Question écrite puis question orale

Préservation de l’intégrité patrimoniale de la colline de Vézelay (Yonne) et maintien du classement Unesco Patrimoine mondial de l’Humanité

dimanche 3 mars 2013, par Hélène Lipietz

Madame Hélène LIPIETZ appelle l’attention de Madame la ministre de la culture et de la communication sur les menaces pesant sur l’intégrité patrimoniale de la colline de Vézelay [1].

En effet, ce site a été classé en 1998 avec pour première règle la protection de l’angle naturel des pentes de la colline où une parcelle de 6 886 m2 sur son versant sud à l’entrée du village, en covisibilité avec la basilique a été rendue constructible en 2009 par modifications successives du P.O.S. pour satisfaire un projet initié en 2002. Depuis le 26 octobre 2012 cette parcelle est défoncée par des bulldozers et les murs s’élèvent.

Ce projet, nommé « maison médicale » regroupe, hors les murs, la pharmacie et le cabinet paramédical avec deux des quatre praticiens libéraux indépendants qui exercent dans cette commune de 460 habitants. L’agence régionale de santé n’y participe pas. Le reste des 1600 m2 de Surface hors oeuvre brut est sans affectation.

La construction de quatre barres modernes sur deux étages, hors d’échelle par rapport au bâti traditionnel, va occulter l’échappée visuelle saisissante qui révèle soudain le village médiéval couronné de sa basilique en montant tant à pied qu’en voiture depuis Saint Père sous Vézelay, voie d’accès la plus courante.

La colline de Vézelay va disparaître de la vue

Une partie de la parcelle était aménagée en terrains de sports et servait à l’occasion aux fêtes villageoises. Surtout, son aire polyvalente horizontale permettait aux 800 000 touristes annuels, en nombre fluctuant selon les heures, dates et saisons, d’y trouver 450 places de parking ombragées : Le stationnement rapporte la moitié des revenus communaux. Les 3 500 m2 d’emprise au sol du projet ne laisseront sur la parcelle que 26 places de parking touristique et aucun équipement sportif.

L’économie générale du site en est bouleversée. Trois cents places de parking sont en cours de transfert au chevet même de la basilique, cela n’incitera pas les touristes à descendre visiter le village, annulant ainsi l’effet de surprise, »œmystique » , que créait la montée à pied dans la rue inchangée depuis le Moyen-à‚ge, approche spirituelle de la Basilique.

L’arrivée à la basilique ne se fera donc plus par la traditionnelle montée, mais par le chemin de ronde Nord. Le chemin de ronde a été aménagé en promenade aux arbres séculaires, créé au XVIIIe siècle par le remblai des fossés, ne pourra supporter un trafic à double sens qui va déstabiliser les remparts, classés monuments historiques en 1875.

Aussi, Hélène LIPIETZ demande à madame la Ministre quelles mesures entend-elle prendre pour protéger les coteaux de la colline de Vézelay et ces remparts et ce faisant, sauvegarder l’intégrité patrimoniale du site, classé par la France et protégé au titre du patrimoine mondial depuis 1979, car la menace d’un déclassement par l’Unesco ne peut être ignorée.

Article de L'Yonne républicaine du 26 mars 2013

Sans réponse, j’ai transformé cette question écrite en question orale.

Voir en ligne : La question sur le site du Sénat

Réponse du Ministère de la culture et de la communication

publiée dans le JO Sénat du 24/07/2013 - page 7550

Madame la sénatrice, nous partageons votre amour de ce magnifique site de Vézelay. Du fait du manque de disponibilité foncière sur la commune et des problèmes d’accessibilité très contraignants au cœur de la ville historique, le projet de maison médicale a été localisé sur un terrain à l’entrée sud-ouest du village, sur une parcelle appartenant à la commune. Ce terrain est situé en totalité dans le site classé du Vézelien et en bordure du secteur sauvegardé.

Ce site étant particulièrement sensible, des missions d’inspection ont été diligentées tant par le ministère de la culture et de la communication que par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ces inspections ont souligné la nécessité de préserver les vues en direction de la basilique, d’organiser les constructions nouvelles en articulation avec le carrefour et de permettre une requalification de cette entrée de ville, avec un projet architectural de qualité soumis à concours.

Un concours d’architecture a donc été organisé en mars 2010, à l’issue duquel le cabinet Quirot-Vuichard a été désigné comme lauréat final. Le projet a fait l’objet d’une présentation à la commission supérieure des sites, perspectives et paysages à la fin de l’année 2010, précédant le passage en commission départementale de la nature, des paysages et des sites au début de 2011.

Une autorisation ministérielle a été délivrée en application du code de l’environnement. En outre, le permis de construire signé par le maire de Vézelay n’a fait l’objet d’aucun recours contentieux auprès du tribunal administratif.

Durant l’activité du chantier, le stationnement des voitures de tourisme n’est renvoyé que temporairement sur le parking des cars au nord-ouest de la ville, ainsi que sur le parking du flanc nord de la colline. Une fois le chantier achevé, le parking sud sera rétabli. (Mme Hélène Lipietz s’exclame.)

Dans le cadre du schéma directeur pour la restauration et la mise en valeur de l’abbaye de la Madeleine, adopté en commission nationale des monuments historiques le 12 novembre 2012, il est prévu de réserver le stationnement intra-muros aux seuls riverains, afin de permettre une meilleure gestion des flux touristiques. Les parkings situés à l’extérieur des remparts, dont le parking sud, auront alors pour fonction de faciliter la découverte de Vézelay par la traditionnelle entrée ouest en encourageant les circulations douces.

