Première lecture

Vote blanc

mardi 19 mars 2013, par 0.20 Perline Noisette, Hélène Lipietz

Proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections.

Voir en ligne : Le dossier légistatif, sur le site du Sénat

Amendements

J’ai déposé des amendements, en particulier destinés à faire reconnaître le vote blanc comme suffrage exprimé.

Le vote blanc est actuellement assimilé au vote nul et comptabilisé avec lui.
Cette proposition de loi vise à compter séparément le votes blancs, rendant visibles les électeurs qui indiquent un refus total de l’élection (nul) de ceux qui acceptent l’élection mais ne sont satisfaits par aucun des choix proposés.

Si tout le monde est plus ou moins d’accord avec cette proposition, je suis allée plus loin en cherchant à faire intégrer le vote blanc dans les suffrages exprimés, pour qu’ils comptent donc tout autant que les votes sur un nom.

Mon intervention

Voici la video de mon intervention en séance, lors de la discussion générale (DG), le texte la suit.

Intervention d’Hélène Lipietz en séance sur le vote blanc

Monsieur le président,
Madame ou Monsieur le Ministre,
Monsieur le rapporteur,
Mes chers collègues

Notre discussion d’aujourd’hui porte sur du vote « blanc ». Pourquoi pas vert, bleu, rose ou arc-en-ciel, couleurs d’actualité ?

Car en réalité c’est du vote non nominatif dont il faudrait parler.

Le vote blanc a été reconnu comme différent du vote nul au cours de la période révolutionnaire par la Loi du 18 Ventôse an VI, puis, sous le premier Empire, le Conseil d’État, le 25 janvier 1807, a conféré un semblant de statut à ce vote en décidant que les « BILLETS blancs » devaient être retranchés des votes émis.

C’est pour que Napoléon III soit élu président à vie que le vote blanc n’a plus été comptabilisé, étant ainsi comme effacé du scrutin (je vous fais grâce des références historiques) [1].

Notre article L 66 du code électoral est donc un vieil article de 160 ans ou presque, toujours moderne dans sa prescription de l’enveloppe uniforme, l’isoloir, l’unicité d’inscription sur les listes électorales, et d’une représentation des candidats parmi les scrutateurs.

Reste qu’on peut se demander si sa vision du vote blanc est toujours acceptable.

Serons-nous, enfin, ceux qui auront fait avancer la démocratie en (re)donnant un statut au vote blanc et allant même plus loin que la proposition de loi telle que le goupe UDI nous la présente.

Comptabiliser séparément le vote blanc est un premier pas, important, dans la prise en compte des électeurs votant blanc mais ce n’est pas suffisant.

Alors que l’abstention est une absence totale de participation au vote, et que le vote nul est un rejet total du système le vote blanc est l’affirmation de désir de voter, sans que le choix proposé ne corresponde à son attente.

Faire confiance aux électeur-rices, croire en la sagesse du corps électoral est toujours difficile.

Le marquis de l’Estourbeillon, à la fin du XIXè siècle indiquait que « Le vote non assisté peut devenir un vote débridé, celui d’une masse inorganique, assez proche de ce que représente une foule, rassemblement d’individus abandonnés à leurs passions, à leurs vices, à leur vulgarité. »

Le suffrage universel, l’isoloir avaient suscité des réflexions similaires, sans parler du vote des femmes, qui ne savaient pas penser, ou allaient voter comme leur mari.

Certains débats dans cet hémicycle font penser que cette idée n’a pas totalement disparu... Il en est de même pour le vote blanc.

Pourtant, le 28 avril 1983, les sénateurs du groupe socialiste signaient la proposition de loi du sénateur René Chazelle, d’’intégration des bulletins blancs dans la catégorie des suffrages exprimés.

Après un passage, à blanc, de trente ans, les écologistes invitent donc les socialistes mais aussi tous les sénateurs à renouveler leur foi dans les électeur-trices.

Car il ne faut pas avoir peur de l’électeur-rice quand il a le choix. L’électeur-rice n’est pas notre ennemi, il est notre partenaire, nous le représentons, et pour cela il doit être totalement libre d’exprimer son opinion.

Et si l’électeur-rice veut indiquer qu’aucun des candidats, des partis ou des listes en présence ne lui sied, son opinion doit pouvoir être reconnue, donc non seulement comptabilisée mais encore prise en compte.

Le groupe Sexion d’Assaut chante :

« Qu’est-ce qu’on fait devant Nico et Marine : on vote pas ! »

Il faut faire mentir la chanson : seul le vote blanc, considéré comme suffrage exprimé permettrait aux citoyen-nes qui ne se reconnaissent pas dans une telle alternative de retrouver le chemin des urnes participant ainsi à la vie politique et, donc, à leur avenir.

Si vous ne connaissez pas ce groupe, sachez que moi non plus, mais mes assistants si ! Je vous renvoie à vos enfants ou vos petits-enfants pour en écouter plus !

Un argument souvent entendu contre l’intégration des votes blancs dans les suffrages exprimés concerne une prétendue impasse quand les bulletins blancs seraient majoritaires.

La Colombie a répondu à cette hypothèse : leur législation prend en compte le vote blanc dans le calcul des seuil mais non dans la répartition des sièges.

Le suffrage est indépendant depuis 100 ans, universel depuis 1944.

Il nous appartient que cette indépendance et cette universalité incluent le vote blanc dès aujourd’hui dans les suffrages exprimés.

Les suites

Nous avons reçu un courrier de l’association pour la reconnaissance du vote blanc :

Courrier reçu de l’Association pour la reconnaissance du vote blanc

Notes

[1art. 57 de la loi électorale du 15 mars 1849 et décret impérial du 2 février 1852. L’article 30 du décret impérial, est confirmé dans la loi électorale du 29 juillet 1913 codifie à  l’article L. 66 du Code électoral.

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