Lettre ouverte à Madame la ministre de la Justice

CRA Mesnil-Amelot et Roissy : non aux annexes des Palais de Justice

vendredi 27 septembre 2013, par Hélène Lipietz

La première des deux annexes de tribunaux construites près de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle pour juger les étrangers en attente d’expulsion au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) ouvrira le 14 octobre 2013.

Voir en ligne : Article de TV5 sur la situation du Mesnil-Amelot

Madame la ministre de la Justice, Garde des Sceaux [1],

Je dénonce haut et fort l’ouverture prochaine des audiences du Juge de la liberté et de la détention dans des annexes des Palais de Justice, sises à Mesnil-Amelot et Roissy.

Les premières audiences sont programmées le 30 Septembre prochain, vous pouvez encore arrêter cette parodie de Justice.

Hier, comme hélas aujourd’hui, avec les associations de défense [2] non seulement des étrangers, mais aussi des citoyens, avec des élus et des avocats, j’ai manifesté devant le centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) afin de refuser la mise en service de ce coûteux projet porté par les précédents gouvernements.

Bien sûr, il faut appliquer les lois de la République et donc rendre la Justice. Mais elle doit continuer à être rendue dans des lieux communs à tous les justiciables. Il faut préserver la publicité effective des audiences rendues au nom du peuple français devant le peuple français.

Les annexes des palais de Justice ne présentent pas les conditions de Justice garantissant la dignité universelle à la-quelle la justice et les justiciables ont droit, qu’elles soient situées auprès du centre de rétention administrative (CRA) ou dans la zone d’attente pour personnes en instance (ZAPI) de Roissy, où seule une armoire métallique établit la frontière entre le lieu privatif de liberté et la salle d’attente de l’audience.

Il y a trois ans, j’avais déjà manifesté au CRA du Mesnil-Amelot contre la décision de création d’une annexe du tribu-nal portée par un gouvernement de droite xénophobe. J’ai manifesté hier, les larmes aux yeux, contre la décision d’ouverture du gouvernement de gauche perdant ainsi toutes ses valeurs.

Rien ne peut justifier une telle entorse aux principes pour lesquels le peuple français s’est levé en 1789. Rien ne justifie la création de tribunaux d’exception : ni une prétendue rationalité de coûts budgétaires, qu’aucun chiffre ne permet de confirmer [3], ni une prétendue humanisation de conditions des retenus qui n’auraient ainsi pas à être conduits en car dans les palais de Justice. C’est ignorer l’égalité de jugement nécessaire à une Justice crédible, il n’y a pas de justiciables qui méritent un palais et d’autres, une simple annexe.

Je souhaite vivement pouvoir vous rencontrer avec certaines associations de défense des droits humains »“ le cas échéant, en vous accompagnant pour une visite de ces locaux - afin de vous convaincre que le gouvernement s’honorerait de renoncer à mettre en œuvre des dispositions susceptibles de dégrader durablement les Droits du Citoyen-ne.

La Justice rendue au nom du peuple français doit être rendue dans un palais au sein de la cité et non dans une annexe au bout d’une piste d’aéroport.

Écologiquement et citoyennement vôtre,

Hélène Lipietz, membre de la commission des lois

P.-S.

Communiqué de presse de la garde des Sceaux, ministre de la Justice

ZONE D’ATTENTE DES PERSONNES EN INSTANCE DE ROISSY

CREATION D’UNE MISSION SUR L’ANNEXE JUDICIAIRE DU TGI DE BOBIGNY

Le respect des exigences constitutionnelles et européennes sur le procès équitable est l’une des priorités de Madame Christiane Taubira, Garde des sceaux et ministre de la Justice.

Plusieurs associations, barreaux et parlementaires se sont inquiétés des conditions dans lesquelles la Justice allait être rendue dans les annexes judiciaires du centre de rétention administrative de Mesnil-Amelot et de la zone d’attente pour personnes en instance de Roissy. La première a ouvert le 14 octobre, l’ouverture de la seconde est prévue en janvier 2014.

Le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ont déjà encadré l’aménagement de secteurs judiciaires à proximité des centres de rétention administrative, dont l’existence est prévue par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et dans lesquels les audiences du tribunal de grande instance peuvent être délocalisées. L’annexe du centre de rétention administrative du Mesnil Amelot a été construite sur le même modèle que les deux annexes déjà existantes, au Canet, à Marseille, et à Coquelles, à Calais. Elle se situe à l’extérieur du CRA, en conformité avec cette jurisprudence établie.

Les zones d’attente des personnes en instance (ZAPI) sont des entités administratives différentes des CRA. La ZAPI de Roissy comme l’annexe destinée à servir aux audiences sont situées en zone aéroportuaire gérée par Aéroport de Paris et la police de l’air et des frontières. Les règles législatives régissant les annexes judiciaires susceptibles d’être installées dans de telles zones ne sont pas identiques à celles concernant les CRA. L’annexe prévue à Roissy sera le premier cas de salle d’audience installée dans une zone d’attente. C’est la raison pour laquelle la ministre a décidé de confier une mission concernant l’annexe judiciaire du tribunal de grande instance de Bobigny située à Roissy.

Cette mission permettra d’apprécier si cette annexe judiciaire construite à Roissy est conforme aux exigences européennes et nationales.

La ministre de la Justice rendra publiques les conclusions de cette mission dont le rapport est attendu fin novembre 2013.

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