Juge et partie,

L’élection des Sénateurs et Sénatrices

Le scrutin le plus complexe de la République

jeudi 13 juin 2013, par Hélène Lipietz, Aurélien Vernet

Le 13 juin 2013 nous avions à débattre en séance d’un projet de loi concernant l’élection des sénatrices et des sénateurs.

Il s’agit du mode de scrutin le plus complexe de notre République.

Vous trouverez ci-dessous le dossier de presse, et le dossier législatif ainsi que mon discours lors de la discussion générale qui fut encore l’occasion de discours misogyne au nom de ces pauvres hommes qui n’ont pas démérité... les femmes, elles, c’est bien connu, déméritent depuis des millénaires !

Dossier de presse

Voir en ligne : Le dossier législatif

Monsieur le président, Madame la rapporteur, Monsieur le ministre, Mes chers collègues,

Nous devons discuter aujourd’hui de notre propre élection ! Il est toujours difficile d’être juge et partie ! Et les interventions précédentes le prouvent ! Mais justement ce paradoxe aurait pu nous permettre d’imaginer un SENAT plus proche des citoyens et citoyennes Pourquoi n’avons pas imaginé une élection du Sénat au scrutin direct ? Les bienfaits du bicamérisme n’en seraient pas amoindris ! Ils en seraient même renforcés, puisque les citoyens-nes s’impliqueraient dans le débat. Ils pourraient mieux comprendre le fonctionnement du parlement, et les médias donneraient une meilleure couverture à notre élection et surtout à nos travaux. Et cela répondrait à l’objection du rééquilibrage des délégués senatoriaux non-élus des communes les plus peuplées.

Comment préserver dans ce cadre l’idée d’une chambre des territoires ? Peut-être en organisant le scrutin à une échelle régionale, ce qui aurait pour effet de transformer notre haute assemblée en chambre des régions.

Il faudrait alors revoir la part écrasante des délégués des conseils municipaux dans le corps électoral : près de 96% de celui-ci !

Les régions et les départements réunis ne représentent que 3,8%. Même dans notre réalité, il nous faut rééquilibrer ce système, non pour défavoriser les communes, mais bien pour donner un place méritée à ces deux échelons essentiels de notre organisation actuelle, les régions et les départements, vous remarquerez que, pour une fois, je défend les départements....

Pour l’heure, l’interprétation du conseil constitutionnel nous interdit un tel rêve, mais rien n’interdit d’imaginer une modification constitutionnelle qui ouvrirait cette possibilité...

Je constate que les députés font partie du corps électoral, 0,4%, et qu’une majorité des sénateurs sont électeurs à travers leurs mandats locaux.

Dans un soucis de cohérence il faudra s’interroger sur le retrait des députés du corps électoral, ou l’inclusion des Sénateurs-trices, sans autre mandats locaux, dans celui-ci, c’est l’objet d’amendements qui vont certainement nous retenir une bonne partie de la matinée.

J’en viens maintenant au but, louable, affiché par l’exécutif, élire plus de sénatrices par le recours accru à l’élection proportionnelle...

Mais force est de constater que pour atteindre la parité dans cette assemblée il faudra faire encore et encore des élections si nous n’y mettons pas un peu plus de volontarisme, non pour respecter une constitution mais pour réparer une injustice sociale qu’il est bien difficile d’expliquer à nos filles et petites-filles en ce début de XXI eme siècle.

Pourquoi aujourd’hui, les femmes politiques restent dans leur territoire, certes plus vaste que la Domus classique et ne trouvent pas la voie républicaine qui leur permettrait d’arriver jusqu’à ce palais ?

Leur timidité naturelle, leur pudeur ancestrale, leur faiblesse chromosomique ou leur nature intrinsèque de dominée, de soumise que leur attribue la société et dans laquelle elles sont encore éduquées sont-ils vraiment responsables de ce plafond non de verre mais de fer qui empêche que la représentation des territoires soit à l’image de la population qui les compose ?

 Pourtant, parce que nous sommes des élus indirects, préselectionnés par nos partis, à la suite d’accords plus ou moins visibles, notre composition, au moins lors de la présentation des candidats et candidates avant donc les mystérieux aléas du vote, devrait être exemplaire.

 La parité, dés ce moment là , devrait être un réflexe de légitimité et non une obligation constitutionnelle. Or, la misogynie ambiante, feutrée et souvent niée que j’ai découverte en arrivant ici, entretenue sans doute par les représentations statufiées ou peintes qui nous entourent, nous empêche d’être les bons élèves de la parité.

 Est-ce parce que nos concitoyennes ne prennent pas part à notre élection que nous sommes si frileux, voire même frileuses ?

L’enjeu de ce texte ne devrait pas être seulement celui d’une meilleure représentation de la moitié de notre population mais bien de l’implication démocratique des citoyens-nes.

Nous vous soumettons trois amendements visant à progresser un peu plus vite sur la parité, et sur la diversité politique.

Nous aurions pu, au regard de mes propos précédents en proposer bien plus, mais je ne souhaitait pas importuner inutilement notre assemblée.

 Comme vous le constaterez, nous vous proposerons, de reprendre les dispositions concernant l’élection des conseillers départementaux, ce scrutin unique au monde, et que le monde nous envie déjà , dont il nous a été martelé qu’il était le seul, l’unique moyen de parvenir à la parité.

Je veux bien entendu parler du scrutin binominal paritaire !

Si l’affirmation rabâchée contre nos arguments pour de la proportionnelle correspond à la réalité gouvernementale, je suis sure qu’’aujourd’hui le gouvernement va me suivre dans ma proposition de scrutin binominal que je vous invite d’appliquer aux départements où sont élus deux sénateurs.

Cela fera enfin progresser la parité !

42 départements avec deux sénateurs ce qui amènerait 21 femmes supplémentaires, soit 6% ! Effort modéré mais indispensable !

Alors qu’avec le projet de loi si tous les partis mettent en tête de liste des hommes la progression sera nulle d’où mon second amendement.

Le troisième amendement vise toujours à l’instauration du binominal, mais cette fois dans les départements élisant trois sénateurs. Le troisième étant élu au scrutin de liste paritaire et proportionnel sur une liste nationale.

Ce système a pour mérite de faire émerger une campagne sénatoriale nationale et espérons le d’intéresser les citoyens non-élus à cette élections particulière !

Plus complexe, certes mais qui vise la parité nationale des têtes de listes, sur l’ensemble des départements où l’élection a lieu au scrutin de liste proportionnel afin que sur les trois élus deux ne soient pas systématiquement des hommes, ou 3 sur un départements de 5 élus, etc.

Puisque finalement la parité n’est réelle que pour les départements comportant un nombre pair de sénateurs.

A la proportionnelle, sur deux sénateurs, deux peuvent être des hommes pour peu que les partis rivaux ait chacun mis en tête de liste un homme et le raisonnement est valable pour l’ensemble des cas de proportionnel, la tête de liste masculine a toujours plus de chance d’être élue que la quatrième de liste... que j’étais...

Seule l’obligation d’avoir une parité des têtes de liste au niveau national permettra la parité des élus à la proportionnelle.

Avant de finir, je salue un amendement qui met fin à un archaïsme ancien qui voulait qu’un candidat puisse se présenter au second tour sans s’être présenté au premier.

Mes chères collègues, je vous remercie.

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