Depuis 1998,

La déclaration de patrimoine des sénateurs était obligatoire

mais qui le savait ?

mercredi 13 mars 2013, par Hélène Lipietz

ATTENTION cet article concerne la déclaration antérieure à la loi de 2013. Ma nouvelle déclaration est ici et le dossier législatif sur cette loi dont j’ai été la cheffe de file est là .

Voir en ligne : Le statut de sénateur.

Un des objectifs du législateur en 1988 était ainsi d’assurer la transparence du patrimoine des élus, de manière à pouvoir vérifier qu’ils ne profitent pas de leurs fonctions électives pour s’enrichir indûment [1].

A cet effet, il a été institué une obligation de déclaration de patrimoine, en début puis en fin de mandat. Le contrôle des déclarations de patrimoine incombe à la commission pour la transparence de la vie politique (à ne pas confondre avec la CCFP).

L’obligation de déclaration de patrimoine en début et fin de mandat a pour objet de s’assurer qu’un parlementaire n’a pas profité de son mandat pour s’enrichir abusivement.

A cette fin, chaque sénateur est tenu de déposer auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, dans les deux mois qui suivent son entrée en fonction, une déclaration certifiée sur l’honneur exacte et sincère de sa situation patrimoniale concernant la totalité de ses biens propres ainsi que, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis. Ces biens sont évalués à la date de l’élection.

Une nouvelle déclaration de situation patrimoniale devra être déposée auprès de la même instance deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l’expiration du mandat.

En cas de non-respect de cette obligation, la Commission pour la transparence financière de la vie politique saisit le Bureau du Sénat. Le Conseil constitutionnel, saisi par le Bureau du Sénat, constate, le cas échéant, l’inéligibilité d’un an et, par la même décision, déclare le sénateur démissionnaire d’office.

En outre, si la commission chargée du contrôle relève des inégalités non justifiées, elle peut saisir le parquet.

Un rapport est publié, anonyme bien-sûr.

J’ai donc rempli consciencieusement le formulaire et l’ai renvoyé à qui de droit.

Mais je ne le retrouve plus !

Cela m’oblige à essayer de faire le point sur mon patrimoine, accumulé en 34 ans de travail. Toutefois, je n’ai pas le courage de retrouver les chiffres de celui-ci... Je pense que ce qui importe c’est le bilan entrée/sortie du Sénat.

Je vis avec Rémi depuis 1978, mariée sous le régime légal depuis 1980. J’ai commencé à travailler en 1978, comme pionne dans des collèges et Rémi lui travaille depuis 1974 ! Nous avons donc une longue carrière qui nous a permis de mettre peu à peu de l’argent de côté et d’acheter notre maison en janvier 1991 et le terrain attenant, 6 ans après, alors que nous étions attachée territoriale et maître de conférence en droit public.

Nous sommes avocats (enfin j’étais avocate) depuis 1993 et 1994. Pour ce faire, nous avons fait construire nos bureaux et à l’étage de ceux-ci un trois-pièces que nous louons. Nous avons emprunté pour faire ces travaux et travailler plus de 60 heures par semaine pour les payer, tout en élevant, j’espère bien :-), nos trois enfants.

Il y a donc au-dessus de nos bureaux un logement loué depuis des années à une amie peintre, donc à loyer modéré... enfin le loyer pas le peintre :-)

Nous avons fini de payer maison, bureaux et location en même temps que notre dernier enfant prenait son envol... Il y a trois ans nous avons donc enfin pu avoir des comptes positifs (non Enimie, le découvert bancaire n’est pas le mode de gestion normal d’un compte bancaire).

Et nous avons donc commencé à mettre de l’argent de côté pour notre retraite, les avocats n’ayant pas une retraite obligatoire très élevée, mais certainement mieux que la retraite de beaucoup de citoyens/citoyennes.

Voulant partir le plus vite possible en semi-retraite dans mon Morvan familial, nous avons chercher à acheter. Ce que nous avons fait en décembre 2011 avec beaucoup de travaux à entreprendre, notamment en matière d’économie d’énergie, en empruntant sur 10 ans.

la cour et l'écurie de ma maison morvandelle

Puis, je suis devenue sénatrice sur un poste éjectable au même moment où nous mettions en location les trois parties de la maison morvandelle.

