur !

Pollution aux hydrocarburesdu samedi 15 juin 2013 à 7h00 après une fuite d'une tête de puits à Champeaux en Seine-et-Marne

La transparence s’arrête manifestement à la pompe.

Il nous a expliqué la philosophie de son entreprise qui est surtout de reprendre les puits qui avaient été auparavant déjà exploités par d’autre pétroliers, pour vérifier que ceux-ci n’aient rien oublié. C’est ainsi que dans la région de Lacq, dans les Landes, ils ont repris un puits où le précédent pétrolier prétendait avoir exploité l’intégralité du filon tout simplement parce qu’il l’avait foré trop profond, passant à travers une poche de pétrole qu’aujourd’hui Vermillon exploite à raison de 200 barils par jour.

Il est évident que leur approche de l’exploitation pétrolifère est écologique au sens où ils ne gâchent rien, essayant de gratter le fond des pots, pardon du puit... Par ailleurs ils ont développé une technologie d’exploitation de l’huile de schiste au Canada, verticale, ce qui, paraît-il, est moins polluant ou encore ils essayent d’explorer la possibilité d’une autre poche de pétrole classique par un seul et unique puits rayonnant à plus de 2 km comme dans le bassin d’Arcachon.

En outre, ils proposent systématiquement aux collectivités ou aux entreprises proches de leur exploitation la possibilité d’utiliser l’eau qui sort à 65 °, même dans les exploitations classiques, pour chauffer par exemple des serres, et c’est ainsi qu’is nous ont offert des barquettes de petites tomates poussées en serre du côté de Parentis, dans les Landes. Quel dommage que je sois allergique aux tomates, comme Aurélien . Aussi est-ce Fatoumata et Perline qui en ont heureusement profité !

Bien entendu ils nous ont cité des chiffres astronomiques d’utilité économique de leur implantation, que je n’ai pas notés mais qui permettent de comprendre que tant qu’il reste du pétrole, effectivement, cela produit du travail. Encore qu’on puisse se demander si la pollution et les risques de pollution engendrés par leur exploitation sont à la hauteur du résultat économique ainsi généré, alors qu’une simple gestion écologique de la transmission énergétique à travers l’isolation thermique des lieux d’habitation et des bureaux, serait certainement créateur de beaucoup plus d’emplois avec des pollutions moindres.

Le but avoué et revendiqué de leur opération de lobbying était que nous pesions pour que la réforme du code minier soit en leur faveur. Ils ne réclamaient toutefois pas que le forage non conventionnel pour l’exploitation tant des gaz que des huiles soit admis, mais plutôt qu’une carte géologique souterraine de la France soit établie afin qu’il y ait une « connaissance universitaire » de notre sous-sol. C’est d’ailleurs ce qui est prévu dans le projet de loi actuellement en cours de discussion.

Il est vrai qu’une telle recherche souterraine peut être particulièrement intéressante et je n’ai pas de motif effectif de m’y opposer compte tenu du fait qu’on est bien allés explorer la forêt vierge et qu’il ne me paraît pas incohérent de connaître notre sous-sol ; nous découvririons peut-être ainsi de nouvelles grottes Chauvet !

Le deuxième élément auquel je souscris totalement est qu’il conviendrait d’encadrer les délais d’obtention des permis d’exploiter. En effet, plus que la lourdeur du processus de dépôt des dossiers, propre apparemment à la France, ce qui les gène, comme d’ailleurs, à mon avis, toute entreprise en France, c’est l’ignorance dans laquelle ils sont tenus, au début de l’opération, de la date à laquelle ils auront au plus tard leur permis.

Ainsi, certaines demande s d’exploitation sont en cours d’instruction au ministère depuis plus de 18 mois.

Il me paraît évident qu’il faut de toute façon, en France, prévoir des dates butoir pour que toutes les demandes d’installation classées soient délivrées, à une date connue a priori, le défaut d’une telle délivrance devant entraîner non pas une délivrance tacite qui pourrait avoir des conséquences particulièrement dramatiques sur l’environnement mais des paiements, par l’État, de pénalités de retard, ce qui pourrait inciter les services, voire l’État, à mettre plus de personnel sur l’instruction de tels dossiers.

Ainsi donc,les deux points qu’ils ont mis en avant sur leur opération de lobbying - ne pas s’opposer à la modification du code minier en ce qu’elle prévoit l’établissement d’une carte du sous-sol national, et l’obligation pour l’administration de délivrer ou de refuser à terme convenu une autorisation d’exploitation - ne m’ont pas semblé être opposés à mes convictions écologiques, si le texte, notamment sur les connaissances du sous-sol, est bien un texte uniquement à visée universitaire. Mais j’attends bien entendu vos réflexions.

Ce qui m’a le plus choquée dans ce déjeuner, ce n’est pas tant que ce soit une opération de lobbying, mais c’est la présence parmi les parlementaires de parlementaires intéressés, pour leur département au maintien des exploitations pétrolières. Parlementaires des Département des Landes, des Pyrénées-Atlantiques, département de Seine-et-Marne, je n’étais pas la seule représentante, ont ainsi tous dit que Vermillon pouvait compter sur leur aide afin de se développer dans leur département.

J’étais la seule à essayer de faire comprendre qu’au delà de la connaissance géologique de notre sous-sol ou de l’efficacité économique des autorisations d’exploitations, il convenait que la société Vermillon se fasse accepter par les populations, notamment en leur expliquant comment on pouvait justifier qu’aujourd’hui pour nos enfants et nos petits-enfants, nous sacrifiions le travail de nos arrières-petits-enfants et que nous présurions ainsi le citron qu’est notre pauvre vielle terre qui n’en peut plus. J’ai donc essayé de mettre un peu d’éthique dans le lobbying ou du moins, d’éthique dans leur discours purement industriel.

Coût évalué du repas ainsi offert par Vermillon, 40 euros, coût de la barquette de tomates, 5 euros. Cette opération de lobbying m’a donc permis d’économiser à peu près 25 euros (45-19), le coût d’un repas au Sénat étant à 19 euros). Promis je donnerai 25 euros de plus aux associations seine-et-marnaises qui luttent contre les pétroles de schiste [1].

Notes

[1Si vous êtes dans ce cas, n’hésitez pas à m’écrire :).

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