Rencontre avec la FDSEA 77

lundi 30 septembre 2013, par Hélène Lipietz, Emmanuelle Orvain

Nous avons contacté la FDSEA77 après la lecture d’un article du Parisien : la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles se lance dans une action de sensibilisation du grand public autour des terres agricoles inexploitées.

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La FDSEA en quelques mots

Ses principaux axes de travail en tant que syndicat sont les suivants :
  Garantir la compétitivité des acteurs et leur juste rémunération
  Faire un travail de fond autour des réglementations européennes et nationales
  Améliorer le statut d’agriculteur et sensibiliser aux métiers agricoles
  Aider à l’intégration de jeunes agriculteurs sur le territoire
  Sensibiliser les élus sur l’aspect foncier et les arbitrages à faire entre la rentabilité de l’outil de travail et les conditions de travail de l’agriculteur (déchets dans son champ, incivilités diverses et variées, »¦).

Des terres trop souvent délaissées

L’accès au foncier agricole est un problème national et une pression particulière se fait jour en Ile-de-France qui voit grignoter ses terres par des promoteurs (et des élus) en mal de construction. « La FDSEA77 ne s’oppose aucunement au développement de l’activité économique sur le territoire ! Elle prône juste une concertation citoyenne cohérente qui prenne aussi en compte les 5 700 personnes représentant la population agricole du département », m’expliquait M. Rousseau.

Il est vrai que nous marchons sur la tête : des terres sont enlevées de la production agricole depuis plus de 5 ans parce qu’elles sont toujours en attente d’exploitation industrielle. Chaque communauté d’agglomérations Seine-et-Marnaise a son projet : Rozay en Brie, Nemours, Meaux, Melun »¦ « Les aménageurs se contentent souvent de faire les fouilles archéologiques comme cela leur est imposé, mais rien n’est rebouché car cette opération leur coûte cher » me livrait M. Rousseau. Lorsqu’un délai d’un an sépare l’activité agricole de la construction, il est logique de ne plus cultiver. Lorsque l’on dépasse le 5, 8, 10 ans d’inactivité pour cause d’abandon du projet immobilier, on peut commencer à se poser des questions sur la logique établie qui empêche de cultiver.

Les inquiétudes de la fédération

Quatre points retiennent tout particulièrement l’attention de la FDSEA77 :
  Les Etablissements Publics d’Aménagement (EPA) sont source d’inquiétude à la FDSEA77. Elle cherche à savoir quel est « l’aboutissement de l’aboutissement » d’un projet. Les EPA sont des puits sans fond et dépassent parfois les bornes géographiques instaurées à leur création (c’est le cas d’EPA Marne, par exemple, qui va au-delà de la « frontière » que représente l’A4 avec la création de « Villages Nature » (http://www.villagesnature.com/)).
  Les Gens du Voyage sont susceptibles de s’installer sur le champ d’un exploitant agricole, les conditions d’accueil n’étant pas identiques sur tout le territoire. Et c’est à l’agriculteur et à lui seul qu’incombe la gestion du référé, des forces de l’ordre, des déchets laissés sur place. Les élus locaux ne s’occupent et ne soutiennent généralement pas l’agriculteur puisque le groupement s’est installé sur son champ, propriété privée. Et si l’exploitant n’est pas propriétaire de la terre qu’il cultive, le propriétaire, lui refuse souvent de porter plainte par peur de représailles. Ce sont parfois des mois entiers de travail détruits, à cause d’un mauvais fonctionnement externe au monde agricole : la non-conformité et la trop faible quantité d’aires d’accueil pour les Gens du Voyage.
  Les chardons des champs qui envahissent une terre laissée à l’abandon et qui peut « contaminer » un champ limitrophe. Or, l’agriculteur est condamné »“ par le prélèvement d’une amende à la source sur l’enveloppe de la PAC (Politique Agricole Commune) qu’il touche »“ s’il y a des chardons dans son champ. Il utilise généralement une solution chimique pour lutter contre ce rhizome incontrôlable. Tandis qu’un promoteur qui fait l’acquisition d’un espace pourra le laisser foisonner de cette espèce invasive sans qu’aucune amende ne lui soit prélevée. Il en va de même avec le fauchage tardif instauré depuis quelques années dans le département. Laisser les bordures de routes à la biodiversité a du bon, bien sûr ! Il ne s’agit pas de couper ces herbes folles tous les quatre matins. Mais M. Rousseau préconise volontiers un fauchage plus raisonné, qui prenne en compte cette contrainte du chardon subie par le monde agricole. D’après lui, il faut prévoir une obligation pour l’aménageur de respecter certaines contraintes subies par le monde agricole lorsque la terre qu’il acquiert reste en vacance. - Les déchets provenant des routes alentours. Les agriculteurs retrouvent souvent dans ses champs d’innombrables détritus que les conducteurs au comportement peu scrupuleux jettent par les fenêtres d’un air tout à fait désinvolte. Le préfet de région affirme qu’il est scandalisé, mais n’a pas les moyens humains de mailler le territoire pour ramasser l’ensemble de ces ordures. L’expropriation est également un sujet dont nous aurions pu parler longuement avec M. Rousseau, qui en soulignait les abus.

Retour sur l’action coup de poing du mois de Juillet

Autour de l’autoroute A6, la FDSEA77 a trouvé entre 40 et 50 hectares « libres » puisqu’en attente de construction depuis plusieurs années par un promoteur local, affilié au Conseil Général 77 : Aménagement 77. L’emplacement était significatif du message que voulait faire passer la fédération : un espace proche d’un axe routier fréquenté au sud du département, des agriculteurs prêts à entretenir une parcelle, une action sociale à la clef. Deux bulldozers sont venus à planir le terrain, les agriculteurs mobilisés ont semé dans la foulée et quelques mois plus tard, une modeste récolte de 30 tonnes de blé a permis de rembourser les frais engagés pour niveler le terrain et a permis à la FDSEA77 de faire un don de 1250€ à Emmaüs Brie.

Moisson du coeur, Darvault, juillet 2013

Quelle irrigation d’énergie et que de générosité semée pour que fleurisse ce projet « coup de poing », mettant en exergue le fait que des terres vouées à être construites peuvent facilement être remises en culture en attendant acquéreur, et permettent à un exploitant historique de poursuivre sa carrière en local.

Moisson du coeur, Darvault, juillet 2013

Un nouvel élan

La fédération désire être un interlocuteur de choix auprès d’acteurs locaux pour être force de proposition, permettre de compléter un cadre juridique et réglementaire qui soit gagnant-gagnant pour l’ensemble des parties prenantes : élus, aménageurs, citoyens, agriculteurs. Il m’a même encouragée à organiser une réunion en petit comité avec EELV pour ouvrir le dialogue, étant naturellement conscient que des points de discorde viendront sur la table, mais étant animé par une volonté de mener un travail de fond avec des porteurs de solutions et à découvrir de nouveaux angles de vue.

J’espère pouvoir organiser une telle réunion d’ici un an.

P.-S.

Petite histoire dont j’ignorais l’existence : les agriculteurs ont la possibilité de déneiger leur commune. Equipés de leurs tracteurs, ils peuvent utiliser, suite à un accord conventionnel avec leur mairie, une lame. Les agriculteurs peuvent ainsi devenir des collaborateurs occasionnels du service public. Ceci fonctionne bien dans le Loir-et-Cher et dans la Somme, ainsi que par chez nous. Donc si cet hivers vous voyez un tracteur déneigé, c’est peut-être un agriculteur qui le conduit.

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