J’ai fait un emprunt auprès du Sénat pour acheter ma permanence et un second pour rénover celle-ci. Voilà sans doute le seul point où je peux m’enrichir : mon indemnité d’élue est à peine plus élevée que mes revenus d’avocate des sans-papiers/sans-papières, travaillant à l’aide juridictionnelle.

La permanence aux couleurs de la France et du mariage pour tous

A la fin de mon mandat, n’ayant pas l’intention de redevenir avocate, je m’interrogerai sur la revente de cette permanence ou la mise ne location. J’ai emprunté sur 10 ans là aussi. Or je ne serais au mieux que sénatrice 5 ans puisque je ne solliciterai pas un nouveau mandat qui ne me serait d’ailleurs pas forcément accordé...

Donc je pense que je revendrais cet appartement en espérant le revendre au même coût que ce que je l’ai acheté et des travaux que j’y aurais faits.

En effet, je n’ai pas l’intention de redevenir avocate car il faudrait alors que je reconstitue ma clientèle pour partir 4-5 ans après dans mon Morvan. J’ai déjà reconstruit une fois ma clientèle après mon mandat de conseillère régionale, je sais la difficulté de la chose et pense ne plus en avoir le courage.

Nous avons une 106 pour le bureau vieille de 19 ans, près de 100 000 KM, achetée à l’époque d’occasion (oui elle pollue) et un PARTNER vieux de 6 ans.

Je dois bien avoir une ou deux actions militantes comme des achats de parts dans « terres fertiles »et surtout une dizaine d’actions de la coopérative « enercoop ».

Je n’ai pas de Rolex et peu de bijoux, le collier de perles que mes parents m’ont offert pour notre mariage et la bague que m’a offerte Rémi pour mes 35 ans, un saphir hérité d’une vieille amie morte à 100 ans le 1 janvier 2000 qu’elle voulait tant voir...

Nous n’avons pas de plan épargne logement puisque tout a été mis dans la maison morvandelle, ni même d’assurance-vie ou d’actions.

Mais je précise surtout que c’est Rémi qui est le plus grand bailleur de fond de notre association familiale : nous gagnons à deux 18 000 euros par mois (hors mon IRFM qui est réservée à mon mandat) : il en gagne 8000 comme avocat, 3 000 comme auteur de livres de droit à succès, le reste étant les loyers de l’appartement de Melun et de la maison icaunaise. Toute cela en gros.

Nous ne sommes pas imposables à l’ISF [2], nous le serons bien sûr quand nous aurons fini de payer notre maison de retraite ou d’occuper les bureaux d’avocats.

Dernier élément de mon patrimoine, je suis co-propriétaire avec mes frère et soeur et en indivision avec ma mère de l’héritage de mon père dont elle est usufruitière... Puisse ma mère vivre plus longtemps que je ne serai sénatrice.

P.-S.

Cet article a été commencé en septembre 2012 et je n’avais jamais trouvé le temps de le finir, car cela ne me paraissait pas important. Il semble que si : je suis mise au défi de le faire par certains de mes lecteurs, alors je le fais.

La photo du logo est celle de mon immeuble de bureau.

Notes

[1Le régime et les modalités concrètes d’établissement et de dépôt des déclarations de patrimoine des sénateurs sont exposés dans la fiche relative au statut du sénateur.

[2aussi bien selon la taxation post sarkozienne ( 1 300 000 euros) qu’ante (800 000 euros), encore une réforme que la prétendue gauche n’a pas faite :-((

Forum

9 Messages

  • merci à vous. Je souhaite que votre démarche fasse école et que tous vos collègues en fassent de même. Si leurs déclarations de patrimoine étaient sincères on comprendrait les liens serrés et incestueux qu’entretiennent les sénateurs **** avec le patronat et les milieux financiers. Aucun de vos collègues ne m’a répondu sauf **** et les parlementaires verts ont été aux abonnés absents ; Toutefois je dois reconnaitre que vous êtes une sénatrice atypique ; vous ne voulez pas faire renouveler votre mandat ,vous songez à votre retraite dans le Morvan etc .Toutefois je ferai une réserve : vous n’avez donné aucune évaluation à vos biens immobiliers alors que pour l"ISF nous sommes contraints d’évaluer les biens immobiliers ce qui pour les maisons est parfois difficile. Je me permets de vous donner un conseil : puisque vous avez vous et votre mari moins de 70 ans et 3 enfants prenez une assurance-vie sans tarder car les primes versées sont exonérées à concurrence de 152 000 euros par part et par héritier ce qui dans votre couple permettrait à vos enfants ( si la loi ne change pas ) de ne pas payer de droits de succession jusqu’à un plafond de environ 900 000€ Bonne journée à vous

