Commission des Lois

Les biens sectionaux des communes

Persistance administrative de l’histoire

mardi 23 octobre 2012, par Hélène Lipietz, Aurélien Vernet

Le 15 octobre, j’étais en séance publique afin de donner l’avis des écologistes concernant les biens sectionaux des communes. Ce régime est un pur produit historique issu de l’ancien droit, lui-même produit par les libéralités concédées aux habitants par les seigneurs sur des terres peu productives.

Voir en ligne : Les biens sectionnaux sur le site du Sénat

« Les biens sectionaux » n’était pas un sujet qui déchaînait les passions au sein du groupe écologiste du Sénat, j’en ai donc hérité en ma qualité d’ex-avocate en droit public.

Je me suis donc attelée à cette tâche de simplification législative : Les biens sectionaux forment un système qui conjugue des droits anciens, remontant au moyen-âge, et des tentatives de simplification, récurrentes depuis les années 1980, qui ont malheureusement parfois compliqué le régime.

Les « sages » se prononçaient le 15 octobre dans l’hémicycle et, fait assez rare, pour être souligné, le sujet a été voté à l’unanimité après un travail intense en commission des lois.

Mes quatre amendements ont été adoptés sans aucune difficulté. Pour trois d’entre eux il s’agissait d’amendements d’harmonisation, c’est à dire qu’ils modifiaient ou rajoutaient un ou plusieurs mots afin de préserver la cohérence du texte.

Un des amendements portait sur la possibilité de modifier par décret le seuil financier minimal pour la création du conseil syndical de la section, afin d’éviter au législateur de devoir revenir sur ce point d’ici quelques années.

Je vous livre ici la vidéo de mon intervention, ainsi que le texte de mon intervention :

Madame la Ministre

Monsieur le président,

mes chers collègues,

Il y a quelque chose d’émouvant à toucher à une survivance des siècles passés et d’essayer de la préparer à affronter le XXIè siècle : sans doute survivance de modes de gestion moyenâgeux, banalités et autres alleux, les biens sectionnaux nous interrogent, nous législateurs, sur notre responsabilité face à l’avenir :

pendant des siècle la propriété seigneuriale était limitée afin de garantir un usage collectif, un usufruit collectif aux habitants du lieux, face aux riches, au monopole des puissants.

La révolution française, consciente de la nécessité de ces biens pour permettre aux plus pauvres de n’être plus des serfs mais des citoyens, avec un minimum vital à exploiter n’a pas mis fin à ces usages.

Sans doute parce que les autres modes de régulations sociales de la solidarité sont apparus, comme les allocations, ce mode de gestion s’est progressivement dévoyé, si bien que certain de ces biens sont utilisés comme des bien privatifs à l’usage exclusif de certains descendants des habitants originels, n’ayant plus de lien « viscéral, avec ces biens.

Plusieurs fois réformés au cours des trois dernières décennies, la gestion des biens sectionaux est un vrai sujet politique, d’organisation de la Cité, certains Maires subissent tellement de déboires avec ces territoires qu’ils finissent par rendre leur tablier.

Lorsque l’on connaît le sacerdoce des élus de ces petites communes, on ne peut qu’espérer une simplification du régime juridique de ces biens, ce qui permettrait peut-être d’aplanir les conflits.

Toutefois, ce régime particulier ne s’adressant qu’à une fraction de la population d’une commune, constitue une rupture d’égalité, ces biens produisant des richesses qui ne peuvent être utilisés que dans l’intérêt du territoire de la section, alors même qu’ils appartiennent à la commune dans son entier, ce qui a déjà été souligné.

Cette proposition de loi essaye de rendre plus simple et surtout plus « juridique », est-ce à dire plus judicieux, du moins je l’espère, le régime des biens sectionaux, mais on part de très loin...

Je me réjouis notamment que la proposition reconnaisse la nature publique de la section de commune et définisse clairement la qualité de membres de la section qui était pour le moins floue jusqu’à présent.

On en vient à se demander comment des régimes aussi archaïques et aussi mal définis ont pu perdurer aussi longtemps dans notre droit, alors que la proposition de notre éminent collègue était si simple.

Il semble aussi évident que par cette réforme, non seulement nous interdisons la création de nouvelles sections mais nous signons la disparition de l’écrasante majorité des sections de communes, celles qui ne sont plus qu’une coquille vide sans habitants et sans ayant droits, la plupart des 27000 sections ne fonctionnant pas ! Les seules qui fonctionnent réellement sont au nombre de 200 et ont constituée un conseil syndical pour gérer leur section et les rapports avec la commune.

Certes, les sections ne disparaîtront pas totalement, et nos successeurs auront certainement à revenir sur ce régime afin de le mettre à nouveau en cohérence avec les évolutions de notre population et des nouveaux modes d’habiter les villages !

Plus généralement, nous devrions nous intéresser à la notion de biens communs, notion chère aux écologistes, et à la manière d’associer les citoyens à cette gestion, à l’exploitation et à l’entretien des biens de la commune.