Le bien Basilique et colline de Vézelay, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, fait donc l’objet de toute l’attention des services du ministère de la culture et de la communication, et le Centre du patrimoine mondial a été régulièrement tenu informé du projet de maison médicale, pour lequel il n’a formulé aucune objection.

Par ailleurs, une opération grand site, initiée par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, est actuellement en phase d’étude ; elle contribuera également à une refonte des accès et des circulations sur l’ensemble du site de Vézelay.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Madame la ministre, cette réponse me rassure quelque peu. Reste toutefois que, dans le code de l’urbanisme, il n’existe pas de règles spécifiques pour prévoir les conséquences d’un classement par l’UNESCO ou en tant que grand site national sur l’évolution d’une ville ou d’un village, lesquels sont, heureusement, en France, toujours vivants. Je pense non seulement à Vézelay, mais également, par exemple, aux difficultés que pose à Briançon le classement des forts Vauban.

Il convient, en France, de faire vivre les humains d’aujourd’hui dans une ville moderne dont le cadre est un musée, et c’est un vrai défi pour les siècles à venir. J’espère que la ministre de la culture que vous êtes saura s’atteler à cette tâche avec conviction.

P.-S.

Une question rédigée sur une idée de l’association Vie et Patrimoine de Vezelay.

Notes

[1La question écrite n’ayant pas eu de réponse de la ministre après deux mois, elle a été déposée en tant que question orale sans débat (en vertu du règlement du Sénat, article 75, alinea 3) le 23/07/2013.

Forum

6 Messages

  • pourquoi avoir attendu si longtemps et le début des travaux, pour qu’un parlementaire pose la question au ministre chargée de la culture ?

    • parce que personne ne m’a saisie avant, pardi :-) et si tel avait été le cas, l’ancienne avocate aurait conseillé de faire un recours contentieux :)))

      • je reformule ainsi ma question : comment se fait-il qu’une parlementaire de la Seine et Marne pose cette question (pertinente) sur le bien-fondé de la construction de cette maison médicale maintenant, après le début des travaux et après que les associations de défense du patrimoine (classé et non classé) du département de l’Yonne soient intervenues, il y a plusieurs années ... en vain ?

        Mon étonnement vient donc du consentement des élus du département de l’Yonne. D’autre part il existait, au moins, une solution alternative à Vézelay et la commune voisine de Saint-Père sous Vézelay aurait permis une implantation plus facile d’accès, moins coûteuse et invisible du site classé. « On » a choisi d’accepter la solution la plus transgressive.

        • Je vous rappelle d’abord que je en suis pas une élue de la Seine et Marne mais une élue de la Nation et que j’ai donc vocation à me saisir de l’intégralité des problèmes de la République... ce qui fait beaucoup :-)

          EN outre, Vézelay n’est pas un patrimoine icaunais, mais mondial !

          J’ai été saisie de ce problème parce que je suis d’origine avallonaise, mais ancêtres sont avallonais ou de Monthillot depuis la nuit des temps pour certains :-). Mon Grand-père était membre du CM d’Avallon et président des anciens combattants...

          Donc, les opposants à ce projet ont su me trouver, trop tard pour arrêter le projet.

          Quant aux autres élus, je ne peux rien vous dire, n’étant pas eux... chacun a ses dadas...

          Je pense qu’effectivement, une réflexion sur le positionnement de cette maison médicale, voire sur son utilité aurait été utile. mais la France a tendance à d’abord agir avant de réfléchir, non ?

  • Madame la sénatrice, Je me permets de vous féliciter pour votre question à Madame la Ministre de la Culture sur Vezelay : j’ai honte pour mes amis vezeliens qui défigurent ainsi volontairement l’entrée de leur ville. Hélas , la responsabilité actuelle de l’urbanisme est bien confiée aux maires, le Ministre et ses services n’ayant plus aucun pouvoir... réel.

    Agissons pour que la future loi sur les monuments historiques, qui viendra bientôt en discussion, ne donne pas encore moins de pouvoir à l’Etat, dans ce domaine où l’intérêt public doit être prépondérant. Merci pour votre intervention.

  • Je dois dire que j’ai bien du mal, pour les raisons énoncées ci-dessous, à partager votre tranquillité rassurée par la réponse de Filippetti :

    LES MENSONGES DE LAPONSE :

      Il n’y avait pas de manque de disponibilité foncière. 17 propriétés étaient à vendre à l’époque du choix d’implantation par le pharmacien.
      Aucun problème d’accessibilité pour les 4 ou 5 projets alternatifs présentés.
      Des missions d’inspection ont, en effet souligné la nécessité de préserver les vues en direction de la basilique. Le projet est en plein milieu de la vue la plus « saisissante » vers la basilique.
      Le projet n’est pas un projet architectural de qualité.
      La commission supérieure des sites a approuvé une présentation fallacieuse.
      La commission départementale de la nature, si elle a existé, est demeurée secrète.
      Une autorisation ministérielle a été signée entre copines.
      Le permis de construire n’a pas été attaqué car il a été gardé secret pendant les 2 mois ouverts au recours des tiers.
      Durant l’activité du chantier, les touristes ne sont renvoyés nulle part, et surtout pas vers un hypothétique parking du flanc nord qui n’existe pas.
      Le parking Sud ne pourra pas être rétabli, car le terrain est désormais construit.
      Les parkings à l’extérieur des remparts, dont le parking Sud qui a perdu 450 places par la construction de bâtiments ne pourra pas « faciliter la découverte de Vézelay en encourageant les « circulations douces » !
      Le centre du Patrimoine mondial a écrit plusieurs fois à la France.
      L’opération Grand Site est remise à plus tard, faute de crédits, qui ont été redéployés ailleurs.