    • Ravie de vous avoir donné satisfaction.

      J’ai effacé les noms des sénateurs, conformément à la pratique de ce site : pas de noms. Toutefois je vous fais remarquer que ce que vous leur reprochez ne relève pas de la déclaration de patrimoine mais de celle de la déclaration d’intérêt (j’ai gardé normalement le scan de celle-là ), il v falloir que je fasse un article).

      Je vous avais écris que je n’avais plus les chiffres sauf à refaire le travail de ma déclaration (deux heures au moins). Je sais en revanche que je ne suis pas imposable à l’ISF, mais que je le serais quand j’aurais fini de payer le Morvan ou quand nos bureaux seront mis en vente ou loués... Nous avons fait, bien-sûr, évaluer nos biens il y a 4-5 ans, ce qui nous permet de savoir où on en est pour l’ISF et cette évaluation m’a servi pour la déclaration officielle.

      Nous sommes contre l’assurance vie : parce que nous sommes pour les biens immobiliers et que nous investissons sur leur isolations thermiques, leur modernisation écologique.

      Quant à nos enfants, ils travaillent tous, pourquoi voulez-vous que nous leur transmettions quoique ce soit ? Je suis pour une taxation renforcée des successions, et pourtant j’ai des espérances de ce côté :-)

      Je ne veux aucune niche pour minorer nos impôts, nécessaires à la vie en société et qui ont permis que mes enfants fassent de brillantes études, sans avoir à payer des milles et des cents comme aux EU et plus encore que les enfants du cantonnier dans ma rue puissent le faire.

      Si j’accepte des abattements fiscaux, ce sont uniquement que ceux qui permettent d’améliorer mon bilan carbone car ce que nous devons aujourd’hui préserver, ce n’est pas notre petit patrimoine personnel mais le patrimoine universel qui s’appelle la planète, enfin ce qu’il en reste :-(

      merci de votre lecture

    • Pour répondre à lestage, en tant que fille ainée d’Hélène et Rémi je me moque bien d’avoir des droits de succession à payer. Lorsque j’hériterais j’aurais plus de 55 ans (et j’espère encore plus), ma maison sera payée et mes propres enfants seront largement en âge de travailler.

      • quand tu auras 55 ans, dans 25 ans, nous en aurons 80, l’âge de ta grand-mère paternelle, ta grand-mère maternelle ayant 91 ans...

        C’est bien d’ailleurs le pb de la succession : les parents ne travaillent plus pour leurs enfants, mais pour leurs petits-enfants voire leurs arrières-petits enfants donc avec des liens parfois difficiles, notamment en cas de divorce.

        C’est pourquoi j’ai gagné ma vie pour payer des vacances à mes enfants, les plus à leurs goûts possible, enfin j’espère, ma fille, et à payer la maison. Aujourd’hui je gagne de l’argent pour nos vacances, celles de nos petits-enfants et pour notre maison de retraite...

        je ne sais pas ce que sera mon héritage pour eux, mais je n’ai pas envie de sacrifier maintenant mes vacances ou l’aménagement de ma maison pour qu’à ma mort, ils héritent de moi...

        et comme je dis à ma mère : c’est ton argent, si tu n’en profites pas maintenant, c’est pas dans la tombe que tu t’en serviras...

    • J’avoue être particulièrement choqué non seulement par votre insistance à avoir la déclaration de patrimoine, mais aussi par vos astuces pour que je n’ai pas (en tant que fils d’HL) à payer de droit de succession.