Il y a un besoin réel aujourd’hui de retisser les liens qui devraient unir toutes les communautés humaines.

L’individualisme et l’égoïsme ne sont pas des valeurs qui permettent au citoyen de relever la tête en temps de crise, en revanche l’entraide, la solidarité et le partage sont les axes de réflexions dont nous avons besoin en ces temps difficiles

Beaucoup d’initiatives illustrent mes propos : on voit émerger un peu partout en France les « jardins partagés » sorte de jardins ouvriers avec une notion collective plus marquée encore.

Si nous associons également les usagers à la gestion des biens collectifs que sont les aménagements urbains, les locaux collectifs des HLM ou les équipements sportifs nous renforcerions alors le sentiment de confiance dans la gestion des propriétés publiques, nous donnerions aux citoyens la possibilité de comprendre le fonctionnement des espaces publics et de prendre leur responsabilité dans l’exercice de cette propriété collective !

C’est d’ailleurs un axe de réflexion du centre d’analyse stratégique, reçu aujourd’hui.

Lors de la réforme de la démocratie territoriale, j’espère que nous aurons l’occasion d’aborder de nouvelles formes d’association et de responsabilisation des citoyens concernant la gestion des propriétés des communes, qui sont justement des propriétés communes !

Les sections de communes nous auront ainsi mis en appétit pour réinventer une des modalités du vivre ensemble : il faut des règles simples autour d’un projet commun sans que personne ne puisse en tirer plus de bénéfice que d’autres...

bref une belle utopie, un beau rêve pour cette heure tardive...

Pour comparaison, voici le compte-rendu analytique de la séance.

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bénéfice que les autres : un beau rêve pour demain (Applaudissement sur les bancs écologistes)

Forum

6 Messages

  • Les biens sectionnaux des communes date forum, par Maïeul

    Très bien, mais si à l’avenir du peu parler de médieval et non de moyen-âgeux ;-)

  • Les biens sectionaux des communes date forum, par Aurélien

    Oui Maïeul, on fera attention la prochaine fois ! ;-)

  • Les biens sectionaux des communes date forum, par aldebert

    bonjour vous me semblez traiter le sujet sans vraiement le connaitre . je vous invite a venir voir dans ma commune l interet des sectionnaux. je suis agriculteur et mon exploitation est viable grace aux biens de sections tout comme la plupart de mes voisins. Les discordes causées par les sectionnaux sont dues a des maires favorisant le copinage plutot que le droit ; et les ayants droits lésés se heurtent a une justice administrative trop lente et pas assez précise dans ses jugements .....

    merci

  • Les biens sectionaux des communes date forum, par noel ducret

    je suis surpris de l’incohérence juridique d’une parlementaire dans les médias on parle d’un projet de loi pour faciliter le transfert foncier des sectionnaux aux communes, or dans votre intervention vous indiquez qu’ils font déja partie des biens d’une commune !!! bizarre, bizarre nous sommes ayant droit d’un sectionnal en Lozère et nous payons notre côte-part pour les impôts fonciers ; si la commune est propriétaire comme vous le dîtes, sommes nous en droit de demander le remboursement de 5 années d’imposition. nos salutations

    • Les biens sectionaux des communes date forum, par Hélène Lipietz

      J’ai renvoyé la question à Bercy au cabinet de du ministre !

      En leur demandant quelle est la doctrine fiscale sur les biens sectionnaux qui ne semble pas simple et qui, de toute façon, n’était au coeur de nos débats et de la loi.

      Je vais les relancer car c’était y a plus de 15 jours et ils devraient m’avoir répondu !

      Sinon je pose une question écrite, plus exactement, Aurélien s’en occupe et bien sûr je vous tiens au courant.

      merci de votre lecture attentive

      • Les biens sectionaux des communes date forum, par Aurélien Vernet

        Voici la réponse de Bercy telle qu’elle nous est parvenue :

        « Je ne suis pas sûr de comprendre la question car le rapport de M. Collombat sur la PPL de M. Mézard me paraît clair sur ce point, lorsqu’il évoque le contenu de l’articler 1er bis introduit en commission : »Enfin, le paiement des taxes foncières est mis à la charge de la section de commune et non de ses habitants, par une modification en ce sens de l’article 1401 du code général des impôts. Le fait que ce soit les habitants, et non la section de commune, qui acquittent cette imposition pose un problème de cohérence puisque c’est normalement le propriétaire qui est redevable de ces taxes foncières. Les habitants - notion au demeurant non reprise telle qu’elle dans le CGCT - doivent ainsi acquitter une imposition liée à un bien dont ils n’ont pas la propriété."

        Je comprends donc que, par dérogation au droit commun, ce sont aujourd’hui, en vertu de la loi (art. 1401 du CGI) les ayants droits qui doivent acquitter la taxe foncière pour les biens dont la section de commune est propriétaire, mais que le III de l’article 1er bis de la PPL adoptée conduit bien à mettre la TF à la charge de la section.

        N’hésitez pas à me dire si vous considérez que cela ne répond pas à la question que vous soulevez."

        En espérant que cela réponde à votre question !