      Sur la déclaration des patrimoines. Au nom de quoi les élus devraient-ils dire ce qu’ils ont gagné dans leur vie passée ? Qu’on leur demande les sociétés dans lesquels ils ont des intérêts, quoi de plus normal. Qu’on leur demande de ne pas s’enrichir indûment sur leur mandat, quoi de plus normal. Mais pourquoi demander les patrimoines :
       cela ne garantit en rien qu’ils ne s’enrichissent pas durant leur mandat de manière illégale. Car il faudrait vraiment être idiot pour déclarer dans son patrimoine des biens illégalement gagnés.
       cela n’apporte pas plus d’information sur les conflits d’intérêt.
       en revanche cela viole le droit à leur vie privée. En quoi le fait que ma mère ait acheté une maison doit-il être connu du public ? En quoi cela permet-il de résoudre les conflits d’intérêts ?

      Sur l’impôt sur les successions : c’est sans doute l’un des impôts les plus justes qu’il soit, et vouloir le diminuer, voire pire, le contourner, est une honte pour l’homme de gauche que je suis. En effet, le fondement de la reproduction des inégalités entres les hommes c’est notamment la transmission du patrimoine. Pensons à Serge Dassault qui a tout hérité de son père, et qui ensuite vient donner des leçons sur la valeur travail. Si on peut difficilement diminuer la reproduction sociale par le biais de l’impôt, au moins l’impôt sur la succession diminue partiellement la reproduction financière. D’ailleurs les vrais libéraux, ceux qui portent vraiment aux cieux la « valeur travail » (ce qui n’est pas mon cas) l’ont bien compris, puisqu’ils sont pour des très forts taux d’imposition sur les successions.

      Mes parents m’ont permis de faire des études de mon choix sans travailler, ce qui est déjà un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre. Surtout ils m’ont transmis des valeurs. Et c’est la seule chose dont je suis heureux et fier d’hériter.

  • merci à vous. Je souhaite que votre démarche fasse école et que tous vos collègues en fassent de même. Si leurs déclarations de patrimoine étaient sincères on comprendrait les liens serrés et incestueux qu’entretiennent les sénateurs Marini Dassault Du Luart avec le patronat et les milieux financiers. Aucun de vos collègues ne m’a répondu sauf Barbara Romagnan et les parlementaires verts ont été aux abonnés absents ; Toutefois je dois reconnaitre que vous êtes une sénatrice atypique ; vous ne voulez pas faire renouveler votre mandat ,vous songez à votre retraite dans le Morvan etc .Toutefois je ferai une réserve : vous n’avez donné aucune évaluation à vos biens immobiliers alors que pour l"ISF nous sommes contraints d’évaluer les biens immobiliers ce qui pour les maisons est parfois difficile. Je me permets de vous donner un conseil : puisque vous avez vous et votre mari moins de 70 ans et 3 enfants prenez une assurance-vie sans tarder car les primes versées sont exonérées à concurrence de 152 000 euros par part et par héritier ce qui dans votre couple permettrait à vos enfants ( si la loi ne change pas ) de ne pas payer de droits de succession jusqu’à un plafond de environ 900 000€ Bonne journée à vous

  • Merci fiston... Nous sommes très fiers de voir comment tu les fais fructifier ces études et ces valeurs... même en Suisse... :-)

  • Qu’en est-il du patrimoine des ancien(ne)s élu(e)s écologistes ? A titre d’exemple, pourquoi par exemple ne pas publier le patrimoine de Mme [nom anonymisé], ancienne députée européenne et ancienne sénatrice de Paris alors affiliée aux Verts ?

    • Selon la pratique de ce site, aucun nom n’est publié.

      Je vous rappelle que dans le mois qui suit la sortie, le parlementaire doit remplir le questionnaire de sortie... mais comme pour celui d’entrée, il n’est pas rendu publique.

      Après chacun est libre lorsqu’il n’est plus parlementaire de ses faits et gestes... Personnellement je ne saurais m’engager à publier mon patrimoine, non que je ne le veuille pas, mais quand je vois que j’ai mis 6 mois pour le faire à l’entrée... A la sortie, je vais commencer une formation pour ma reconversion et mon dernier métier avant la retraite... je ne sais donc pas si j’aurais le temps :-)

      Promis j’essayerai mais... le temps sera mon maître...